Une attaque éclair au couvent d'Alando ? Oui ! Le général en chef de la République corse indépendante, Pascal Paoli, est en danger...
Du rififi contre Paoli
Grand, l’air noble, l’œil bleu, on l’a déjà rencontré... Il est Corse, il s’appelle Pascal « Pasquale » Paoli.
Il vient de débarquer à Aléria, le 16 avril 1755, d’exil où il se trouvait à Naples depuis ses 14 ans. Il en a 30, au moment où nous parlons.
L’île, son île, sa Corse a besoin de lui. Rejoindre la lutte qui a commencé en 1729 avec son père. Contre cette république de Gênes qui les opprime depuis oh ! Déjà le 13e siècle. Une éternité…
Les membres du conseil suprême, son frère Clemente en tête, le veulent chef de la nouvelle nation corse.
Alors ils l’élisent général en chef au couvent de Casabianca, à la mi-juillet 1755.
Seulement… cette élection ne fait pas l’unanimité ! Il y a des clans, notamment une famille, les Matra, qui refusent de se soumettre à Paoli.
Emmanuel Matra veut le généralat pour lui ! Il propose sa candidature aux rebelles, qui l’élisent dans leur coin.
C’est la guerre qui commence !
L'assaut du couvent d'Alando
En mars 1757, Paoli se réfugie dans le couvent Saint-François d’Alando.
Matra, sans arrêt sur ses traces, le retrouve et assiège le monastère.
Il a rameuté des hommes, trouvé des armes. Il est prêt ! L’attaque est brutale, inattendue.
Mais on se défend ! Paoli lui aussi a ses hommes avec lui. Nettement moins que son ennemi, dix fois moins, oui, c’est vrai…
BAM ! Les mousquets crachent leur balle. Les voix des hommes tonnent dans l’air. Odeur de poudre. La tension est palpable !
Paoli est dans une posture délicate.
Matra, lui, veut atteindre la porte du couvent, pour y mettre le feu avec une torche. Le feu va leur permettre de passer !
Du courage !
Pascal Paoli voit bien qu’un des côtés du couvent est sur le point de céder.
Il hurle qu’il préfère mourir sous les ruines, que de tomber aux mains de Matra !
Histoire de Pascal Paoli (A. Arrighi, 1843) dit :
« Au moins, je n’aurai pas la honte de voir emporter de vive force par une bande de rebelles un couvent barricadé. C’est vraiment alors que nous serions dignes des outrages qu’ils nous envoient et du sort dont ils nous menacent. » Les paroles de Paoli secouent ses amis, les assiégés, et les encouragent. « Je n’avais que la parole pour soutenir leur moral abattu. Je me souvins dans ce moment des croisés réduits par la famine à ouvrir les portes d’Antioche devant l’armée des Musulmans lorsque la découverte de la sainte lance qui avait percé le côté de Jésus-Christ vint à propos les ranimer et leur donna la victoire. Je fouillai dans tous les coins du saint asile dans l’espoir d’y trouver quelque vieille relique. Mais toutes ces pieuses recherches furent vaines. »
La situation paraît désespérée... Mais on continue de lutter, de repousser à droite, à gauche !
Il faut sauver Paoli
Pendant ce temps, une femme s’organise. Elle, c’est la veuve Cervoni, de Soveria.
Elle appelle son fils Thomas, lui ordonne d’aller secourir Paoli. Le fils, « mécontent du général », hésite...
Hors d’elle, elle tonne : « Je maudis le lait que tu as sucé de mon sein ! Je renonce au nom de mère, si tu hésites encore un instant ! »
Avant de lui jeter des armes dans les bras : « Pars, le temps presse. Avec Paoli va périr la liberté de la Corse. Paoli, c’est nous, c’est la Corse. »
Cervoni n’hésite plus ! Il rameute tous les siens et marche sur le couvent d’Alando.
Clément Paoli, le frère aîné de Pascal, rejoint le mouvement. Ils tombent sur les assiégeants, et font un carnage.
Inespéré ! Cervoni arrive alors que Pascal se voit déjà mort !
La fin de Matra
Et Emmanuel Matra, pendant ce temps ? Hé bien...toujours pas mort !
Il est sorti de son trou comme un lièvre débusqué, quand il a vu les renforts rappliquer à Alando.
Il court se réfugier dans le village voisin, où il est découvert et tué...
La suite !
Nous voilà au tout début de la grande aventure de la république de Corse libre, menée par Pascal Paoli, qui allait durer de 1755 à 1769.
En novembre 1755, Paoli pouvait doter la Corse d’une constitution incroyablement moderne en Europe, et forger sa légende...
Sources
- Jean-Ange Galletti. Histoire illustrée de la Corse. 1863.
- Arrigo Arrighi. Histoire de Pascal Paoli. 1843.
- Bartoli. Histoire de Pascal Paoli. 1889.