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Rabelais se met au vert à l'abbaye de Maillezais

Quand : 1523 - 1528

L'abbatiale de Maillezais | ©Jochen Jahnke / WIkimedia Commons / CC-BY-SA
Abbaye Bénédictin François Rabelais Agrippa d’Aubigné Abbaye de Maillezais

Un bagage classique

On ne présente plus le médecin, l’humaniste, l’écrivain truculent... mais saviez-vous que François Rabelais a d’abord été moine ?

Ce natif de la région de Chinon, issu d’une famille petite bourgeoise aisée, bénéficie d’un enseignement classique, pour l’époque :

  • le trivium (grammaire, rhétorique, dialectique) ;
  • le quadrivium (arithmétique, géométrie, musique, astronomie).
Rabelais

Rabelais | ©Wellcome Collection / Public domain

Du grec, sacrilège !

Avec ces solides bagages de base, il entre au très strict couvent franciscain Saint-Martin à Fontenay-le-Comte, en Vendée.

Il y étudie les langues anciennes, tout particulièrement le grec.

Mais en 1523, ses livres lui sont confisqués ! Voulez-vous savoir pourquoi ?

La Sorbonne interdit l’apprentissage du grec, jugé dangereux, car pouvant servir de base pour l’étude du Nouveau Testament !

Le passage à Maillezais

L’année suivante, Rabelais obtient l’autorisation du pape Clément VII (un induit) d’intégrer l’abbaye bénédictine de Maillezais, en Vendée.

Oui : les moines bénédictins sont connus pour être plus lettrés, que les franciscains, moins fermés…

Maillezais représente, pour le jeune homme, un asile salutaire. Un lieu où il pourra étudier tout son saoul, sans entraves !

Et où il nouera une grande amitié avec l'évêque de Maillezais.

Maillezais : bâtiments conventuels

Maillezais : bâtiments conventuels | ©Jochen Jahnke / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

D'Estissac prend Rabelais sous son aile

À Maillezais, donc, François Rabelais fait la rencontre de l'évêque Geoffroy d'Estissac.

C’est un prélat érudit, amateur des arts et des lettres, nommé à la tête de l’abbaye par le roi François Ier, en 1518.

Il accueille le jeune Rabelais à bras ouverts, et le prend sous sa protection : il finit par en faire son secrétaire particulier.

Un parfum de scandale a souvent entouré d’Estissac. On le dit enclin aux idées de la Réforme… mais il est respecté, car originaire d’une grande famille de la région.

Rabelais (1841)

Rabelais (1841) | ©Wellcome Collection / Public domain

Les inspirations vendéennes de Rabelais

D’Estissac embarque son secrétaire avec lui, pour des voyages à travers la Vendée. L’évêque est un infatigable bâtisseur d’églises et de palais, voilà pourquoi !

Il possède également des résidences, comme le château de L’Hermenault, où il réside souvent, avec Rabelais comme invité.

Ils parcourent la région de long en large : on retrouve traces de ces périples dans l’œuvre de Rabelais, avec plus de 50 noms de localités poitevines cités dans Pantagruel ou Gargantua !

Idem pour la gastronomie locale, largement mise à l’honneur :

  • Rabelais évoque les vins de Ligugé, les chapons de Loudun, les châtaignes du bois d’Estos ;
  • sans oublier les noms du patois propres au Poitou, que ce soit la moulue (morue), le papillon (raie bouclée)... ou la puput (huppe) !
Château deL'Hermenault

Château de L'Hermenault | ©Spouik / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Rabelais herborise à Maillezais

On ne sait pas exactement quelle a été la teneur de ces 5 années heureuses passées à Maillezais, pour Rabelais.

Des études, oui, des voyages, on l’a vu. De l’herboristerie, aussi, sans doute ?

Car les remèdes utilisés par le Rabelais futur médecin, c’est dans l’officine de l’abbaye de Maillezais, qu’il en a puisé les recettes, explique Michel Ragon dans Le roman de Rabelais (2012).

Les fameuses « simples » cueillies par les moines, qui désignent ces plantes médicinales cultivées depuis l’Antiquité, Rabelais les a lui aussi collectées, à Maillezais et en Vendée.

Quand il décrit son Pantagruel étudiant l’herboristerie, c’est à lui à Maillezais, à qui il pense, « passant par quelques prés ou autres lieux herbus », des plantes dont il « emportait les mains pleines au logis. »

Maillezais : emplacement du cloître

Maillezais : emplacement du cloître | ©Jochen Jahnke / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Rabelais défroqué devient médecin

Rabelais passe 5 ans à Maillezais, avant de partir vers d’autres horizons. Il a troqué son habit de moine… pour celui d’étudiant en médecine !

Nous sommes en 1528, Rabelais entame son cursus à l’université de Montpellier (il n’a demandé l’autorisation à personne), qui le mènera notamment au grand hôtel-Dieu de Lyon.

Pour être devenu moine défroqué et avoir embrassé une carrière médicale, Rabelais se rend coupable du crime d’apostasie ! Ce qui veut dire qu'il a volontairement abandonné sa religion.

Il demande au pape Paul III d’être absous, en 1535.

Maillezais : l'abbatiale

Maillezais : l'abbatiale | ©Jochen Jahnke / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Salades et melons italiens !

Le départ de Maillezais n’empêchera pas Rabelais de continuer de correspondre avec son ami d’Estissac.

Quand Rabelais se rend en voyage à Rome, aux côtés du cardinal du Bellay, pour lequel il travaille depuis 1534, il écrit régulièrement à d’Estissac, pour, bien sûr, lui parler de politiques et de la situation de l’Italie à cette époque.

Mais pour aussi lui envoyer, notamment, des graines de salades de Naples ! Il sait que l’évêque, dans son château poitevin de l’Hermenault, aime particulièrement s’occuper d’horticulture et de botanique.

Ainsi, Rabelais lui donne des conseils pour s’occuper de variétés souvent inconnues en France (cardes, melons, citrouilles) dont il lui envoie les graines, lui expliquant comment les acclimater au climat poitevin.

En précisant toutefois que les salades de Naples en valaient pas celles de Ligugé, en Poitou, « trop ardentes et trop dures » pour l’estomac sensible de son ami !

Sources

  • Jean Plattard. L'adolescence de Rabelais en Poitou. 1923.
  • Cécile Treffort. L'abbaye de Maillezais : des moines du marais aux soldats huguenots. Presses Universitaires de Rennes, 2015.
  • Jean Plattard. Vie de François Rabelais. Slatkine Reprints, 1973.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !