Retrouvez les autres épisodes de Talleyrand intime à Valençay :
- Talleyrand intime à Valençay (partie 2) : à table !
- Talleyrand intime à Valençay (partie 3) : santé et hygiène de vie du prince
- Talleyrand intime à Valençay (partie 4) : le prince et son domaine
- Talleyrand intime à Valençay (partie 5) : les femmes de sa vie
Une demeure princière !
Voilà comment Prosper de Barante, qui séjourne au château en 1826, résume Valençay en quelques mots.
Une description encore tout à fait d'actualité !
« Me voici dans ce grand château où tout est magnifiquement hospitalier, où règne une richesse aristocratiquement dépensée, dont il n’y a plus ou dont il n’y a pas encore un autre exemple en France. […] C’est un mobilier très riche, des marbres, des tableaux, des gravures, une bibliothèque de dix mille volumes, enfin tout ce qu’on raconte des grands châteaux en Angleterre. »
Un incroyable personnage
Talleyrand débarque à Valençay en 1803, il a 49 ans.
Personnage controversé, source de mille fantasmes, c’est un caméléon qui s’adapte, traverse les différents régimes : monarchie, Révolution, Directoire, Consulat, Empire, première Restauration, monarchie de Juillet.
Ministre des relations extérieures de l’empereur, l’ancien évêque d’Autun est un extraordinaire diplomate, qui a su préserver le fragile équilibre européen.
Il a contribué à l’ascension de Bonaparte, à la Restauration des Bourbons sur le trône de France, sauvé la France au congrès de Vienne...
Un repos bien mérité !
Valençay est alors un domaine de 20 000 hectares.
Le premier consul Napoléon Bonaparte pousse Talleyrand à l’acheter, pour recevoir les grands de ce monde.
Il va même jusqu’à verser la moitié de la somme demandée : oh, Talleyrand a dit ne pas pouvoir payer, malgré sa fortune !
Réaménagement intérieur, construction des communs, de l’orangerie, plantation des jardins… c’est une campagne de travaux sans précédent !
Écarté du pouvoir par Louis XVIII, malgré ses services rendus, Talleyrand redevient libre. De 1816 jusqu’à sa mort en 1838, il viendra à Valençay quelques mois dans l’année, toujours avec le même plaisir !
Il écrit en 1817 :
« Ce n’est pas de repos que je sens le besoin, mais de liberté. Faire ce que l’on veut, penser à ce qu’il plaît, suivre sa pente au lieu de chercher son chemin : voilà le vrai repose dont j’ai besoin et que je trouve ici à Valençay. »
Un prince généreux et bien occupé
Talleyrand est vraiment chez lui, à Valençay. Il a toujours à faire !
Entre les plantations d’arbres, les discussions avec les couvreurs s’occupant de ses toits, ou avec ses fermiers, pour le renouvellement de leurs baux...
Ces derniers rapportent la sollicitude de Talleyrand, « modèle des châtelains. » Celui-ci, maire de Valençay en 1826 :
- rachète une maison et la transforme en école de filles ;
- fonde une pharmacie gratuite ;
- organise pour les plus pauvres des distributions de pains, de bois, d’argent, de linges ;
- reconstruit le clocher abattu pendant la Révolution…
En 1825, le préfet de l’Indre écrit :
« Il n'y a ni mendiant ni individu absolument nécessiteux à Valençay, parce que M. le prince de Talleyrand a établi des ateliers où il y a du travail pour tous les âges. »
Une vie paisible
La vie à Valençay s’écoule, paisible. Talleyrand écrit à un ami :
« Notre vie ici est fort ordonnée, ce qui rend les jours fort courts. On se trouve à la fin de la journée, sans avoir eu un moment de langueur. […] Ce matin, nos lectures du salon ont été interrompues par l’arrivée d’un loup, que les gardes venaient de tuer. C’est un gros évènement pour la journée. »
Il écrit entre autres choses ses mémoires.
