Port-Royal, Angélique Arnauld et le jansénisme

De 1599 à 1709

Le cloître, Port-RoyalLe cloître, Port-Royal | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Un repaire de « pimbêches », d’orgueilleuses pires que Satan !

Des femmes qui tiennent tête au roi tout-puissant, à l’Église !

Je vous présente la mère Angélique Arnauld, une femme de poigne... et son abbaye parisienne, Port-Royal.

Le cœur d’un énorme conflit qui s’appelle jansénisme.

Indomptable Angélique

Angélique vient de fêter ses 5 ans, quand déjà, son père se demande : quel avenir lui réserve-t-on ?

Un mari ? Le couvent ? Vous pensez que l’avocat Antoine Arnauld y a songé.

6 filles. Il a eu 20 enfants, dont 6 filles. Qu’en faire... à part les marier ?

Angélique, la 3e de la fratrie, ne l’entend pas de cette oreille.

Forte tête, intelligente, c’est son grand-père qu’elle adore qui va décider de son sort : le couvent.

Oui, mais elle sera abbesse, rien d’autre ! Ses parents ne l’ont jamais aimée, ils ne la pleureront pas.

La voilà qui entre d'abord à l'abbaye de Maubuisson (95), en 1599.

Elle a 7 ans, elle grandit dans le luxe et la plus totale liberté : on lit des romans profanes, on sort de l’enceinte quand on veut, on se déguise pour le carnaval...

Angélique n’a jamais eu la fibre religieuse.

Alors, quand vient le jour où on la nomme abbesse de Port-Royal-des-Champs, dans la vallée de la Chevreuse (78), catastrophe...

Elle a 15 ans. Désespérée, elle imagine pouvoir fuir à La Rochelle, où elle a de la famille protestante. En vain.

Mais elle a une révélation pendant un prêche... Du nerf !

Angélique ArnauldAngélique Arnauld | ©Austrian National Library (ÖNB) / Public domain

La journée du Guichet bouleverse tout

Angélique se reprend. Elle décide de réformer Port-Royal-des-Champs. Finie, la vie de patachon !

Place à la dure règle cistercienne, prières, travail et silence. Coupée du monde.

Et voilà qu’elle refuse d’ouvrir la porte à son propre père : c’est la journée du Guichet, le 25 septembre 1609.

Elle refuse de voir son père et son frère, venus lui rendre visite : elle leur ferme le guichet où d’habitude, les nonnes parlent avec leur famille.

Maintenant, pour causer, ce sera à travers une grille épaisse ! 1er bouleversement.

Angélique bataille pour faire accepter les nouvelles règles à des sœurs furieuses : on ne mange plus de viande, on communique par gestes, on ne possède rien (les biens matériels, c’est le mal), on dort sur une fine couche de paille à même le sol...

Port-RoyalPort-Royal | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Port-Royal de Paris

L’air humide de la vallée de Chevreuse fait crever les sœurs à petit feu.

Angélique obtient des terres aux portes de Paris pour y construire Port-Royal bis, dont les vestiges ont aujourd’hui été englobés au cœur de l’hôpital Cochin.

Les hommes (dont fait partie un des frères d’Angélique), les Solitaires, vont alors occuper la vallée de la Chevreuse, les femmes faire de Paris leur royaume.

Port-Royal, austère et réformé, va pouvoir accueillir le mal, la bête immonde : le jansénisme !

Port-RoyalPort-Royal | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Le jansénisme

La vision des choses de Jansen

Le jansénisme, c’est une réaction aux temps troublés.

On sort à peine la tête des guerres de Religion, les réformes de l’Église catholique vont bon train, le roi Soleil impose un absolutisme dément... le jansénisme fait son nid.

Popularisée par le Hollandais Cornelius Jansen, ça dit quoi ?

Des choses sur la grâce divine et la prédestination : tout est couru d’avance, mes braves gens !

La grâce de Dieu, indispensable pour le salut de l’âme, est accordée ou refusée d’avance : les actions du croyant ne changeront rien au sort de l’âme...

Paradoxalement, l’homme doit vivre sa vie dans la peur de la décision divine, comme une épée de Damoclès.

Ajoutez à ces idées une vie et une morale très strictes... Plus largement, il faut rendre la pureté originelle au catholicisme.

La bête à abattre

Le mouvement devient très populaire en France, grâce à l’abbé de Saint-Cyran, un ami de Jansen : on voit sa tombe à Saint-Jacques-du-Haut-Pas.

Celui-ci est aussi ami avec la famille Arnauld : du coup, les deux Port-Royal deviennent le foyer de la pensée janséniste.

On commence avec des idées sur la grâce, on arrive à une rébellion contre l’Église et le roi !

Contre ce roi Soleil et son absolutisme, qui croit que les jansénistes sont des protestants déguisés.

Une Révolution Française avant l’heure !

Le cloître, Port-RoyalLe cloître, Port-Royal | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

La fin de Port-Royal et d’Angélique

Les sœurs d’Angélique tiennent bon : « pures comme des anges, orgueilleuses comme des démons », dit-on d’elles.

Angélique, c’est la louve, qui préfère mourir que de capituler. Elle va lutter.

Elle s’attire les foudres d’un archevêque envoyé par Louis XIV, pour la ramener à la raison.

Le type la traite de « petite pimbêche, petite sotte » !

Mais le coup de grâce, c’est quand le pape exige que les jansénistes signent un formulaire pour renoncer à leur foi, en 1657.

On ne le montrera jamais à Angélique, tourmentée par la maladie et la douleur, qui s'éteint en 1661.

Le 26 août 1664, on chasse les 12 dernières sœurs à faire de la résistance, y compris la mère Agnès, 73 ans.

Fini, Port-Royal de Paris. Les bâtiments servent de prison et de maternité, avant de se faire intégrer dans l’actuel hôpital Cochin.

300 mousquetaires du roi rasent Port-Royal-des-Champs, en 1709. C’est la fin.

Le jansénisme lui, perdure en secte jusqu’à la Révolution...

De l’abbaye à l’hôpital Cochin

Port-Royal aujourd’hui, c’est l’hôpital Cochin. Comment cela se fait ?

Tout n’a été qu’annexions :

C’est comme cela que la chapelle, la salle capitulaire et le cloître (qui abrite l’administration de Cochin) ont été conservés et se visitent !

Sources

  • Jacques Hillairet. Connaissance du Vieux Paris. Éditions Princesse, 1963.
  • Ernest Lavisse. Louis XIV : histoire d'un grand règne. Nouveau Monde éditons, 2014.
  • Article de l'encyclopédie en ligne Wikipédia Hôpital Cochin.
  • Sainte-Beuve. Port-Royal. 1878
  • E. Finot. Port-Royal et Magny. 1888.
  • Marie Reynès Monlaur. Angélique Arnauld. 1900.