Venez avec nous faire un tour à la découverte des boutiques du Palais-Royal, à la fin du 18e siècle et au 19e siècle !
Les galeries de Louis-Philippe d’Orléans, le prince fauché
Les boutiques du Palais-Royal ? Elles existent depuis le 18e siècle !
C’est Philippe-Égalité (Louis-Philippe d’Orléans de son vrai nom), qui crée les galeries et leurs boutiques, dès 1780.
Son arrière-grand-père, Philippe d’Orléans (neveu de Louis XIV), passe sa vie au Palais-Royal, devenu résidence de la famille royale en 1636, quand Richelieu l'offre à la reine, sur son lit de mort.
Autour du jardin, l’architecte Victor Louis réalise les galeries actuelles avec rez-de-chaussée, entresol et étage. Au rez-de-chaussée, les fameuses boutiques !
Des galeries publiques où le peuple venait vaquer jusqu’à 2 h du matin.
Louis-Philippe réalise ce grand projet de spéculation immobilière, car il croule sous les dettes, il a trop fait la fête ! Il espère récupérer un peu de liquidités…
Promenade pittoresque au Palais-Royal
Le camp des Tartares
Sur les 4 galeries de prévues, l'architecte en a seulement construit 3... faute d'argent !
À la place de la 4e, provisoirement, on a une galerie faite de planches de bois : on l’appelle le Camp des Tartares, le rendez-vous de tous les débauchés de la ville !
Il s'agit de l’actuelle galerie d’Orléans, construite par Fontaine, en 1829.
On y venait pour les attractions, toutes plus sensationnelles les unes que les autres.
- La géante prussienne Mlle La Pierre ;
- Paul Butterbrodt, un colosse de 240 kg : « Le voir manger était une attraction de haut luxe », dit un journal de l'époque ;
- pour 2 sous, on voyait aussi « ce que Dieu lui-même ne saurait jamais voir » : on rentre, on se voit dans un miroir et une grosse voix dit : « Tu vois ton semblable, ce que Dieu ne peut pas voir, car Il n’a pas de semblable. »
Police, tripot et prostitution
Philippe-Égalité avait interdit à la police de mettre les pieds chez lui.
Une grande liberté règne donc ici, plus que n’importe où à Paris !
Maisons de jeu glauques et prostituées font leur apparition après la mort du prince, arrêté dans son palais et guillotiné en 1793.
Le plus célèbre tripot se trouve au n°9 de la galerie de Montpensier, le Pince-Cul : beaucoup de joueurs fauchés s’y suicident, dit Connaissance du Vieux Paris.
Et puis, on a les fameuses « nymphes du Palais-Royal », qui se promènent le soir dans les galeries, avec leur décolleté avantageux...
C’est le fils de Philippe-Égalité, le roi Louis-Philippe, qui chasse tout ce petit monde, en 1836.
Bizarrement, le jardin et ses galeries redeviennent calmes !
La galerie de cire de Curtius... et une certaine Mme Tussaud !
Au n°17 de la galerie Montpensier se trouvait le cabinet de cires du sieur Curtius, installé en 1785.
L’ancêtre du musée Grévin, créé en 1882 dans le passage Jouffroy !
Grande première mondiale : ce médecin anatomiste et sculpteur sur cire allemand crée la première galerie de personnes en cire, grandeur nature.
Sa jeune assistante, Marie, la fille de sa femme de ménage française, se charge de réaliser les plus belles pièces : les bustes de Voltaire ou Benjamin Franklin.
Plus tard, Marie épouse un certain M. Tussaud, avant de filer à Londres créer le célèbre musée...
Les restaurants
- Au n°36 de la galerie Montpensier, voici le café des Mille Colonnes (1807), avec ses 30 colonnes reflétées par des glaces, tenu par la Belle Limonadière, la plus belle femme de Paris, paraît-il...
- Au n° 79, l’ancien Café de Chartres fréquenté par les royalistes, l'actuel resto du Grand-Véfour : le plus ancien établissement du Palais, fondé en 1784 ! Le poète Lamartine, le général Murat, Mac-Mahon en font leur cantine.
- Un autre resto, au n°121 de la galerie de Valois, le Café mécanique : pas de serveur, juste un monte-plat qui monte et descend au centre de chaque table. Les badauds s'agglutinaient même devant la vitrine rien que pour voir les allers-retours des plateaux !
- C’est dans le café du n°114-118 de la galerie de Valois que le royaliste Pâris assassine le député Lepeletier de Saint-Fargeau. Un des martyrs de la Révolution, avec Marat !
Les premiers cabinets d'aisance de Paris
Saviez-vous que le premier « cabinet d’aisance » naît au Palais-Royal ?
Un terme pudique pour désigner l'ancêtre de nos toilettes publiques !
Sébastien Mercier raconte dans son Paris pendant la Révolution (1862), que son créateur
« fut très judicieux qui voyant au Palais-Royal les restaurateurs glaciers établir leurs réfectoires et leurs cabinets particuliers en aussi grand nombre et aussi près les uns des autres, fit construire des lieux d'aisance pour les dîneurs à 18 livres par tête. Il pensa que tant de dindes aux truffes, tant de saumons, tant de hures de sangliers, tant de saucissons de Bologne, tant de vins, de liqueur, de sorbets et de limonades devaient trouver là, en dernière analyse, leur réservoir commun, et qu’en le faisant assez spacieux et surtout assez commode pour tant de gens qui se font de tout une matière de volupté, le caput mortuum des cuisines environnantes deviendrait pour lui une mine d'argent. En effet, ce qui prouve le bon sens du spéculateur, c'est que sa fosse lui produit un revenu annuel de 11 à 12000 livres au moins. C'est au Palais-Égalité qu'en tout genre l'or qui provient de ce qu'il y a de plus immonde, ne laisse aucune trace de mauvaise odeur. »
Sources
- Agricol Beynet. Chroniques du Palais-Royal. 1860.
- Jacques Hillairet. Connaissance du vieux Paris. Éditions Princesse, 1963.