Les guillotinés de la place de la Concorde

Du 21 janv. 1793 au 28 juil. 1794

L'exécution de Louis XVIL'exécution de Louis XVI | ©Rijksmuseum / CC0

La place de la Révolution, actuelle place de la Concorde, a accueilli la sinistre guillotine, entre le 21 janvier 1793 et le 28 juillet 1794.

Louis XVI, Marie-Antoinette, Charlotte Corday, Danton, la Du Barry, Lavoisier, Robespierre...

Découvrez qui se cachent derrière les guillotinés les plus célèbres de la place de la Concorde.

La guillotine à Paris

De la place de Grève à la place de la Révolution

Saviez-vous que la toute première utilisation de la guillotine a lieu le 25 avril 1792, à Paris ?

Le condamné s’appelle Nicolas Pelletier, arrêté pour vol et meurtre.

L'exécution a lieu sur la place de Grève, actuelle place de l'Hotel-de-Ville, lieu traditionnel des exécutions capitales, depuis des lustres.

Jusqu’à ce que l’échafaud déménage sur la place du Carrousel, face aux Tuileries, le 21 août 1792.

Mais comme le gouvernement siège là, ça gêne ! On déménage l’engin sur la place de la Révolution, actuelle place de la Concorde.

L'emplacement exact de la guillotine de la place de la Concorde

Elle se trouvait à l'ouest de la place, à l'entrée de l'actuelle avenue des Champs-Élysées !

Un nombre de victimes effrayant !

Voilà le décompte macabre. On compte :

  • 1120 guillotinés en 13 mois, sur la place de la Révolution (l'actuelle place de la Concorde) ;
  • 1306 victimes en 43 jours, sur la place du Trône (l'actuelle place de la Nation) ;
  • 73 sur la place de la Bastille en 4 jours, en 1794.

En tout, on a guillotiné 2498 personnes à Paris, pendant la Révolution !

Les guillotinés les plus célèbres de la Concorde

21 janvier 1793 : Louis XVI, 38 ans

Son confesseur, l’abbé irlandais Edgeworth de Firmont, lance le célèbre : « Fils de saint Louis, montez au Ciel ! » au moment de la mort du roi.

17 juillet 1793 : Charlotte Corday, 24 ans

Charlotte, la petite Normande qui assassine Marat dans sa baignoire, le 13 juillet 1793.

Au moment où on la conduit à la guillotine, elle fixe celle-ci avec des yeux ronds : « J'ai bien le droit d'être curieuse, je n'en avais jamais vu ! »

16 octobre 1793 : Marie-Antoinette, 37 ans

La reine reste très digne, au moment de monter les marches qui la séparent de l'échafaud.

Ses derniers mots vont au bourreau, alors qu'elle lui écrase maladroitement le pied : « Monsieur, je vous demande pardon, je ne l'ai pas fait exprès. »

3 novembre 1793 : Olympe de Gouges, 45 ans

Pionnière du féminisme, auteur en 1791 de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe œuvre pour ses consœurs et l’abolition de l’esclavage.

Ses derniers mots ? « Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort. »

6 novembre 1793 : Philippe-Égalité, 46 ans

Descendant de Louis XIV, père du futur Louis-Philippe Ier, on lui doit les galeries du Palais-Royal.

À l'assistant du bourreau qui tente de lui enlever ses bottes, il souffle : « Laissez ! Vous le ferez plus aisément après ma mort. »

Avant de glisser au bourreau : « Dépêchez-moi vite. »

8 novembre 1793 : Manon Roland, 39 ans

La belle égerie des Girondins aurait crié cette phrase sur l'échafaud, en se tournant vers la statue de la Liberté qui décorait la place, à l'époque : « O liberté, que de crimes on commet en ton nom ! »

8 décembre 1793 : Mme du Barry, 50 ans

La dernière maîtresse de Louis XV, née Jeanne Bécu de Cantigny.

On doit la traîner à l’échafaud. Elle pleure, supplie, gémit, prie, se débat comme un cheval fou dans des brancards.

Ses derniers mots sont terribles : « Encore un instant, Monsieur le bourreau ! »

31 décembre 1793 : le duc de Lauzun, 46 ans

Armand-Louis de Gontaut Biron, duc de Lauzun (aucun rapport avec le Lauzun de Louis XIV, bien que de la même famille), que les ragots disent être l’amant de Marie-Antoinette...

Quand le garde vient le chercher pour le conduire à la guillotine, Lauzun prend le temps de terminer une douzaine d'huîtres arrosée d'un verre de blanc, tranquillou, et trinque en servant un coup à ses geôliers (Histoire des Girondins, Lamartine, 1870) !

5 avril 1794 : Camille et Lucile Desmoulins, 34 et 24 ans

Le couple mythique de la Révolution française !

Camille tombe en même temps que Danton et ses amis. Ils ont eu le malheur de s'opposer à la Terreur de Robespierre, qui a fait tomber bien trop de têtes.

C'est le tour de Camille. Il faut l'attacher dans la charrette qui le conduit à la mort, pris d'une agitation démente.

Il tient dans sa main une mèche de sa Lucile. Avant de murmurer une dernière fois, dans un souffle, « Lucile »... le couperet tombe.

Lucile, 24 ans, ne tarde pas à se faire arrêter : « Ô joie ! Dans quelques heures, je vais rejoindre Camille ! » lance-t-elle à ses juges.

Le 13 avril 1794, sur la guillotine de la Concorde, son âme rejoint enfin l'amour de sa vie.

5 avril 1794 : Danton, 34 ans

Même crime que Desmoulins : complot avec l'étranger, une accusation ultra répandue en cette période de Terreur, où l'on voit des ennemis de la Révolution absolument partout.

Danton se dresse devant la guillotine comme un colosse, un monstre, le mufle tourné vers le ciel, le visage serein.

Pourtant, un instant, le colosse vacille...

On l'entend gémir : « Ma bien-aimée, je ne te reverrai donc plus», pensée fugace pour sa femme, la douce Louise (vue dans La Sainte guillotine, B. Cortequisse, éditions France-Empire).

Au bourreau qui le fixe : « N’oublie pas surtout, n’oublie pas de montrer ma tête au peuple : elle est bonne à voir. »

22 avril 1794 : Malesherbes, 72 ans

Malesherbes perd la tête pour avoir défendu Louis XVI à son procès.

Le jour de son exécution, en sortant de prison pour être conduit à l'échafaud, son pied heurte un pavé et lui fait perdre l’équilibre.

Il grogne : « Oh, voilà un mauvais présage. À ma place, un Romain serait rentré chez lui. »

Son gendre, sa fille, sa petite-fille et son mari ainsi que sa sœur aînée seront guillotinés quelques jours après lui.

8 mai 1794 : Antoine Lavoisier, 55 ans

Papa de la chimie moderne, vous avez déjà dû entendre son « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », reste informe d’un cours de chimie de 4e...

Hé OUI, lui aussi finit sur la guillotine. Pourquoi ? Parce qu’il occupe le poste de fermier général : la Ferme de l’Ancien Régime, c’est un business qui récolte les impôts pour le roi.

Le roi recevait son pactole régulièrement : en contrepartie, les fermiers touchent leur part du gâteau.

Lavoisier avait demandé un sursis pour finir une expérience scientifique, ces mufles répondent : « La République n’a pas besoin de savants, ni de chimistes. »

28 avril 1794 : Charles-Henri d’Estaing, 64 ans

Vice-amiral pendant la guerre d’Indépendance américaine qu’on a rencontré dans son château natal de Ravel.

Sa dernière phrase ? « Quand vous aurez fait tomber ma tête, envoyez-la aux Anglais, ils vous la paieront cher. »

10 mai 1794 : Madame Élisabeth, 30 ans

La sœur de Louis XVI, enfermée avec lui à la prison du Temple.

Sur l’échafaud, son fichu tombe de ses frêles épaules. Elle plante son regard dans celui du bourreau et dit : « Au nom de votre mère, couvrez-moi, monsieur ! »

28 juillet 1794 : Robespierre, 36 ans

Voilà la fin de l'instigateur de la Terreur : Robespierre. Pris à son prendre jeu. Le monstre se retourne contre son créateur.

Acculé, Robespierre a tenté de se suicider à l’Hôtel-de-Ville.

La mâchoire fracassée, pendante et sanguinolente (qui ne tient plus que rafistolée avec un mouchoir noué à sa tête), il monte l’échafaud, livide.

L’aide du bourreau lui arrache violemment son bandage. Sa mâchoire se disloque, il hurle de douleur.

C'est un homme inconscient, déjà mort qu'on place sous le couperet...

Conclusion

Toutes les victimes de la place de la Révolution (et de la Révolution française en général) reposent aujourd’hui pêle-mêle dans les Catacombes de Paris, mais aussi au cimetière de Picpus.

Avec la fin de la Terreur, en 1795, on décide de donner le nom de Concorde à la place. Plus pacifique, plus optimiste, pour faire oublier l'horreur...

Source

  • Jacques Hillairet. Connaissance du vieux Paris. Éditions Princesse, 1963.