Un retour en Alsace, sur les terres de son enfance
Théologien libéral, organiste réputé, destiné à devenir pasteur, Albert Schweitzer a 30 ans en 1905, quand il décide de vouer sa vie aux plus pauvres, aux plus souffrants. Humains comme animaux. Il se lance dans des études de médecine et part au Gabon monter un hôpital. L'œuvre de sa vie, qui lui vaudra le Nobel de la paix en 1952 !
Parti au Gabon dès 1913 dans l'hôpital qu'il a fondé, Schweitzer revient provisoirement en France, en 1927 : il doit donner une grande tournée de concerts en Europe (il est organiste spécialiste de Bach). Il compte bien retourner s'installer dans la maison familiale de Gunsbach.
Car bien que né à Kaysersberg le 14 janvier 1875, Albert Schweitzer passe son enfance à Gunsbach, en Alsace, dans le presbytère où son père est nommé pasteur et s'installe 6 mois après sa naissance. Sauf que... son père mort en 1925, la maison a été louée à son successeur !
Schweitzer se fait donc construire sa propre maison, en 1929, légèrement à l'écart du petit village. Une maison sobre, dans le style de la région, mais avec le confort moderne, chauffage et électricité.
Il faut dire que cette maison est appelée à devenir le QG des activités du docteur en Europe, le tout supervisé par l'ancienne chanteuse lyrique Emmy Martin (1882-1971), qui a dédié sa vie aux oeuvres de Schweitzer. Résidant à l'étage, elle se charge notamment de la correspondance du docteur entre le Gabon et l'Europe, préparant aussi ses concerts européens.
Les appartements du couple Schweitzer
Le rez-de-chaussée de la maison abrite les appartements d'Albert et de son épouse, Hélène Bresslau. Car la maison sert aussi bien sûr au couple de pied-à-terre, lors de leurs séjours en Europe, dont le dernier a lieu en 1959, 6 ans avant la mort du docteur au Gabon.
Des invités prestigieux défilent à Gunsbach !
Le 2e étage de la maison abrite les chambres des invités, qui vont défiler nombreux, dès 1930 !
À côté des nombreux médecins, musiciens, écrivains du monde entier, on compte :
- l’écrivain crétois Nikos Kazantzakis (père du personnage de Zorba le Grec, qui admire Schweitzer) ;
- le grand écrivain autrichien Stefan Zweig, qui passe une journée à Gunsbach en décembre 1932 ;
- la toute première femme cheffe d'orchestre, l'Américaine Antonia Brico ;
- la 3e reine de Belgique Élisabeth de Bavière (1876-1965).
Une très forte amitié liera Albert et la reine belge jusqu'à leur mort, avec un intérêt commun pour la médecine, la musique, le pacifisme. Ils se sont échangés des centaines de lettres, sans compter les nombreuses visites de la souveraine à Gunsbach ! « Notre amitié est un des plus beaux évènements de ma vie », écrit Schweitzer.
Une promenade jusqu'à l'église de Gunsbach
Quand il ne reçoit pas ses amis dans son petit bureau, Albert Schweitzer emmène ses invités à l'église voisine de Gunsbach, où il joue de l'orgue depuis ses 7 ans. Bach et Mendelssohn résonnent ces jours-là.
Schweitzer est un passionné de musique d'orgue, lui-même organiste réputé. L'orgue de Gunsbach, il l'a restauré : il l'appelle affectueusement « mon cheval arabe. »
Un orgue qui devient presque humain, quand Schweitzer écrit à son amie la reine des Belges : « Mon orgue et moi serions profondément émus si votre Majesté pouvait venir à Gunsbach cette année. » Elle répond : « L'orgue à Gunsbach doit avoir une grande nostalgie : quand est-ce que ce beau trio se réunira de nouveau ? Je joue souvent des disques, et en fermant les yeux, je m'imagine être assise sur le banc de l'orgue à côté de vous. »
La maison est en tous cas restée comme le docteur l'a laissée lors de son dernier séjour, en 1959. On y voit son orgue, son bureau, et beaucoup de souvenirs d'Afrique, entre autres choses...
Sources
Pierre LassusAlbert SchweitzerAlbin Michel, 1995
CollectifL’évolution de la Maison Albert Schweitzer de Gunsbach depuis sa constructionSite officiel de la Maison Albert Schweitzer, schweitzer.org
Willem ErauwLa reine Elisabeth et Albert Schweitzer : pacifisme radical, panthéisme romantique et passion de la musiqueRevue belge de Philologie et d'Histoire, année 1996