Retrouvez les autres épisodes de Talleyrand intime à Valençay :
- Talleyrand intime à Valençay (partie 1) : la vie quotidienne au château
- Talleyrand intime à Valençay (partie 2) : à table !
- Talleyrand intime à Valençay (partie 3) : santé et hygiène de vie du prince
- Talleyrand intime à Valençay (partie 4) : le prince et son domaine
Deux ombres sur Valençay
Talleyrand a toujours été entouré par de nombreuses femmes, au cours de sa longue vie.
De la première, sa grand-mère chérie, qui le prend sous son aile 4 années, au château familial de Châlais, jusqu’à ses nombreuses maîtresses.
Et bien sûr, les deux plus importantes, qui ont leurs chambres meublées, au château de Valençay :
- son épouse, Catherine Worlee ;
- sa nièce par alliance et dernière compagne, sa chère duchesse de Dino.
Catherine Worlee
Sa chambre à Valençay
On peut voir, au château de Valençay, la « chambre de la princesse de Bénévent » (du nom du duché italien reçu par Talleyrand en 1806 des mains de Napoléon).
Autrement dit Mme Talleyrand, Catherine Worlee.
On y voit un beau mobilier du 18e siècle, ainsi que la copie de son célèbre portrait, signé Élisabeth Vigée-Lebrun.
L'original se trouve au Metropolitan Museum of Art de New-York !
Je suis d'Inde !
Que l’Histoire a été cruelle, avec cette pauvre Mme Talleyrand !
La caricature l’a beaucoup dénigrée et ridiculisée. Ce que l’on retient d’elle aujourd’hui ? Qu’elle est très belle… mais terriblement maladroite, bêbête, aussi !
Quelques-unes de ses réparties sont à jamais gravées dans le marbre !
Un jour, dans un salon où on lui demande d’où elle vient, elle répond : « Je suis d’Inde. »
Un autre jour, elle écrit à sa marchande de modes de lui envoyer une « robe de catin » (de satin, of course)…
Une autre fois, le couple reçoit un acteur venu leur présenter sa pièce, espérant un financement. Il résume l’histoire : « Voilà, la scène est à Lyon... »
Catherine se tourne alors vers Talleyrand : « Vous voyez, j’avais raison : la Seine est à Lyon, et vous vouliez que ce soit la Saône ! »
Bonaparte s’inquiétera même de la maladresse et la bêtise de Catherine, demandant à Talleyrand si cela ne faisait pas tache sur sa carrière diplomatique.
Il répond :
« Vous avez raison, une femme d’esprit compromet souvent son mari, une femme bête ne compromet qu’elle seule ! »
La Beauté céleste épouse Talleyrand
Catherine passe son enfance en Inde, où son père, d’origine lorientaise, travaille.
À 15 ans (en 1776), elle épouse Georges Grand, un employé de la Compagnie des Indes.
Catherine quitte l’Inde et son mari pour Paris, en 1780. C’est là qu’en 1798, cette « beauté céleste » rencontre Talleyrand.
D’abord maîtresse, puis compagne, elle obtient la permission du premier consul Bonaparte d’épouser son amant.
Mais la dame est divorcée, et Talleyrand, quoique ministre, est toujours évêque d’Autun !
Le pape Pie VII le rend à la laïcité en juin 1802, mais ne reconnaîtra jamais le mariage, qui a lieu le 10 septembre 1802 à Paris !
Le congrès de Vienne, en 1814, où Talleyrand se rend, met fin à leur relation… Catherine, qui a longtemps régné sur Valençay, doit quitter le château berrichon.
Deux ans plus tard, de retour d’Autriche, le prince y installe sa nièce par alliance, Dorothée, duchesse de Dino...
La duchesse de Dino
Le château de Valençay abrite la chambre de la duchesse de Dino et son mobilier en acajou : admirez le lit-bateau de style Restauration, en acajou de Cuba !
Une épouse pour un neveu
C’est Talleyrand, qui se charge de trouver une épouse à son neveu Edmond de Périgord.
En 1817, ça y est : son choix se porte sur la jeune et très riche Dorothée de Courlande, future duchesse de Dino.
Mais d’un côté, on a Edmond, joueur invétéré accaparé par sa vie militaire, et de l’autre Dorothée, qui en aime un autre. Aïe ! Le mariage est toutefois conclu en avril 1809.
Le jeune Edmond continue sa vie de patachon, fait plusieurs enfants à son épouse, repart…
Talleyrand et la duchesse se rapprochent !
Talleyrand ne tarde pas à remarquer les grandes qualités de Dorothée : vivacité d’esprit, finesse, grandes qualités diplomatiques...
Quand Louis XVIII, après la chute de l’empereur, demande à Talleyrand d’aller négocier à Vienne le traité de paix avec les alliés, ce dernier demande à Dorothée de l’accompagner.
Ils ont 40 ans d’écart, mais les voilà qui se rapprochent. Deviennent amants.
Elle devient la femme de la vie du ministre. La maîtresse des lieux de Valençay.
Jusqu’à la mort de Talleyrand, en 1838, qui écrit dans son testament :
« Je prie Mme de Dino de recevoir ici mes plus tendres remerciements pour le bonheur dont elle m’a fait jouir et que je reconnais lui devoir depuis 25 ans. Je lui fais mes plus tendres adieux. »
Touchée par la mort de son oncle par alliance, Dorothée change de nom pour celui de Mme de Talleyrand. Mais Edmond, dans tout ça ? Oh, ils s'étaient séparés en 1824...
Minette, la fille de Talleyrand
Dorothée n’a pas toujours été fidèle au vieux Talleyrand : trois filles illégitimes naissent de ses amours passagères.
Sa préférée ? Pauline, censée être la fille d’Edmond, née en 1820. Mais que les rumeurs disent la fille naturelle de Talleyrand…
Celui-ci l’appelle « l’Ange de ma maison », il apprécie tellement sa présence près de lui, à Valençay...
« La maison paraît immense et toute vide, quand tu n’es pas ici, chère Minette », écrit-il en juillet 1836.
Sources
- Jacques Vivent. La vie privée de Talleyrand. 1940.
- Catherine Worlée : une princesse indienne à Valençay. Archives départementales de l'Indre, archives36.fr.
- Françoise Aubret-Ehnert. Un destin Franco-Allemand sous l’Empire : de Dorothée de Courlande à la duchesse de Dino-Sagan. Mai 2001.
- Gérard Sellier. Humeurs et humour de M. de Talleyrand. 1992.
- Lewis Goldsmith. Histoire secrète du cabinet de Napoléon Buonaparte. 1810.