La grande salle des Caryatides, tendue de noire. Lueur tremblante et glauque des bougies. Odeur de viande braisée que l’on a servie à peine une heure avant.
Et dire que c’est dans cette salle qu’Henri et la belle Margot fêtaient leur mariage, la veille de cette Saint-Barthélémy qui ensanglante le palais…
1 - Une première !
Henri IV est le seul roi de France mort au palais du Louvre ! On est le 14 mai 1610, il avait 56 ans.
2 - Rue de la Ferronnerie, Ravaillac va frapper... mais pourquoi ?
14 mai 1610. Hennissements aigus. Caquètements. Claquements de voix. Foutu embouteillage parisien, rue de la Ferronnerie ! Le carrosse du roi ne peut ni avancer. Ni reculer. Coincé. Englouti au milieu d’une marée humaine. Le bras de Ravaillac va frapper. Henri IV va se faire poignarder. Là. Maintenant.
Pourquoi ce fanatique catholique charentais a frappé le protestant, devenu roi de France converti ? Pour une histoire de religion, vraiment ? Non ! C’est un complot. La mort d’Henri arrange bien du monde :
- Marie de Médicis, sa moitié, d’abord, qui peut devenir régente ;
- les puissants Habsbourg d’Espagne, ensuite, à qui Henri allait faire la guerre ;
- une femme, aussi : la favorite Henriette d’Entragues, qu’Henri avait juré d’épouser et de faire reine... avant de la laisser tomber pour la Médicis.
3 - La rue où est assassiné Henri IV
Cette voie se trouve dans le 1er arrondissement : il s'agit de la rue de la Ferronnerie.
Étroite de quelques mètres seulement à l’époque du drame, on peut voir une plaque au sol, qui commémore l’endroit exact où le roi est tombé...
4 - Henri a eu des pressentiments
Henri ne sent pas cette journée du 14 mai. Il doit quitter le Louvre pour se rendre chez son ami Sully, dans le Marais. Il a échappé à 15 tentatives d’assassinats, notamment celle de l’hôtel du Bouchage par Jean Châtel, en 1594.
Aujourd’hui, Henri n’est pas tranquille. Peut-être aussi à cause de tout ce qui a été prédit, sur sa mort !
- En 1607, des livres d’astrologie allemands vendus à Francfort, puis à Paris, annoncent la mort du roi dans sa 59e année, soit en 1610 ;
- rebelote en 1609, un docteur théologien, Olive, annonce sa mort pour l’année qui suit ;
- peu avant sa mort, courant 1610, l’astrologue Thomassin lui murmure :
« Prenez garde, sire, au 14e jour de mai, vers 4 heures de l’après-midi, un grand prince périra par le poignard d’un assassin. »
Et avant de monter dans le carrosse, Henri fait un geste qui choque, qu’il ne fait jamais : il esquisse un signe de croix !
5 - Ses derniers mots
Ça y est. Henri vient de se faire frapper. Il s’agite. « Je suis blessé », souffle-t-il d’abord.
Ses tous derniers mots ? Au seigneur de Montbazon qui se trouve avec lui dans le carrosse et qui s’inquiète du trouble qui agite le roi : « Ce n’est rien. » Un flot de sang afflue dans sa bouche et poisse sa chemise blanche.
« Ce n’est rien ». Deux fois. La 2e avec la voix brisée... un gargouillis... comme le râle de l’homme qui sait qu’il va mourir.
On ramène Henri au Louvre, dans sa chambre. La poitrine couverte de sang. Il meurt aussitôt.
6 - Coups mortels et autopsie
Deux coups de couteaux :
- Le 1er, entre la 2e et la 3e côte, ne pénètre aucun organe vital ;
- le 2e, mortel, tranche « l’artère veineuse » au poumon gauche.
Henri IV meurt très vite. Le rapport d’autopsie indique :
« Ayant été blessé d’un couteau, dont il serait décédé incontinent, après avoir dit quelques paroles et jeté du sang par la bouche. »
Les médecins trouvent une plaie entre « l’aisselle et la mamelle » gauche et l’autre « coupant le tronc de l’artère veineuse. De cet endroit, l’un et l’autre poumon a tiré le sang, qu’il a jeté à flot par la bouche, et du surplus se sont tellement remplis, qu’ils s’en sont trouvés tous noirs, comme une ecchymose. »
7 - Une histoire d’effigie
À la mort du roi, on réalise une « effigie » en cire. Disposé sur un lit de parade, ce mannequin représente un symbole fort : la monarchie qui continue, malgré la mort. Ensuite a lieu l'inhumation...
La « mode » des effigies des rois commence avec la mort de Charles VI en 1422 et s’achève avec celle d’Henri IV. Une effigie ? « Effigie d’après le vif », comme on dit. Un mannequin en bois posé sur le cercueil, dont seuls les mains et le visage sont en cire.
Effigie placée dans une salle richement décorée, sur un lit de parade, bien habillé, avec le manteau royal de velours violet semé de fleurs de lis.
Les seigneurs viennent rendre hommage au roi pendant plusieurs jours, on fait comme s’il était encore vivant : on sert dîner et souper, on fait la révérence au roi, on fait comme s’il avait mangé avant de donner tous les plats aux pauvres gens.
Tout ceci histoire de prolonger la vie du roi, si vous voulez, jusqu’à l’enterrement.
Pour Henri au Louvre, on expose le corps, enfermé dans un cercueil de plomb, 18 jours (du 10 au 21 juin) dans la chambre du Louvre, avec l’effigie posée dessus. Puis on le descend dans la grande salle des Cariatides et « mis dedans un chalit (lit de parade pour un mort, ndlr) sous son effigie. » L’effigie reste exposée 11 jours (du 21 au 29 juin).
Et le tout déménage à Saint-Denis. La nuit suivant son arrivée à Saint-Denis, on enlève l’effigie de dessus le cercueil. Et voilà. Le roi vient vraiment de mourir !
8 - Où repose Henri IV ?
Henri IV se fait inhumer en la basilique Saint-Denis, le 1er juillet 1610.
Son cœur ? Il rejoint l’église Saint-Louis de La Flèche, dans la Sarthe, où le roi avait des attaches familiales.
Sources
- Jules Michelet. Histoire de France. 1877.
- Collectif. Les Grands Procès de l'Histoire (volume 2). Éditions Omnibus, 2013.
- Georges Bordonove. Henri IV. Éditions Pygmalion, 2013.
- Augustin Cabanès. Les morts mystérieuses de l’Histoire. 1910.