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Jean de La Fontaine et Marie-Anne Mancini : une Mazarinette protectrice du poète à Château-Thierry

Quand : 1664

Château de Château-Thierry | ©Donald Judge / Flickr / CC-BY
Fortification Jean de La Fontaine Remparts de Château-Thierry

L'une des nièces du célèbre cardinal Mazarin a été la protectrice de Jean de La Fontaine, dont elle fait la rencontre ici, au château de Château-Thierry !

Le clan Mancini

Marie-Anne Mancini n’est autre que l’une des nièces du cardinal Mazarin, principal ministre pendant l’enfance de Louis XIV.

Le clan Mancini, toute une histoire ! On surnomme les sept jolies nièces du cardinal les Mazarinettes.

Protégées par la reine Anne d’Autriche, toutes mariées à de grands seigneurs de la cour de France !

La sœur de Marie-Anne, la célèbre Marie Mancini, devient le premier grand amour d’un tout jeune Louis XIV.

  • Une autre de ses sœurs, Hortense, se compromet dans l’Affaire des Poisons ;
  • une autre encore, Olympe, trempe dans moult complots, avant de se faire disgracier…
Marie-Anne Mancini (J. Parrocel, 1670)

Marie-Anne Mancini (J. Parrocel, 1670) | ©Skoklosters slott/SHM / Public domain

Marie-Anne, la poétesse

Arrivée à l’âge de 6 ans à la cour de France, en janvier 1656, Marie-Anne devient vite la favorite de la reine Anne d’Autriche.

Elle séduit par sa gaieté, ses réparties, sa passion pour l’écriture de poèmes.

Tenez : à 7 ans, elle écrit à son oncle, Jules Mazarin, des vers qui amusent toute la cour :

« Aimez-moi plus que personne Je serai votre friponne (la chienne préférée du roi, ndlr) Je suis toujours la même Marianne Qui n’est pas un âne » !

Dès l’âge de 15 ans, elle préside sa « petite académie » littéraire, à l’hôtel parisien de Bouillon. Tous les sujets l’intéressent !

La Fontaine lui écrira d’ailleurs :

« Tout vous duit, l’histoire et la fable, prose et vers, latin et françois. »
Marie-Anne Mancini (anonyme)

Marie-Anne Mancini (anonyme) | ©Nationalmuseum / Public domain

L'épouse du duc de Bouillon

Marie-Anne n’a que 13 ans, quand on la marie au duc de Bouillon Godefroy-Frédéric de La Tour d’Auvergne, 26 ans. Le neveu du célèbre Turenne

Saint-Simon écrit à son sujet qu'il est :

« Un très bon homme, de peu d’esprit, de peu de sens, ruiné, volé, gouverné, dominé par tous les siens à merveille. »

Oh, un mariage peu heureux, avec 10 enfants à la clé : Marie-Anne donne naissance au premier... alors qu’elle n’a que 16 ans.

Saint-Simon dit de Marie-Anne :

« Quoique la moins déraisonnable et la plus heureuse de toutes les Mancini, sa vie avait été d’autant plus libre qu’elle était échue au meilleur et au plus commode de tous les maris. Elle avait beaucoup d’esprit et fort orné de toutes sortes de lectures, un esprit mâle, hardi, entreprenant, dominant et qui avait dominé toute sa vie, beaucoup de hauteur en tout genre. »
Godefroy Frederic de la Tour d'Auvergne (1657)

Godefroy-Frédéric de la Tour d'Auvergne (1657) | ©Rijksmuseum / CC0

Seule à Château-Thierry !

En 1664, voilà que le mari de Marie-Anne Mancini s’absente pour aller faire la guerre aux Turcs.

Il préfère envoyer son épouse loin de l’agitation parisienne et de ses tentations. Où ? Château-Thierry, en Picardie !

L’une des résidences des Bouillon ! Un duché-pairie obtenu en échange de leur souveraineté de Sedan, l’année du mariage du duc avec Marie-Anne.

Il se trouve justement que Château-Thierry est la ville qui a vu naître Jean de La Fontaine, en 1621.

Et en cette année 1664, le poète partage sa vie entre Paris et sa cité natale...

Château de Château-Thierry : tour Bouillon

Château de Château-Thierry : tour Bouillon | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

La Fontaine désœuvré !

En 1664, La Fontaine n’est pas encore le célébrissime auteur des Fables qui feront sa réputation.

Il se consacre déjà pourtant à la littérature : sa première œuvre, L’Eunuque, paraît en 1654. C’est ce qu’on appellerait aujourd’hui… un flop !

Depuis 1658, il compose de petites pièces poétiques, pour le puissant surintendant des Finances Nicolas Fouquet (moyennant une pension) : celui-ci devient à la fois son protecteur et son ami.

Il partage donc son temps entre sa ville natale picarde et la capitale. Mais à l’été 1664, tout bascule : Fouquet se fait arrêter !

Jean de La Fontaine rentre pour de bon à Château-Thierry. C’est là que le poète fait la rencontre d’une nouvelle admiratrice.

Oui, vous avez deviné ? Il s’agit de Marie-Anne Mancini !

L’adolescente s’ennuie à mourir, dans le vieux château de Château-Thierry. On lui présente Jean La Fontaine, poète à ses heures perdues… pour la distraire !

Jean de La Fontaine d'après Rigaud

Jean de La Fontaine d'après Rigaud | ©Rijksmuseum / CC0

La rencontre choc

La rencontre fait mouche ! Jean de La Fontaine fait de la jeune dame en son château un joli portrait :

« Peut-on s’ennuyer en des lieux Honorés par les pas, éclairés par les yeux D’une aimable et vive princesse A pied blanc et mignon, à brune et longue tresse, Nez retroussé, c’est un charme encore selon mon sens ; C’en est même un des plus puissants. »

C’est LA rencontre qui va tout changer, pour lui ! Marie-Anne sera sa protectrice, dévouée jusqu’à sa mort !

L'historien Amédée Renée écrit dans son livre Les nièces de Mazarin (1857) :

« Il trouve, près de cette grande dame de 16 ans, l’aiguillon qu’il fallait à sa paresse, et un sentiment vif de ses qualités véritables. Ce fut elle qui lui marqua la route dont il ne devait pas s’écarter ; elle le poussa à composer des fables, et sa prompte imagination lui en fournit plus d’un sujet. »
Portrait présumé de Marie-Anne Mancini (J. Voet, 17e s)

Portrait présumé de Marie-Anne Mancini (J. Voet, 17e s) | ©Paris Musées - Petit Palais / CC0

Des contes grivois pour la dame

Jean de La Fontaine compose pour Marie-Anne Le savetier : conte d’une chose arrivée à Château-Thierry.

Elle adore ! Et lui demande d’autres récits. la Fontaine lui aurait alors écrit des histoires légères et grivoises. Oui, oui, vous avez bien entendu !

Oubliez lièvre et tortue, corbeau et renard ! Voilà le temps d’histoires plus piquantes, sensuelles et malicieuses, bien trop osées pour l’époque (la censure passera par là).

La Fontaine en tire son premier succès, Contes et nouvelles en vers, publié en décembre 1664.

Château de Château-Thierry

Château de Château-Thierry | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

La suite !

C’est probablement son amitié avec la duchesse de Bouillon qui ouvre à notre poète picard les portes du palais du Luxembourg et de la princesse d’Orléans, Marguerite de Lorraine, dès 1664.

Il devient « gentilhomme servant de table », pour cette princesse.

Celle-ci le charge de composer des poèmes, notamment sur son chien, Mignon, tout en servant les plats à table !

La Fontaine remplit son devoir pendant 8 ans, tout en continuant d’écrire, toujours, inlassablement. Il travaille sur ce qui allait le rendre célèbre pour toujours, ses célèbres Fables...

Sources

  • Stéphane Bern. Secrets d'Histoire : tome 9. Albin Michel, 2019.
  • Amédée Renée. Les nièces de Mazarin : études de mœurs et de caractères au XVIIe siècle. 1857.
  • André Hallays. Essais sur le XVIIe siècle : Jean de La Fontaine. 1922.
  • Stéphen Leroy. Notice armoriale et généalogique sur la maison de Bouillon. 1896.
  • M. de Thibiage. Histoire pittoresque et anecdotique des anciens châteaux. 1846.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !