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L'abbaye de Maubuisson, 8 siècles d'histoire en 17 dates-clés

Quand : 1236 - 1804

L'abbaye | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA
Abbaye Lieu de sépulture Louis IX Blanche de Castille Abbaye de Maubuisson

Une histoire riche en évènements forts !

Saviez-vous que nombre de personnes, princes et princesses, reines et rois de France, ont été inhumées ici ?

1 - La fondation de l'abbaye : 1236

Blanche de Castille, qui vit non loin de là au château de Pontoise, et dont l’enfance du futur saint Louis, né à Poissy, s'y déroule aussi, fonde l’abbaye « Notre-Dame-la-Royale ».

Les travaux commencent dès mai 1236. On connaît le nom de l’architecte : Richard de Tour.

Il faut 8 ans pour construire bâtiments conventuels, église, logis des hôtes, ainsi que toutes les dépendances, comme les granges.

L’enclos de plus de 100 arpents comprend vignes, vergers, viviers, potagers et canaux faisant tourner le moulin.

La légende veut que Maubuisson vienne de « maudit buisson », traduction du latin Malodunum.

À cause de la réputation de coupe-gorge qu’avait le lieu, vrai repaire de brigands de tout poil !

L'abbaye

L'abbaye | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

2 - Les premières sœurs : 1242

En mars 1242, les premières religieuses prennent possession de l’abbaye ; elles viennent de l’abbaye Saint-Antoine de Paris.

La première abbesse s’appelle Guillemette. Elle reste 33 ans à la tête de Maubuisson.

Le pape permet aux sœurs de Maubuisson, chose rare, d’hériter de leurs parents et de jouir de leurs biens, « comme si, demeurant dans le siècle, elles n’avaient pas fait vœu de pauvreté » !

L'abbaye

L'abbaye au 16e s | ©The British Library / Public domain

3 - Le vœu de saint Louis : août 1244

Louis IX se trouve à Maubuisson, quand il tombe gravement malade.

Il est aux portes de la mort, pris par une maladie « très venimeuse et très amère, que l’on appelle dissentère. »

Privé de parole, délirant dans sa couche, les médecins le déclarent... mort.

Au fond du trou, Louis IX fait le vœu que si Dieu lui accorde la guérison, il partira en croisade en Terre Sainte.

Une dame de la cour espère encore... elle refuse qu’on lui jette le drap mortuaire sur le visage.

Quand soudain, la poitrine du roi se soulève… Louis gémit. Il vit ! Le miracle s’est produit !

Les médecins accourent : on entrouvre ses lèvres et on y verse du candiel (bouillon chaud).

Malgré l’avis de sa mère Blanche et des conseillers, Louis partira pour les croisades, 4 ans plus tard...

La grange dimière

La grange dimière | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

4 - Blanche de Castille : novembre 1252

Peu avant de mourir, à Melun, Blanche a demandé à l’abbesse de Maubuisson, Guillemette, au nom de leur amitié, de lui donner l’habit blanc de son ordre.

Puis, elle se fait porter sur une couche de paille, où elle pousse son dernier soupir, le 26 novembre 1252.

La chronique dit :

« L’an 1252 mourut Blanche la sage, la vaillante, bonne reine de France, qui si bien et si sagement gouverna le pays tant comme son fils fut outre-mer, sans contens (trouble) et sans malveillance du peuple, et fut moult plainte icelle bonne dame après sa mort ; et fut enfouie en l’abbaye de Maubuisson de Pontoise. »

On met le manteau royal sur sa robe de religieuse, et la couronne d’or par-dessus son voile.

Son corps est assis sur une chaise richement ornée, portée sur les épaules des plus grands seigneurs de la cour, depuis le Louvre jusqu’à Maubuisson.

On inhume la reine de France sous une tombe de cuivre, dans le chœur des religieuses. C'était :

« une effigie en ronde-bosse, en habit et manteau de religieuse, avec une couronne sur la tête, soutenue par un ange de chaque côté, deux anges au-dessus et une religieuse de chaque côté tenant un livre à la main. »
La grange dimière : l'intérieur

La grange dimière : l'intérieur | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

5 -  Alphonse de Poitiers : août 1271

Les entrailles et le cœur du frère du roi Louis IX reposaient à Maubuisson, après sa mort en août 1271.

Son tombeau se composait d’un mausolée de marbre ou de pierre blanche, avec cette simple épitaphe :

« Ici repose le cœur et les entrailles d’Alphonse comte de Poitiers, frère du roi Louis. »

6 - Jean de Brienne : janvier 1296

Sous un tombeau orné de plaques de cuivre historiées reposait Jean de Brienne, dit le Prince d’Acre.

Le fils de Jean de Brienne, roi de Jérusalem, et de Bérengère de Castille.

Si vous préférez... le cousin germain du roi de France saint Louis !

Le parc

Le parc | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

7 - Robert II d’Artois : juillet 1302

Neveu de saint Louis, père de la célèbre Mahaut d’Artois (inhumée en 1329 à Maubuisson), son tombeau avait été taillé dans de la pierre blanche bordée de noir.

Quand on transfère sa tombe, au 17e siècle, dans l’avant-chœur de l’église abbatiale, ses entrailles sont retrouvées

« fraîches, vermeilles, encore toutes sanglantes. Elles répandaient une odeur douce et agréable, quoiqu’elles ne parussent ni parfumées, ni embaumées... »

On les expose aux fidèles pendant 10 semaines, avant de les remettre, encore rouge sang, dans la sépulture !

8 - La chute des Templiers : 1307

C’est à l’abbaye de Maubuisson que le roi Philippe le Bel ordonne l’arrestation des trop puissants chevaliers de l’ordre du Temple.

Les lettres sont datées du 14 septembre 1307 : l’ordre du roi sera exécuté dans tout le royaume de France le 13 octobre suivant.

  • Les biens de l’ordre sont saisis, inventoriés ;
  • chaque templier se fait interroger sur ses crimes supposés (crachats sur la croix, idolâtrie et autre acte de sodomie).

Le début de la fin, pour les puissants Templiers, qui devait s’achever par le bûcher du grand maître, Jacques de Molay, à Paris, en 1314...

Canal reliant les latrines

Canal reliant les latrines | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

9 - Le roi d'Angleterre quasi carbonisé : 1313

Le roi Édouard II d’Angleterre débarque à Paris avec son épouse Isabelle de France, fille de Philippe le Bel.

Les fêtes les plus belles illuminent la capitale ! Concerts, mystères et faéries, carrousels, défilés où paradent jusqu’à 800 hommes d’armes...

Les deux rois, après des jours de fêtes, partent à Pontoise, où le Parlement s’était réuni.

On se loge à Maubuisson. C’est là que pendant une nuit, les valets, ivres, laissent le feu d’une bougie brûler la garde-robe du roi anglais.

Les flammes gagnent les pièces voisines, puis la moitié de l’abbaye.

La famille royale est à deux doigts de mourir carbonisée, étouffée par les fumées épaisses.

Y compris le futur Édouard III, alors bébé, dans son berceau !

L'abbaye

L'abbaye | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

10 - Une reine déchue : 1324

Blanche de Bourgogne, après 10 ans de prison au Château-Gaillard, se retire à Maubuisson, et y meurt deux ans plus tard en 1326.

Qu’avait donc fait l’ex-reine de France, première épouse de Charles IV le Bel ?

Les deux belles-filles du roi Philippe le Bel, Marguerite et Blanche de Bourgogne, sont convaincues d’adultère avec deux chevaliers de la livrée du roi, Philippe et Gautier d’Ainay, dans la fameuse affaire de la tour de Nesle.

D’ailleurs, les deux chevaliers sont exécutés place du Martroi, à Pontoise :

« Expiant, par un genre de mort et un supplice ignominieux un si infâme forfait, ils furent à la vue de tous écorchés tout vivant sur la place publique. On leur coupa les parties viriles et génitales, et leur tranchant la tête, on les traîna au gibet public, où, dépouillés de toute leur peau, ils furent pendus par les épaules et les jointures des bras. »
(Chroniques de Guillaume de Nangis)

Les deux princesses sont incarcérées :

  • Marguerite meurt en prison ;
  • Blanche n’en sort que pour être transférée à Maubuisson, où elle se fait religieuse et meurt un an plus tard, inhumée « sous une grande tombe de pierre blanche fort historiée et parsemée de roses. »
Salle des religieuses

Salle des religieuses | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

11- Charles IV le Bel : 1328

Le roi de France Charles IV le Bel, mort le 1er février 1328 à Vincennes, a ses entrailles inhumées à Maubuisson.

Un gisant heureusement préservé, que l’on voit toujours, au musée du Louvre, aux côtés de celui de sa troisième épouse Jeanne d’Évreux !

12- Mahaut d’Artois : 1329

Morte en novembre 1329, c’est la petite nièce de saint Louis.

La mère de deux princesses, Jeanne et Blanche de Bourgogne, épouses des deux fils de Philippe le Bel, Philippe V le Long et Charles IV le Bel.

Son grand tombeau, couvert de plaques de cuivre historiées et ornées de fleurs de lys, portait cette épitaphe :

« Cy gist Mahaut comtesse d'Artois et de Bourgogne, fille de très haut prince Robert, jadis comte d'Artois, neveu du roi Saint Louis, et femme du comte de Bourgogne. Priez pour l’âme de elle qui trespassa l'an 1329 le 27 décembre. »

Au-dessus de cette tombe, une effigie en marbre noir portait la couronne comtale.

Certains disent que son gisant se trouve aujourd’hui à la basilique Saint-Denis !

Une mystérieuse effigie de pierre noire, retrouvée sans épitaphe à Maubuisson, après la Révolution, nous dit Mahaut d'Artois, une femme de pouvoir (Christelle Balouzat-Loubet, 2015).

Attribué à Marie de Brienne, ce gisant appartiendrait en fait à Mahaut...

Salle du chapitre

Salle du chapitre | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

13 - Bonne de Luxembourg : 1349

Épouse de Jean de Valois, futur roi Jean II le Bon, Bonne n’a jamais pu devenir reine de France : elle meurt juste avant l’accession au trône de son mari, fauchée par la peste noire, à l’âge de 34 ans !

Elle reposait ici avec son fils Charles V de France, qui la rejoint en septembre 1380.

Son effigie était en marbre blanc : celle du roi de France existe toujours, elle se trouve au musée du Louvre !

L’épitaphe disait :

« Cy gist très excellente et très noble dame Bonne de Bohême, fille aînée du bon roi de Bohême, femme jadis du duc de Normandie Jean, qui depuis fut roi de France, mère du Roi de France Charles le quint, et sœur de Charles le quart Empereur de Rome, laquelle trespassa en cette abbaye l'an 1349, le 11 jour de septembre, laquelle sont enterrées les entrailles de son dit fils Charles, qui trespassa le 16e jour de septembre l'an 1380. Priez Dieu pour eux. »

En 1635, on fait déplacer les tombes de Bonne et de Charles.

On la trouve

« encore assise dans son siège, parée de ses habits et ses cheveux tressés d’or. La surprise d’un tel spectacle, ayant porté à s’en approcher trop près et avec trop de précipitation, l’air que l’on agita réduisit en poussière ces corps et leurs ornements, qui n’avaient que l’apparence de la solidité. »
Gisant des entrailles de Charles V au Louvre

Gisant des entrailles de Charles V au Louvre | ©Tangopaso / Wikimedia Commons / Public domain

14 - Jeanne d’Évreux : 1371

Le gisant d’entrailles de cette reine de France inhumée à Maubuisson se trouve aujourd’hui au Louvre !

Tout comme celui de son mari Charles IV le Bel, mort, on l'a vu plus haut, en 1328.

15 - Gabrielle d’Estrées : 1599

La sépulture de Gabrielle d’Estrées, la favorite d’Henri IV, la presque reine, se trouvait autrefois dans le chœur de la chapelle de l’abbaye.

Pourquoi à Maubuisson ? Peut-être parce que le roi Henri IV avait donné à sa sœur, Angélique d’Estrées, la charge de mère-abbesse de l’abbaye ?

En tous cas, Gabrielle meurt le 10 avril 1599, à l’âge de 27 ans : savez-vous de quoi ?

On vous en dit plus dans cet article la concernant, dans son château natal de Coeuvres en Picardie !

Idem pour en savoir plus sur sa tombe à Maubuisson, ça se passe ici.

Détail d'une fenêtre

Détail d'une fenêtre | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

16 - Louise Hollandine de Bavière abbesse : 1664

Il s’agit de la tante de la célèbre Madame Palatine !

La fille du roi de Bohême Frédéric IV et d’Élisabeth d’Angleterre, elle-même fille du roi Jacques Ier.

Convertie au catholicisme à 35 ans, Louise devient abbesse de Maubuisson en 1664, jusqu’à sa mort en 1709, à l’âge de 87 ans.

Inhumée aux pieds de la reine Blanche de Castille, son tombeau était en marbre blanc.

Elle observait les 7 mois de jeûne imposés par la règle de Cîteaux, buvant dans un simple gobelet de terre, et portant une chemise de serge.

Contrairement à ses prédécesseuses, elle n’avait pas de domestiques, pas de suite !

« Elle mène une vie dure mais tranquille ; elle ne mange jamais de viande, à moins d’être gravement malade ; elle couche sur un matelas dur comme la pierre ; elle n’a dans sa chambre qu’une chaise de paille, et se lève à minuit pour prier. »

Louise consacrait tous les revenus de l’abbaye aux plus pauvres : à l’hiver 1693, Maubuisson donne plus de 1200 livres de pain chaque semaine !

Quand elle ne prie pas, elle file, lit ou peint. On lui doit dans l’église de Saint-Ouen-l’Aumône une Résurrection de 1695 !

17 -  Fermeture de l’abbaye : 1786

Le nombre de sœurs diminuant d’année en année, Louis XVI finit par fermer l’abbaye de Maubuisson en 1786.

Elle n’a plus aucune fonction religieuse.

En 1793, elle devient donc hôpital militaire, puis en 1804, une éphémère filature de coton s’y installe.

Sources

  • Adolphe Dutilleux. L’abbaye de Maubuisson, histoire et cartulaire. 1882.
  • Adolphe Dutilleux. L’abbaye de Maubuisson, l’église et les tombeaux. 1882.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !