La mort du Lion
Connaissez-vous Richard Cœur de Lion, duc de Normandie, roi d’Angleterre, fils d’Henri II d'Angleterre et d’Aliénor d’Aquitaine ?
Il meurt le 6 avril 1199, à 41 ans, lors du siège du château de Châlus, en Limousin ! Un carreau d’arbalète fiché dans l’épaule, figurez-vous. La blessure s’infecte, la gangrène fait son nid… c’est la fin !
Des restes éparpillés
Son cœur se trouve dans son tombeau de Rouen. Son corps repose à l’abbaye de Fontevraud, aux côtés des siens, ses entrailles et sa cervelle à Châlus, dans l’ancienne église Notre-Dame du château.
Pourquoi Rouen ? En raison de l’affection que porte le Lion à la ville normande, « en remembrance d’amour », dixit la Chronique de Normandie. Il repose, en plus, aux côtés de son ancêtre Rollon !
Le dilaceratio corporis
Il est d’usage à l’époque de diviser les restes d’un individu (souvent un roi, un noble) en différentes parties, et les répartir en plusieurs endroits : c’est le dilaceratio corporis, « division du corps », comme on l’a vu avec Bertrand du Guesclin ou Philippe le Hardi.
Le but est symbolique : le cœur va généralement à l’endroit de naissance ou de résidence (littéralement un endroit « de cœur »), tandis que le corps est inhumé dans un haut lieu politique, par exemple. L'épitaphe de Richard Cœur de Lion disait d’ailleurs :
« On ensevelit les entrailles du duc la terre coupable de Châlus, livre son corps à Fontevrault, qui l’enferme sous le marbre. Et toi, Normandie, tu couvres le cœur indomptable du roi. C’est ainsi que cette grande ruine est partagée entre trois lieux différents ; il n’était pas de ces morts qu’un seul lieu pût contenir. »
Un cadavre... qui tue !
Un chroniqueur anglais rapporte cette anecdote étonnante sur la préparation du corps de Richard Cœur de Lion et son embaumement, tel qu’on le pratiquait au Moyen Âge :
« Le corps, après avoir été disséqué sur toute la circonférence avec des couteaux, et avoir été aspergé de force sel, fut enfermé dans des cuirs de bœuf, afin d’éviter l’odeur infecte qui déjà saisissait les assistants. D’où il arriva que celui qui par l’appât d’une forte récompense, lui avait ouvert le crâne avec une hache, afin d’en extraire la cervelle déjà en putréfaction, bien qu’il eût pris la précaution de s’envelopper la tête de linges, en mourut peu satisfait sans doute de la récompense. Et ce fut là le dernier que tua le roi Henri qui en avait tué plus d’un. »
Le cœur de Richard : histoire d'une redécouverte
Des travaux salvateurs !
Ainsi que l’explique Philippe Charlier dans Quand la science explore l’Histoire (2016), le cœur de Richard Cœur de Lion, une fois embaumé, est enfermé dans un reliquaire placé sous un gisant de pierre, près de l’autel de la cathédrale.
Un gisant exceptionnellement bien conservé ! Savez-vous pourquoi ? Il a été protégé par des travaux, en 1734… car enterré sous le dallage par les chanoines, lors de l’exhaussement de trois pieds de la cathédrale !
C’est donc ce gisant d’époque médiévale que l’on voit, restauré au milieu du 19e siècle par le sculpteur rouennais Bonet, et déménagé à son endroit actuel...
La redécouverte en 1838
C’est ce gisant et ce reliquaire que découvre l’antiquaire et directeur du musée des antiquités de Rouen Achille Deville, le 31 juillet 1838.
Le cœur était contenu dans trois boîtes de plomb les unes dans les autres, avec, sur la dernière, l’inscription « Ici gît le cœur de Richard roi des Anglais ». À l’intérieur de la troisième boîte
« étaient des fragments très altérés d’une étoffe qui nous a paru être de soie tirant sur le rouge, et auxquels était mêlée une matière pulvérulente, de couleur brun jaune, dont quelques parties étaient agglutinées et adhérentes à l’étoffe, et quelques fragments brun noirs. Parmi étaient des morceaux d’une matière blanche extrêmement légère et friable, et deux ou trois petits morceaux de charbon. Le tout garnissait le fond et un des côtés de la boîte, mais sous un faible volume ; c’étaient les restes du cœur. »
La boîte, enfermée dans plusieurs couches de papier, « ficelée et cachetée », est alors remisée dans une armoire de la sacristie. Hors de question de ré-enterrer le précieux cœur !
Deville disait lui-même avoir « le désir de voir déposer cette précieuse relique au Musée d’antiques de Rouen. La confier de nouveau à la terre ne serait ce pas anéantir le fruit d’une si curieuse découverte ? »
La boîte du cœur de Richard se trouve aujourd’hui conservée dans les réserves de ce Musée d'antiques, actuel Musée des Antiquités !
Source
- Achille Deville. Tombeaux de la cathédrale de Rouen. 1833.