Le corsaire Jean-François Doublet à Honfleur

De 1656 au 20 déc. 1728

Buste de Doublet, HonfleurBuste de Doublet, Honfleur | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Le plus célèbre des corsaires honfleurais a sa maison ici, en plein centre-ville !

Allez, tous à bord pour l'aventure !

Le premier voyage de Doublet

Doublet voit le jour à Honfleur en 1656, dans une famille de 16 enfants, de moyenne bourgeoisie.

À 7 ans, il suit son père, François Doublet, apothicaire pendant 35 ans, puis armateur, rêvant de fortune et de terres lointaines, qui s’embarque pour le golfe du Saint-Laurent...

Le petit se planque sur le bateau, sous un paquet de linge, car son paternel lui a interdit de venir !

Découvert, son père en rogne veut le faire ramener à Honfleur par le premier bateau qu’ils croisent.

Chose qui n’arrivera jamais…

Maison de Doublet, HonfleurMaison de Doublet, Honfleur | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Perdus à Terre-Neuve !

Jean-François devient mousse sur les bateaux qui vont à Terre-Neuve, avec son père.

Celui-ci compte bien exploiter une mine de plomb sur les côtes de Gaspésie, en 1665.

Mais leur bateau fait naufrage en 1667, sur les étendues glacées de Terre-Neuve.

Non mais, imaginez un peu ! Le gosse a 11 ans, il se retrouve avec l’équipage, hagard, leur bateau broyé par les glaces, sur la banquise, sans autre maigre victuaille que ce qu’ils ont pu sauver.

Ils tuent des phoques avec des morceaux de bois trouvés dans l’épave, dévorent leur chair crue.

Certains laissent leurs peaux, dans cet enfer gelé...

Les Doublet père et fils se font finalement sauver par un bateau des Sables-d'Olonne, qui les ramène à Nantes.

Sacrément têtu

Ses parents feront tout pour dissuader Jean-François de reprendre la mer...

Ils le collent auprès d’un prêtre pour lui faire étudier le latin. Rien à faire !

Têtu comme pas deux, le jeune ré-embarque en douce dans un des bateaux de son père.

Sa mère, Madeleine Fontaine, abdique devant ce fils insoumis...

Maison de Doublet, Honfleur, détailMaison de Doublet, Honfleur, détail | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Capturé par l'ennemi

Ensuite, cap sur le Sénégal, histoire de se roder, en tant que pilote !

En route pour la France sur le chemin du retour, leur bateau se fait prendre par des corsaires hollandais.

Corsaires pris à leur tour par des corsaires anglais !

L’équipage se fait débarquer près de Douvres. Doublet et ses hommes n’ont plus rien, crèvent la dalle, des nippes cradingues sur le dos.

Ils se font remarquer par un seigneur qui les prend pour des miséreux.

« Je suis de bonne famille ! » piaille Doublet.

Il raconte le pillage des Anglais. Le seigneur leur offre gîte, couvert et vêtements neufs.

Ils apprendront plus tard qu’ils ont parlé au duc d’York !

Le capitaine anglais, lui, sera emprisonné...

Le corsaire du roi

Lieutenant de frégate dans la marine royale, Doublet écume toutes les mers du globe pendant 48 ans, de 1663 à 1711, pour le compte de Louis XIV.

3 fois naufragé, 2 fois prisonnier, une fois incendié et laissé pour mort, il est, à l'instar de Jean Bart ou de Duguay-Trouin un grand aventurier et corsaire du règne du roi Soleil !

À la différence du pirate, un corsaire est autorisé par le roi à attaquer, en temps de guerre, tout navire ennemi, en reversant la moitié du butin au trésor royal, bien sûr...

Les expéditions s'enchaînent.

Il fait aussi du commerce aux Antilles, ravage les côtes des Canaries, prend la mer vers Terre-Neuve pêcher la morue, charge des esclaves au Bénin pour les mener en Amérique, part explorer les lointaines Valparaiso, Lima, Montevideo...

La maison honfleuraise de Doublet

Saviez-vous que l'on voit encore la maison de Doublet, au n° 29-31 de la rue des Capucins, à Honfleur ?

Elle porte sur sa façade l'inscription 1627 : la date à laquelle ses anciens propriétaires la font construire.

C’est aussi ici que le corsaire prend une retraite bien méritée, en 1711.

Buste de Doublet, Honfleur, détailBuste de Doublet, Honfleur, détail | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Rencontre avec une sirène !

Doublet raconte dans son Journal sa rencontre avec une... sirène, mais oui :

« Il parut autour de notre bastiment un monstre marin. La tête et le minois et les oreilles étaient d'une figure d'homme, et autour de son menton était comme une longue barbe à la capucine d'un tissu de peaux comme les nageoires d'une morue qui lui pendaient sur l'estomac, et avaient deux seins comme les nôtres et le corps en forme humaine jusqu'à la ceinture et le reste amenuisant comme un saumon ainsi que sa queue, ayant des peaux de poisson comme nageoires tenantes aux aisselles, et le chef était garni de petites peaux pendantes sur son col d'un demi pied de long, et le front à découvert avec de gros yeux de taureau et un regard fier et plein de feu. »

L'incroyable Journal de Doublet

À lire de toute urgence, son témoignage haut en couleurs, bourré d'humour et d'anecdotes : Journal du corsaire Jean Doublet de Honfleur !

Un livre avec « beaucoup de batailles, des aventures à chaque pas, des glaces, des tempêtes, des naufrages, la peste, la famine, les meurtres, les morts violentes, les combats, pirates et prisons, rats de terre et rats d’eau. »

Il le rédige dès 1711. C'est un « recueil de tous mes voyages, aventures et hasards que j'ai encouru pendant l'espace de 49 années sur les éléments du vaste océan. »

Un bon résumé de la vie hors normes de Doublet !

Tout a une fin

Jean-François Doublet repose dans la nef de la petite église de Barneville-la-Bertran (14), où il décède le 20 décembre 1728, à l’âge de 73 ans.

Sources

  • Charles Bréard. Le vieux Honfleur et ses marins. Éditions des Régionalismes, 2020.
  • N.E. Dionne. Quatorze jours sur une banquise. In Revue canadienne (3e série, tome 4). 1891.
  • Journal du corsaire Jean Doublet de Honfleur. 1883.