7 anecdotes sur le mariage de Lucile et Camille Desmoulins à Saint-Sulpice, le 29 décembre 1790
« Je suis heureux autant qu'on peut l'être sur Terre », écrit Camille Desmoulins.
Il va épouser sa Lucile, dans la chapelle de la Vierge de l’église Saint-Sulpice, le 29 décembre 1790 !
Aahh, LE couple révolutionnaire mythique ! Elle a 20 ans, lui 30.
Et pour une fois, une très rare fois, c’est un mariage d’amour ! Un bel amour, tendre, passionné.
Un couple mythique et fou d’amour, fauché par la Révolution. Uni... jusque dans la mort.
1 - Unis, même par les prénoms !
Pour la petite anecdote, Camille s’appelle Lucile, de son premier prénom...
Lucile Simplice Camille Benoît Desmoulins, dit l’acte de mariage.
Un signe, pour ce couple d’âmes sœurs !
2 - Camille courtise la mère... avant de tomber fou amoureux de la fille
En voyant sa future femme arriver à l’autel, toute belle, Camille sent sa poitrine se gonfler de fierté.
Les souvenirs reviennent... le ramènent sous les feuillages du jardin du Luxembourg, où il la voit pour la première fois.
Camille a 23 ans, on est en 1783. Le futur avocat rencontre souvent cette belle dame Duplessis, dans les allées, se promener avec sa fille Lucile.
Elle, une toute jeune fille, a 12 ans à peine... mais Camille se fiche, de la petite ! Il courtise... la mère.
Jusqu’à ce que les yeux du jeune homme recroisent ceux de la jeune Lucile, des années plus tard. C’est le coup de foudre !
Plus tard, Camille, en prison au Luxembourg, écrira à sa Lucile :
« Ma destinée ramène dans ma prison mes yeux sur ce jardin où je passai 8 années de ma vie à te suivre. Un coin de vue sur le Luxembourg me rappelle une foule de souvenirs de nos amours... »
3 - Les deux jeunes gens sont fous amoureux
Camille est donc tombé éperdument amoureux de Lucile. Pourra-t-il seulement l'épouser ?
Il sait bien, que le père de la jeune fille ne lui donnera jamais sa main, à cause de sa situation d'avocat sans clients... donc, sans le sou !
Camille est malheureux, désespéré. Résigné, il écrit :
« Je veux m'accoutumer à cette pensée qu'elle ne sera jamais à moi, qu'elle ne mettra jamais sa main dans la mienne, que je ne reposerai point sur le sein de Lucile, que je ne la presserai point contre mon cœur. »
Lucile, elle aussi, l'aime follement, quoique très secrète. Elle écrit dans son petit carnet :
« Depuis trois ou quatre jours, je pense toujours à lui. Il ne sort pas de ma tête. Quand je dors, c'est à lui que je rêve. »
Pourtant, par pudeur, Lucile feint l'indifférence, lorsque Camille se déclare ! Alors qu'elle se meurt pour lui ! Alors qu'elle a repoussé tous les prétendants présentés par son père !
« Ah ! toi qui es au fond de mon cœur, toi que je n'ose aimer, ou plutôt que je n'ose dire que j'aime... »
Puis Lucile écrit le très beau :
« Ton image est sans cesse présente à ma pensée ; elle ne me quitte jamais, je te cherche des défauts, je les trouve et je les aime. »
Oh, cette phrase... Peut-être la plus belle déclaration d'amour qui soit, le véritable amour ?
4 - Les Duplessis font de la résistance : Camille a attendu la main de sa Lucile
Les parents de Lucile, Claude-Étienne Laridon-Duplessis et Anne Bois de Veix, ne voient pas Camille d’un très bon œil : avocat débutant, le petit Picard originaire de Guise, dans l’Aisne, n’a pas d’argent, pas d’avenir !
Et pas de clients, c’est ballot. Pourquoi, pas de clients ? Le pauvre Camille bégaie ! Impossible d’aligner trois mots.
Sauf pour son célèbre discours au Palais-Royal, qui lance la Révolution et la prise de la Bastille !
Mais Camille devient un grand journaliste reconnu. Il se lance même dans la politique, aux côtés de Danton et Robespierre, son ami depuis le lycée Louis-le-Grand, à Paris.
Camille devient aussi Montagnard, ce groupe favorable à la Révolution, contre la monarchie.
Tout va bien : Camille peut enfin épouser sa Lucile... Il écrit :
« Nombre de journaux ont parlé de mon alliance, les patriotes s’en réjouissent, les aristocrates en enragent et injurient la famille qui m’a honoré de son alliance. Mais tous s’accordent à admirer ma femme comme une beauté parfaite, et je vous assure que cette beauté est son moindre mérite. »
Puis il écrit ceci à ses parents, presque trois semaines avant le mariage :
« Aujourd'hui 11 décembre, je me vois enfin au comble de mes vœux. Le bonheur pour moi s'est fait longtemps attendre, mais enfin il est arrivé, et je suis heureux autant qu'on peu l'être sur la terre. Cette charmante Lucille, dont je vous ai tant parlé, que j'aime depuis 8 ans, enfin ses parents me la donnent et elle ne refuse pas. »
5 - Camille verse une larme, Robespierre fait son jaloux
29 décembre 1790, jour J ! Nous voilà dans la chapelle de la Vierge, en l'église Saint-Sulpice.
Voilà ce que disent les Mémoires d'un prêtre régicide (Denis-Alexandre Martin, 1829) :
« À 11 h, j’étais à l’église. Les jeunes époux arrivèrent à midi. Camille, tout en noir, poudré, frisé avec art, le regard ardent, la démarche brusque, précipitée. Lucile, vêtue d’une robe blanche, l’œil légèrement humide, le maintien angélique. Tout se passa avec la plus grande décence. La jeune fille avait un beau livre d’heures qu’elle lut pendant toute la messe. Camille ne fut pas trop distrait. »
Mais le curé fait un discours très touchant sur « les devoirs des époux »...
Ah là la ! Camille verse une larme, tout fébrile. Il écrit :
« Mon cher Bérardier (l'ancien proviseur de Desmoulins à Louis-le-Grand, ndlr) a fait la célébration à Saint-Sulpice Il a prononcé un discours touchant et qui nous a bien fait pleurer, Lucile et moi. Nous n’étions pas seuls attendris, tout le monde avait les larmes aux yeux autour de nous. »
Vous savez quoi ? Robespierre se penche alors vers Camille et lui glisse dans l’oreille, dans un souffle rauque : « Ne pleure pas, hypocrite. »
Rooooh... un cœur de pierre jaloux, ce Robespierre !
6 - Camille choisit son ami Robespierre comme témoin de mariage... son futur bourreau !
Camille choisit son ami fidèle, Robespierre, pour devenir son témoin, en ce jour important.
Camille adore Maximilien. Maximilien de Robespierre, aussi parrain de leur fils Horace !
Pourtant, le couple Desmoulins va se faire guillotiner, à une semaine d’écart, par ce même témoin de mariage...
Ne vous en faites pas : Robespierre aura lui aussi son compte...
7 - Unis dans la mort : Camille et Lucile meurent à une semaine d’écart
La Terreur aura la peau de Camille et Lucile Desmoulins.
La Terreur, vous savez ?
Une fois la monarchie abolie (la mort de Louis XVI), Robespierre instaure la Terreur, genre de gros cauchemar paranoïaque.
Le principe ? On a fait la Révolution, tué la monarchie, créé une République : il faut à tout prix la préserver.
Tout ce qui peut mettre en péril le nouvel ordre créé est détruit : les exécutions en masse de tous les « ennemis de la patrie » se multiplient.
Danton, Desmoulins et tant d’autres finissent par dénoncer cette folie : ah oui ? Robespierre les fait mourir !
Voilà comment Camille meurt guillotiné en 1794, une mèche de cheveux de sa Lucile serrée dans son poing.
Son dernier cri est pour elle : « Lucile ! »
8 jours plus tard, celle-ci suit son destin terrible.
Ses derniers mots, mythiques, claquent pour l'éternité : « Depuis 8 jours, je ne forme plus qu’un vœu, celui de retrouver Camille ! Et ce vœu va s’accomplir ! »
Source
- Jules Claretie. Camille Desmoulins, Lucile Desmoulins : étude sur les dantonistes. 1875.