Février 1429 : les entrevues de Jeanne d'Arc et du roi à Chinon

Du 23 févr. à avr. 1429

Jeanne à ChinonJeanne à Chinon | ©Internet Archive Book Images / Public domain

Un long voyage vers la Touraine

Jeanne d’Arc a 13 ans, quand elle entend des voix pour la première fois, chez elle à Domrémy en Lorraine : celles de saint Michel, saintes Catherine et Marguerite.

Oyez, jeune fille ! Ils lui délivrent ses missions : délivrer la ville d’Orléans des Anglais, faire sacrer le dauphin Charles à Reims et bouter les Anglais hors du royaume.

Voilà Jeanne bien décidée à se rendre à la cour de Charles, en Touraine !

Un cousin de la famille la mène au capitaine de Vaucouleurs, Robert de Baudricourt, qui lui seul peut lui fournir une escorte, pour faire le long voyage jusqu’à Chinon.

Plusieurs fois éconduite, Jeanne la têtue finit, en février 1429, par obtenir cheval, bannière et escorte.

Aux côtés des écuyers Jean de Metz et Bertrand de Poulengy, mais aussi le messager du roi Jean Colet, Jeanne peut traverser la France et parvenir jusqu’à Chinon, où se trouve son roi.

Jeanne d'Arc et ses voix d'après ThirionJeanne d'Arc et ses voix d'après Thirion | ©Rijksmuseum / CC0

Quelle est la situation du royaume à l'époque ?

Les crises de folie du roi de France Charles VI, depuis 1392, le laisse exsangue. Incapable de régner.

Son entourage se déchire pour la couronne :

  • les Armagnacs, partisans de la famille d’Orléans
  • ceux du duc de Bourgogne, les Bourguignons.

Le fils du roi fol, Charles, aurait dû régner 7e du nom, après la mort de son père, en 1422.

Mais le traité de Troyes, signé avec les Anglais en 1420, le spolie de sa couronne, au profit du jeune Henry VI d’Angleterre !

Charles a 26 ans. Seul contre tous. Car les villes du nord de la Loire et les Bourguignons ont reconnu l’Anglais, comme leur roi de France.

Charles et ses fidèles Armagnacs retranchés à Bourges ou en Touraine ne contrôlant plus totalement la situation… jusqu’à l’arrivée de Jeanne !

ChinonChinon | ©Johan Puisais / Pixabay

Une histoire de date !

Certains historiens, comme Pierre Champion, racontent que Jeanne arrive à Chinon le 6 mars 1429.

En fait, selon le témoignage, notamment de Jean de Metz, Jeanne et son escorte partent de Vaucouleurs le dimanche 13 février 1429.

Il leur faut 11 jours, exactement, pour faire le voyage jusqu’à Chinon.

Ils arrivent donc dans la cité tourangelle... le 23 février !

La première rencontre à Chinon

L'arrivée de Jeanne

Jeanne arrive donc à Chinon le 23 février 1429, à « environ midi. »

Elle loge dans une hôtellerie de la cité, voisine du château. Elle y déjeune, le 25 février, quand on vient la chercher, pour la conduire chez le roi.

Les détails qui suivent sont rapportés par Simon Charles, président de la cour des Comptes du roi.

Jeanne et Charles s’isolent dans une « chambre » (camera), selon les mots mêmes de la jeune Lorraine, recueillis pendant son procès. Une grande salle voûtée, si vous préférez.

On peut encore voir aujourd’hui les vestiges de cette salle ruinée, avec sa grande cheminée !

Vestige de la salle de l'entrevueVestige de la salle de l'entrevue | ©Daniel Jolivet / Flickr / CC-BY

Conversation secrète !

Simon Charles raconte que lorsqu’il apprend que Jeanne arrive, le roi

« se tira à part, s’écartant des autres. Mais Jeanne le reconnut bien et lui fit sa révérence. Elle s’entretint avec lui pendant un long espace de temps. Après l’avoir entendue, le roi paraissait joyeux. »

Interrogée sur cette conversation lors de son procès rouennais, Jeanne refusera toujours de répondre. « Vous ne le tirerez pas de ma bouche. »

Après leur discussion, le roi ordonne que l’on loge Jeanne dans le château, au premier étage du donjon médiéval, dit du Coudray.