Sûrement assis à son cabinet de travail, avec son fauteuil à soufflets, qui lui permet de ranger ses documents !
« Je travaille chaque jour plusieurs heures, et je me porte bien. »
Whist, madère et lecture
On le voit se promener dans le vaste parc, au milieu des allées, son fidèle chien Carlos à ses côtés.
Le plus souvent (surtout à la fin de sa vie) dans son fauteuil roulant, quand ce n’est pas dans une voiture à cheval, par beau temps.
En rentrant, après un verre de madère et un biscuit trempé, hop ! Il retrouve quelques voisins pour une partie de whist, ou passe plusieurs heures seul dans sa chambre, à écrire ses mémoires, ou lire.
« Lire est bien plus doux, bien plus paresseux que d’écrire », dit-il.
« J’ai beaucoup de livres. Cela me donne des moyens suffisants pour passer doucement le temps. J’ai d’ailleurs pris mon parti sur la saison. Pour cela, je compte invariablement sur la pluie, le froid, le vent, et quand, dans ma petite carriole, je ne suis pas trop mouillé, je me regarde comme tout à fait privilégié. Je ne souffre de rien, parce que je suis prêt à tout. »
Les visites au château
Les visites brisent la monotonie des jours de Valençay ! Talleyrand reçoit entre autres le duc d’Orléans en 1834, ou même George Sand !
Celle-ci évoquera sa venue dans un article au vitriol (Le Prince), paru dans la Revue des Deux-Mondes, en octobre 1834 :
« Il semble que nous soyons dans un cimetière. Quelques fenêtres sont à peine éclairées : aucun bruit ne trahit le séjour du maître, de sa société ou de sa suite. Les portes s’ouvrent et se ferment sans bruit. »
Effectivement, une des invitées, la princesse de Lieven « s’y ennuyait à crever » : pour se distraire, elle change d’appartement sans arrêt !
Mais revenons à George Sand, assise sous « les fenêtres du plus grand fourbe de l’univers », qui peint le château très sombrement et décrit Talleyrand comme un « parfait idéal de laideur. »
La duchesse de Dino, écœurée, ne voudra pas lire l’article !
Un théâtre au château de Valençay
Pour se distraire, quoi de mieux que le théâtre !
Le prince fait transformer un bâtiment de ses communs en théâtre privé, dès 1819 : les travaux s’achèvent un an plus tard.
On a fait appel à des décorateurs parisiens, pour l’ornementation de la salle et des décors de scène, qui ont été précieusement conservés !
On joue Les Femmes savantes de Molière ou L’Avocat Pathelin, qui provoque « des rires immodérés dans notre auditoire berrichon », rapporte la duchesse de Dino.
Même Talleyrand oublie ses soucis de santé et son hypocondrie, pour rire et applaudir !
La saint Charles
N’oublions pas les fêtes, en particulier celle de la saint Charles, célébrée à Valençay le 22 septembre : l’occasion d’un grand banquet pour les plus pauvres, avec remise de vêtements neufs pour l’hiver.
Le soir, le donjon et les cours du château sont illuminés, et tout finit par un grand feu d’artifice.
Sources
- Jacques Jourquin. Talleyrand intime [PDF]. In Talleyrand un diable d’homme, Magazine Napoléon Ier (mai-juin 2000). Les Amis de Talleyrand, amis-talleyrand.org.
- Des collections remarquables. Château de Valençay, chateau-valencay.fr.
- Bernard de Lacombe. La vie privée de Talleyrand. 1910
- Panneaux informatifs affichés dans le château.
- Georges Lacour-Gayet. Talleyrand. 1930.
- Jacques Vivent. La vie privée de Talleyrand. 1940.
- Le théâtre : pour le divertissement du prince. Château de Valençay, chateau-valencay.fr.
- Le prince de Talleyrand. Château de Valençay, chateau-valencay.fr.