5 octobre 1285. Philippe III le Hardi meurt à Perpignan. Il a 40 ans.
Qu’est-ce que le roi de France fait si loin de son royaume d’Île-de-France ?
Il combat le roi d’Aragon dans les Pyrénées. Ben, il s’y casse les dents. Et en plus, il tombe malade...
On vous dit tout sur ce roi enterré dans la cathédrale de Narbonne : c'est une histoire de corps bouilli et d'organes éparpillés...
Les causes de la mort du Hardi
Le paludisme ! Une méchante épidémie de paludisme s’écrase sur les armées du Hardi et décime la moitié de ses hommes.
Et dire que les troupes françaises venaient de perdre la bataille décisive qui aurait pu leur faire gagner l’Aragon : celle du col de Panissars, entre France et Espagne, le 1er octobre 1285...
Épidémie virulente comme tout. Aggravée par des pluies qui tombent depuis des jours et transforment le pays en un grand marais d’eau stagnante...
On ne vous avait pas dit que le paludisme s'attrapait via certains moustiques, et que ceux-ci adoraient l’eau stagnante ?
Et voilà. Philippe, 3e du nom et fils du grand roi saint Louis, tout roi de France qu’il est, finit par contracter à son tour une mauvaise fièvre.
À tel point qu’il ne peut plus se tenir debout à cheval...
Il faut vite le transporter à Perpignan, mais c’est déjà trop tard. Il meurt le 5 octobre 1285.
Du gisant et des restes du Hardi, il ne reste rien à Narbonne. Enfin, si !
Quelques fragments de son tombeau originel subsistent dans la salle du Trésor de la cathédrale...
Vous reprendrez bien un peu de roi bouilli ?
Pour préparer le corps d’un défunt, chez les rois de France, on pratiquait l’embaumement.
Comme chez les Égyptiens, hé oui ! Mais c’est coûteux (et compliqué).
Une mort va tout changer. Celle d’un roi : Louis IX. Le père du Hardi ! Mais qu’est-ce qui change quoi ? Je vais vous le dire.
Quand vous mourez en croisade à Tunis (c'est le cas de Louis IX) et qu’il faut rapatrier vos restes chez vous en France, cela devient compliqué.
Comment transporter le corps, dans un climat chaud ou humide ?
Il faut conditionner le corps pour le long voyage de retour.
C’est-à-dire faire cuire, bouillir les chairs dans de l’eau ou du vin épicé, pour en faciliter le transport (dans du sel).
On appelle ce rite Mos teutonicus (« coutume teutonne »), car ce sont nos voisins les Germains qui popularisent cet usage.
Et le fait de bouillir le corps permet la Dilaceratio corporis : la séparation des chairs, des os, des entrailles et du cœur.
Peu ragoûtant, je vous l’accorde, mais très hygiénique, en fait, pour l’époque.
Une histoire d’organes (façon puzzle)
Grande première, avec le Hardi ! Finie, la sépulture unique. Place à la séparation des parties du corps, la Dilaceratio corporis.
On va séparer cœur, entrailles et os et les inhumer aux quatre coins de la France, si cela chante le défunt.
Oui. Éparpillé par petits bouts.
Pour Philippe, voilà la répartition :
- les chairs se retrouvent enterrées ici, dans la cathédrale Saint-Just de Narbonne ;
- les os déménagent à Saint-Denis, près de Paris ;
- le cœur repose au couvent des Dominicains de la rue Saint-Jacques, à Paris ;
- les entrailles atterrissent dans l’abbaye normande de la Noé, près d’Évreux.
C’est la première fois pour un roi de France que le cœur se retrouve enterré à un autre endroit que le corps.
Oui, d’habitude, les rois ont leurs tombeaux réservés à un endroit bien précis.
Où ça ? Dans la basilique Saint-Denis : la nécropole royale de tous les rois de France (enfin presque tous, Philippe Ier s’exclut lui-même, en se faisant inhumer à Saint-Benoît-sur-Loire).
On a donc des sépultures multiples. Et la mode prend, puisque la Dilaceratio va devenir une habitude royale...
Sources
- Augustin Cabanès. Les morts mystérieuses de l'histoire. 1910.
- Murielle Gaude-Ferragu. D'or et de cendres : la mort et les funérailles des princes dans le royaume de France au bas Moyen Âge. Presses Universitaires du Septentrion, 2005.
- Fabricio Cárdenas. 66 petites histoires du pays catalan : anecdotes des Pyrénées-Orientales. 2017.