Détail de la cheminéeDétail de la cheminée | Salle de l'entrevue : détail de la cheminée | ©Avel-Breizh / Flickr / CC-BY-SA

Le « vrai fils de roi »

Selon un autre témoignage, celui du frère Pasquerel (le confesseur de Jeanne), la Pucelle est conduite chez le roi, qui lui demande son nom.

Elle répond :

« Gentil Dauphin, par moi vous mande le roi des cieux que vous serez sacré et couronné à Reims, et que vous serez lieutenant du roi des cieux qui est roi de France. »

Puis :

« Moi, je te dis de la part de Messire, que tu es vrai héritier de France et fils de roi. »

Une fois la conversation achevée, le roi « déclara aux assistants que Jeanne lui avait dit certains secrets, que personne ne connaissait ou ne pouvait savoir, si ce n’est Dieu, aussi avait-il grande confiance en elle. »

Tour du CoudrayTour du Coudray | ©Daniel Jolivet / Flickr / CC-BY

Une très célèbre scène

Une « légende », reprise de nombreuses fois, rapporte que lors de leur rencontre, Charles et un courtisan échangent leurs vêtements, pour tester Jeanne qui se dit envoyée par des forces divines.

Malgré cette ruse, elle reconnaît le vrai roi ! C’est cette scène que l’on voit reprise dans le film de Luc Besson (1999).

Voilà comment le chroniqueur officiel du roi, Jean Chartier, rapporte cette scène aujourd’hui célébrissime.

Ainsi, Charles, pour la mettre à l’épreuve, « s’était confondu parmi d’autres seigneurs plus pompeusement vêtus que lui, et quand Jeanne, qui ne l’avait jamais vu, le vint saluer, il dit : "Je ne suis pas le roi, voilà le roi", dit-il en lui désignant un des seigneurs. »

Jeanne répond : « En nom Dieu, gentil prince, vous l’êtes, et non un autre. »

Examens et deuxième entrevue chinonaise

A Chinon, Jeanne est examinée par des « matrones » : deux dames de l’entourage de Yolande d’Aragon, la mère du roi.

Il s’agit des épouses du gouverneur d’Orléans Raoul de Gaucourt et de Robert Le Maçon. Elles vont vérifier la virginité de Jeanne.

Chose importante, à l’époque ! Car l’on croyait que le Diable « prenait la virginité des femmes qui se donnaient à lui. » Mais lesdites matrones trouvent Jeanne « vraie et entière pucelle »...

Elle n’est donc pas possédée, le diable n'ayant « aucune prise sur les vierges, la pureté du corps garantissait celle de l'âme », explique Georges Bordonove dans Jeanne d'Arc et la Guerre de Cent Ans (1994).

Charles l’envoie ensuite à Poitiers, pour que conseillers et docteurs en théologie vérifient sa foi de manière plus poussée.

Ensuite, Charles reçoit Jeanne d'Arc une nouvelle fois à Chinon, entre la fin mars et le début du mois d'avril 1429.

Conclusion

Après ses deux entrevues chinonaises, Jeanne est autorisée à se rendre à Tours.

Elle s’y fait fabriquer une armure et le célèbre étendard blanc portant l’inscription Jésus Maria, dessinée selon la description faite par ses voix.

Sur la route qui la mène vers Orléans, le 22 mars 1429, Jeanne fait dicter une lettre au roi d’Angleterre et au régent duc de Bedford :

« Rendez à la Pucelle, qui est envoyée de par Dieu, les clés de toutes les villes que vous avez prises et violées en France. Allez-vous-en de par Dieu en votre pays. Et si ainsi ne le faites, attendez les nouvelles de la Pucelle qui vous ira voir brièvement à vos bien grands dommages... »

Le début d’une fantastique et tragique épopée !

Sources

  • Jean-Robert Masson. Guide du Val de Loire mystérieux. Éditions Tchou, 1968.
  • Roger Caratini. Jeanne d’Arc : de Domrémy à Orléans et du bûcher à la légende. L'Archipel, 2011.
  • Gustave de Cougny. Chinon et ses monuments : notice historique et archéologique. 1874.