C'est au siège du château de Châlus, en Limousin, que le célèbre Cœur de Lion trouve la mort.
Deux mots sur Richard
Richard ! Richard Ier d’Angleterre, dit Cœur de Lion.
Descendant de Rollon, de Guillaume le Conquérant, roi d’Angleterre et duc de Normandie, fils de la fière Aliénor d’Aquitaine !
À l’origine du siège
À l’origine... il y a la trahison du seigneur et vicomte de Limoges Adémar, qui signe un traité d’alliance avec le roi de France Philippe Auguste.
Richard, tout en assiégeant Châlus, lance les attaques simultanées des châteaux de Nontron, de Piégut et d’Hautefort, plus bas en Périgord.
Son but ? Détruire toutes les forteresses d’Adémar !
Qu’il n’en reste pas une ! Pas une pierre…
Et bien que l’on soit en plein Carême, Richard dévaste « la terre du vicomte à feu et à sang », rapporte le chroniqueur Coggeshall.
La garnison derrière les murs de Châlus
Il n’y a pas grand monde, à l’intérieur du château de Châlus.
Une petite garnison de chevaliers, avec deux seigneurs à leur tête : Pierre Brun du château voisin de Montbrun et Pierre Basile.
38 personnes, hommes et femmes... pas de quoi se défendre contre Mercadier, qui vient assiéger les murailles de la forteresse.
Mercadier, depuis 15 ans à la solde de Richard. Le plus solide des chefs routiers.
Par routier, on entend des mercenaires recrutés pendant la guerre de Cent Ans : privés d’employeurs pendant les trêves, ils se regroupent en bandes et pillent les campagnes...
Parmi eux, vous connaissez surement Perrinet Gressart, à La Charité-sur-Loire ou François de Surienne, à Fougères !
Le tireur décoche sa flèche...
Pendant quatre jours, Mercadier et ses hommes assaillent le donjon où se sont réfugiés les habitants du château.
Richard, lui est arrivé peu après le début du siège.
Tout en haut du donjon, Pierre Basile, à l’affût, dévie toutes les flèches qui lui sont destinées.
Quand Richard revient un soir après dîner, Pierre Basile est toujours au poste.
Il prend le groupe du roi pour cible. On est le 26 mars 1199, « sept des calendes d’avril. »
Richard, qui n’a pas son armure, juste son casque en fer, vulnérable, tente de se protéger derrière son écu... mais un carreau d’arbalète vient s’enfoncer dans son épaule gauche, près des vertèbres du cou.
Richard rejoint son camp sans rien laisser paraître. Im-pa-ssible ! Là, il retire la flèche de sa blessure, mais le fer reste dans la chair...
Des blessures mortelles
La blessure est mal soignée par le médecin de Mercadier. La gangrène s’installe.
Régine Pernoud dans son Richard Coeur de Lion (1988) indique que, comme cela se faisait à l’époque, on lave la plaie avec du vin et on y applique du lard pour faciliter la cicatrisation !
Le récit d’un certain Raoul de Coggeshall (13e siècle) rapporte :
« Le roi étant couché dans sa chambre ; un certain chirurgien de la suite abominable du très impie Mercadier, faisant des incisions dans le corps du roi, à la clarté des flambeaux allumés dans la maison, le blessa grièvement et même mortellement ; il ne put trouver facilement le fer dans un corps trop obèse, et quand, à force d'incisions, il l'eût trouvé, il ne put le retirer qu’avec une grande violence. On appliqua avec soin des médicaments et des emplâtres, mais ensuite les blessures qu'on lui avait faites commencèrent à s'envenimer et à s'accroître ; et elles enflèrent de jour en jour jusqu'à devenir mortelles, le roi se laissant aller à l'incontinence et ne tenant pas compte des prescriptions des médecins. »
Dernier soupir
La mère de Richard, Aliénor d’Aquitaine, vient de l’abbaye de Fontevraud, où elle réside, pour assister à ses derniers instants.
Richard meurt le 6 avril, vers 19 heures. Il avait 41 ans.
Il laisse une épouse, Bérengère de Navarre, qui lui survit encore 30 longues années.
Des restes éparpillés
Selon ses dernières volontés, le corps du Lion est inhumé à l’abbaye de Fontevraud, auprès de son père Henri II d’Angleterre.
Son cœur à la cathédrale de Rouen, près de son ancêtre Rollon.
Ses entrailles à Châlus, non loin de l'endroit où il s'était fait blesser.
Un chroniqueur du 13e siècle (Mathieu Paris) dit qu’il laisse là ses tripailles, « ses excréments », pour les villageois de Chalus et plus généralement pour les habitants du Limousin qui l’avait trahi, « ne les jugeant pas dignes d’une partie de son corps » !
Un trésor à l’origine du siège de Châlus ?
Le chroniqueur anglais Roger de Hoveden rapporte qu’Adémar de Limoges venait de trouver un fabuleux trésor d’or et d’argent d’origine gallo-romaine, à Châlus.
Imaginez : on parle là de statues grandeur nature d’un empereur, sa femme et ses fils, en or massif !
En tant que vassal, il aurait dû le donner tout entier à Richard, mais non ! Il lui laisse seulement une partie et se garde le reste ; voilà la raison du siège.
Le problème, c’est que, selon les sources, les détails de l’histoire changent beaucoup : La Philippide de Guillaume le Breton rapporte que c’est un paysan labourant sa terre qui tombe sur le trésor. Le seigneur de Châlus s’en étant emparé, Richard vient l’assiéger.
Dans la version de Thomas de Walsingham, le seigneur en question se réfugie chez le vicomte de Limoges : Richard demande son extradition, le refus du vicomte provoque la guerre…
Mais une fois Richard à Châlus, il ne sera jamais question de trésor. Sans compter que les chroniqueurs contemporains ne le mentionnent pas, ou à peine...
C’est à la mort de Richard que l’on parle véritablement de trésor : mais il s'agit du sien, conservé au château de Chinon, puis livré à son frère Jean sans Terre.
Du coup… il n'y aurait pas de trésor, à Châlus !
Ultime pardon ?
Richard avait pardonné et gracié Pierre Basile, avant de mourir.
Mais a-t-il été, après la mort de Richard, écorché vif et pendu sur ordre de Mercadier ?
C’est possible. Le chroniqueur Renier au 13e siècle écrit qu’après le siège de Châlus, afin de venger la mort du roi, tous ceux qui s’y trouvaient sont « les uns écorchés, les autres déchirés par divers supplices »...
Source
- François Arbellot. La vérité sur la mort de Richard Cœur de Lion. 1878.