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Petite histoire de la collégiale Saint-Vulfran d'Abbeville en 9 anecdotes

La façade | Mattana / CC-BY-SA
Collégiale Collégiale Saint-Vulfran d'Abbeville

1 - La légende du lézard

Connaissez-vous la légende du gros lézard de la collégiale Saint-Vulfran ?

2 - Des vitraux signés… Einstein

Vous les avez vus, tous ces vitraux colorés, dans l’abside ?

Un artiste américain les réalise à la fin des années 60 : William Einstein (aucun lien avec Albert). Waouh !

L’enfant du Missouri installé à Paris en 1927, qui suit les cours de l’École du Louvre. Qui fait le tour du monde, rencontre la crème de la crème des artistes : Soutine le Russe et Frida Kahlo la Mexicaine, ou encore Fernand Léger...

Jusqu’aux années 60 où il pose ses valises en Picardie. Dans un petit village où il rencontre sa future femme, à Acheux-en-Vimeu...

Einstein travaille sur les vitraux de Saint-Vulfran à la fin de sa vie.

Des verrières abstraites, ouille ! Ça ne plaît pas à tout le monde, à l’époque comme maintenant !

Et abstraites… pas tant que ça ! Les 6 verrières face au chœur représentent la création du monde :

  • au centre Dieu, l’homme et la femme ;
  • à gauche le Saint-Esprit ;
  • à droite Jésus avec Dieu le père.

William en réalise 20, mais en avait bien d’autres sous le coude ; seulement il meurt en 1972, à l’âge de 65 ans... Le tout sans avoir été entièrement payé pour son œuvre !

Les vitraux d'Einstein, détail

Les vitraux d'Einstein, détail | ©Patrick Morio / Flickr / CC-BY

3 - Qui est saint Vulfran ?

Ancien officier de Dagobert et de Clovis, il devient archevêque de Sens au 7e siècle.

Il se retire au monastère de Fontenelle, près de Rouen, d’où il part évangéliser la Hollande.

De retour en France, il pousse son dernier soupir à Fontenelle, où on l’inhume.

Au début du 11e siècle, les comtes de Ponthieu font transporter ses reliques dans leur capitale, Abbeville.

C’est pour les conserver qu’ils décident de la construction d’une nouvelle église, l’actuelle collégiale !

Reliquaire de saint Vulfran

Reliquaire de saint Vulfran | ©Felouch Kotek / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

4 - Les vantaux Renaissance

Les vantaux de la porte en bois sont recouverts de sculptures Renaissance, représentant la vie de la Vierge.

Des vantaux réalisés en 1550 aux frais d’un riche marchand d’Abbeville, Gilles Amourette.

D’où la devise sculptée en lettres gothiques, sous les bas-reliefs :

« Vierge aux humains la porte damour estes. In virtute labor, 1550 ».
Les vantaux

Les vantaux | ©Johan Allard / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

5 - Les sculptures du portail

Les différentes corporations de la ville les financent !

On a ainsi représentés les saints correspondant à chaque corps de métier :

  • épiciers et merciers, la Vierge ;
  • saint Eustache pour les drapiers ;
  • saint André pour les bouchers ;
  • les orfèvres figurés par saint Éloi ;
  • les tonneliers, saint Firmin…
Le portail de la collégiale

Le portail de la collégiale | ©Marc ROUSSEL / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

6 - Les tours de guet

Vous remarquerez, surmontant les deux tours symétriques ornant la façade de la collégiale, deux tours de guet !

Elles culminent à plus de 55 m de haut.

Avant leur construction, c’est le beffroi d’Abbeville (33 m, début du XIIIe s) qui fait office de tour de guet.

Les tours de guet

Les tours de guet | ©Raimond Spekking / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

7 - Une histoire... d'instabilité !

La première église date du 11e siècle, remplacée par une nouvelle à la fin du 14e siècle, détruite au siècle suivant pour faire place à la collégiale actuelle.

Mais il y a un problème... le terrain est marécageux ! Un bras de la Somme passe juste à côté, comblé seulement à la fin du 19e siècle.

Il a fallu mettre des pilotis pour poser les bases : des pieux de chêne de 2,50 m enfoncés dans le sol en tourbe, le tout couvert d’une dalle.

C’est ainsi que la première pierre de la collégiale actuelle n’a été posée qu’en 1488...

8 - La tour (penchée) de Saint-Firmin

Sur l’emplacement actuel de la collégiale s’élevait une église dédiée à Firmin. Un jour, elle disparaît entièrement sous l’eau !

Une nouvelle voit le jour, dédiée cette fois à Vulfran.

Firmin, jaloux, se venge de son successeur et de ses paroissiens « en faisant entraîner par la Somme les pierres des fondations de la nouvelle église, de sorte qu’elle eut le même sort que celle qu’elle avait remplacée. »

On construit une 3e église : dédiée à Firmin ou Vulfran ? Ah, ah ! Dans les deux cas, on s’attirerait leur colère !

Un religieux met tout le monde d’accord en proposant de garder Vulfran comme patron, mais de nommer l’une des tours Firmin.

La chose suivante arrive : même ainsi, Firmin et Vulfran continuent de se chercher des noises.

Firmin enrage, car son collègue a plus que lui. Petit à petit, il détache du corps de l’église la tour qui porte son nom ; d’énormes fissures apparaissent bientôt dans la pierre.

Mais la tour de Firmin se trouve au-dessus de la Somme... et alors ?

Firmin étant parvenu à détacher presque entièrement sa tour du reste de l’église, Vulfran lui fait remarquer... qu’elle allait tomber dans l’eau !

Firmin arrête son travail de sape ; voilà pourquoi la tour s’incline toujours aujourd’hui !

En fait, la collégiale est construite sur un terrain marécageux, donc instable. La tour Saint-Firmin se met donc rapidement à pencher.

En fait, entre 1845 et 1854, des échafaudages ont encadré la tour pour l’empêcher de s’incliner davantage.

L’argent manquant, les échafaudages ont pourri ! On a fini par les démonter, et la tour est restée ainsi.

Tour Saint-Firmin

Tour Saint-Firmin | ©Marc ROUSSEL / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

9 - Le chevalier de La Barre fait amende honorable devant la collégiale

Saviez-vous, que la place de la collégiale Saint-Vulfran a vu, le 1er août 1766, le chevalier de La Barre faire amende honorable, avant d’être amené sur le lieu de son exécution ?

Oui, le jeune chevalier, à peine âgé de 20 ans... mince, qu'a-t-il fait, pour mériter la mort ?

Boh... de ne pas avoir salué une procession religieuse et « d'avoir rendu le respect à des livres infâmes au nombre desquels se trouvait le dictionnaire philosophique du sieur Voltaire »...

Trois fois rien, quoi ? Aaah, non, pas pour l’époque !

La sentence ? Les os broyés, la langue arrachée, la tête coupée... et le dictionnaire de Voltaire cloué sur la poitrine.

Allez, on revient un chouia en arrière...

Crucifix saccagé

Le paternel du chevalier avait dilapidé l’héritage. On envoie le jeune homme, 16 ans, chez une parente à Abbeville.

Tout se passe comme dans le meilleur des mondes, quand dans la nuit du 10 août 1765, un crucifix en bois sur le pont d’Abbeville se fait saccager. Ce qui fait tomber le petit Jésus par terre.

Très vite, les ragots murmurent que c’est le chevalier ou ses amis qui ont fait ça, tout en braillant des chansons impies (libertines, plutôt, dit Voltaire).

Il n’y a aucun témoin pour le saccage du crucifix, mais… on a vu leur comportement, pendant le passage d’une procession religieuse. Ils ne se sont pas découverts… Ça suffira pour mener le chevalier à sa perte.

Amende honorable

Il se fait arrêter le 1er octobre 1765. Il nie tout. On perquisitionne sa chambre, on trouve un exemplaire du dictionnaire de philo de Voltaire...

Ah, les philosophes du siècle des Lumières ! La nouveauté, la liberté d’expression... oouh, le clergé déteste !! Pire que le diable, pour eux.

Alors, après un procès expéditif, le tribunal d’Abbeville rend sa sentence, le 20 février 1766 : le chevalier est condamné à faire amende honorable en chemise, la corde au cou, une torche à la main, devant l’entrée de la collégiale Saint-Vulfran.

Avec un panneau autour du cou marqué « impie, blasphémateur, sacrilège abominable et exécrable ».

A genoux, il devra confesser ses crimes, publiquement. Pour ensuite se faire trancher la tête, sur la place du Grand-Marché.

En vain...

Oh mince, regardez-le ! Le chevalier monte sur l’échafaud avec tellement de calme… Sans un mot.

Il murmure seulement au curé qui l’accompagne :

« Je ne croyais pas qu’on put faire mourir un jeune gentilhomme pour si peu de chose. »

Voltaire a bien essayé de le faire réhabiliter :

« L’atrocité de cette aventure me saisit d’horreur et de colère. Je me repens bien de m’être ruiné à bâtir et à faire du bien dans la lisière d’un pays où l’on commet de sang-froid, en allant dîner, des barbaries qui feraient frémir des sauvages ivres. Et c’est là ce peuple si doux, si léger et si gai ! Arlequins anthropophages ! Je ne veux plus entendre parler de vous. »

Il faut attendre novembre 1793 pour sa réhabilitation.

Sources

  • Anaïs Carpentier. Article en ligne du quotidien Le Courrier Picard. Découvrons les vitraux mal-aimés d'Einstein. 25/02/2014.
  • Émile Delignières. Église Saint-Vulfran à Abbeville : conférence. 1898.
  • E. Prarond. Saint-Vulfran d'Abbeville. 1860.
  • Eugène Pénel. Guide Joanne : de Paris à Boulogne. 1866.
  • Abbé Corblet. Hagiographie du diocèse d'Amiens (tome 4). 1868.
  • Article Légendes sur l'église St-Vulfran d'Abbeville. La Tradition (année 1892, tome VI).

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !