Picpus et la Révolution Française : le cimetière des guillotinés

Le juin 1794

Une des fossesUne des fosses | ©Tangopaso / Public domain

Le petit cimetière de Picpus abrite les tombes des guillotinés de la place du Trône (actuelle place de la Nation), exécutés entre juin et juillet 1794.

Petit retour sur ces terribles évènements, et zoom sur le cimetière révolutionnaire de Picpus !

L'ombre de la guillotine sur la place du Trône

Une ombre... sinistre ! Celle de la terrible guillotine. On l’installe sur la place voisine de la Nation, entre le 13 juin et le 28 juillet 1794.

Elle fait 1306 victimes en 43 jours. Pour comparaison, on a 1120 guillotinés en 13 mois, sur la place de la Concorde...

Ce sont ces victimes de la place de la Nation que l’on enterre dans les fosses communes du couvent de Picpus, racheté pour l’occasion.

La folie de la Terreur

Aaah, elle est belle la liberté des hommes, belle la Révolution ! Tous les jours, des charrettes débarquent une nouvelle fournée d’hommes à raccourcir.

Un guillotiné par jour, au début. Et en 1794 ? Une cinquantaine ! Allez, à la chaîne, à qui le tour ?

La Terreur bat son plein : on massacre non seulement les nobles, mais également le peuple, de la folie pure : on voit des ennemis de la Révolution partout, depuis que les armées des rois européens, hostiles à la Révolution, veulent envahir la France.

Chacun devient un suspect potentiel. La solution ? Tuer tout le monde !

Une horrible marée de sang

Et le sang coule à flot...

Comme si cela ne suffisait pas, on lit dans Dictionnaire administratif et historique des rues et monuments de Paris (L. C. Lazare) que la place de la Nation devient vite un lieu d’horreur absolue, pour les habitants.

À cause des flots de sang !

Alors, à l’endroit-même de la guillotine, on creuse un trou « d’une toise cube » (à peu près 8m2), par où coulent le sang des victimes et l’eau qui sert à nettoyer la lame.

Mais guillotiner en plein été, cela provoque aussi des odeurs immondes, inévitables. Et des maladies.

Un inspecteur vient inspecter le trou et lance, mouchoir sur le nez, qu’une fois les exécutions de la journée terminées, on doit mettre une bête planche dessus.

Mais... ça ne suffit pas à couvrir l’odeur abominable, bien sûr.

Plaque à l'entrée du cimetièrePlaque à l'entrée du cimetière | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Les Chemises Rouges

La plus grande « fournée » d'exécutions de la Terreur, place de la Nation ?

Celle des Chemises Rouges : 54 personnes se font guillotiner par le bourreau Sanson, en 28 minutes chrono.

De pauvres péquins accusés d’avoir commis le crime suprême : assassiner Robespierre, le « père » de la Révolution...

Ils arrivent couverts d’une chemise rouge, celle réservée pour les assassins. Assassins accusés sans preuves, sans procès...

Le cimetière de Picpus

L'actuel cimetière de Picpus remplace le couvent des chanoinesses de Saint-Augustin, fondé en 1640.

Fermé en 1792 et vendu, les religieuses chassées, c’est là que les 1306 victimes guillotinées sur la place du Trône, du 13 juin au 28 juillet 1794, se font enterrer dans deux fosses communes.

Princesse allemande recherche son frère

C’est la princesse de Hohenzollern qui achète en secret le terrain où se trouvent les fosses communes, en 1796.

Elle construit un mur pour empêcher les profanations. Il faut dire que son frère, le prince de Salm, se trouve parmi les victimes...

Le temps passe. En 1802, la comtesse de Montaigu, qui avait perdu sa famille sur l’échafaud, apprend que des fosses se trouvent à Picpus.

Informations délivrées par une jeune fille raccommodeuse de dentelles, à qui la guillotine avait enlevé père et frère.

Mais depuis que la princesse allemande a acheté le lopin de terre, l’endroit est privé...

La comtesse achète alors le carré voisin où se trouvent ses parents, grâce à une souscription. D’autres familles la rejoignent bientôt.

Voilà pourquoi on retrouve enterrée ici la crème de la crème de l’aristocratie française : Montmorency, La Rochefoucauld, Chateaubriand, Montmorency, Clermont-Tonnerre, Polignac, Rohan...

Parmi les victimes, nobles et gens du peuple !

La guillotine n’a pas tué que des nobles : sur les 1109 hommes et 197 femmes âgés de 16 à 85 ans, on compte 702 « gens du peuple »... pour 159 nobles.

Plus 178 « gens d’épée », 136 « gens de robe » et 131 « gens d’église. »

Jeune, vieillard, malade, paysan, scientifique, ouvrier, on s’en fiche !

Tout le monde y passe, les royalistes convaincus comme les « ennemis du peuple ». Il faut du sang à la Révolution, pour se repaître...

La porte charretièreLa porte charretière | ©Tangopaso / Public domain

À la découverte du jardin

Vous voyez, ce jardin ? On conserve toujours les bornes qui marquaient les fosses communes...

À côté, dans son enclos, le monument de la famille de Salm, les fondateurs du cimetière.

Venez au fond du jardin, à gauche. On voit encore la porte charretière pratiquée dans le mur du couvent, par où arrivaient les charrettes chargées des corps.

Juste à côté, la chapelle transformée en bureau par les fossoyeurs, où l'on dépouillait les victimes pour faire l’inventaire de leurs biens.

Vestige de la chapelleVestige de la chapelle | ©Tangopaso / Public domain

Qui sont les personnalités inhumées à Picpus ?

  • Le marquis de La Fayette et son épouse.
  • Le poète André Chénier, qui prend la défense de Charlotte Corday, après la mort de Marat. En montant à l’échafaud, il se touche la tête et dit : « Pourtant, j’avais quelque chose, là ! »
  • Les Carmélites de Compiègne, 16 sœurs entre 29 et 78 ans. La plus âgée, impotente, est jetée de la charrette, devant la guillotine, par un aide du bourreau...
  • La maréchale de Noailles, qui avait dit « Je suis sourde et aveugle » à son juge révolutionnaire. On lui répond : « C’est donc que tu conspirais aveuglement et sourdement »...
  • L’écrivain Louis de Champcenetz, qui trouve la force de rire, en lançant devant le tribunal révolutionnaire : « Pardon président, mais est-ce ici comme dans la garde nationale, peut-on se faire remplacer ? »
  • Louise-Marie de Montmorency, toute dernière abbesse de l’abbaye royale de Montmartre, guillotinée quasi nonagénaire.
  • Le 1er mari de Joséphine, Alexandre de Beauharnais.