Partons à la rencontre de l'étonnant Philippe Pot, conseiller de Philippe le Bon, ambassadeur des ducs de Bourgogne à Londres, homme de confiance de Charles le Téméraire...
Auteur du premier recueil de contes français et père d'un discours résolument moderne !
Un brillant CV
Homme bien en vue à la cour des ducs de Bourgogne, Philippe Pot négocie, traite, pour Philippe le Bon et Charles le Téméraire, et pour les rois de France Louis XI et Charles VIII.
S’il s’appelle Philippe, d’ailleurs, c’est en l'honneur de son parrain, Philippe le Bon !
Ce dernier « avait voulu qu’on lui fit donner une éducation proportionnée à la grandeur de sa naissance et aux desseins qu’il fondait sur lui pour l’avenir. »
Très tôt, il l’envoie négocier en Flandres. C’est un succès !
Pot devient indispensable, on le voit partout à la cour des ducs, « car il avait le don de parler ; cela lui séoit bien et le savait bien faire », dit le chroniqueur Chastellain.
Il devient gouverneur de Lille, ambassadeur à Londres.
Il s’occupe particulièrement des affaires de Charles le Téméraire, comme ses deux mariages :
- à la mort de sa première femme en 1450, il obtient la main d’Isabelle de Bourbon, en 1454 (l’aïeule de Charles Quint) ;
- puis en 1468 celle de Margaret d’York.
Des services qui lui valent comme récompenses le château de Châteauneuf et le titre de chevalier de la Toison d’Or, comme Régnier !
Pot devient aussi le « grand-maître de l’hôtel » de Charles le Téméraire… une dignité capitale, puisqu’elle consiste à recevoir princes et ambassades, et organiser les grands festins.
Un grand-père... et sa légende !
Philippe Pot naît au château de La Rochepot, en 1428.
Il est le petit-fils de Régnier Pot ! On l’a rencontré au château, lui aussi : ce conseiller et chambellan des ducs bourguignons, chevalier de la Toison d’Or, est fait prisonnier à la bataille de Nicopolis, dans l’actuelle Bulgarie, pendant les croisades.
Son voyage et sa libération font l’objet d’une légende dont nous vous parlons ici…
Pot prend la suite de son grand-père et continue d'agrandir son château de La Rochepot.
Un château qui à la base s’appelle la Roche-Nolay : mais quand Régnier l’acquiert au tout début du 15e siècle, il le nomme Rochepot. Naturellement !
Des ducs au roi de France
À la mort de Charles le Téméraire, Philippe Pot abandonne Marie de Bourgogne, la fille unique du duc, et passe au service de Louis XI, qui le fait grand sénéchal de Bourgogne, en 1477, puis son premier conseiller et son chambellan.
Philippe a-t-il travaillé sur l’annexion de la Bourgogne à la France ? Peut-être !
Ensuite, il travaille pour Charles VIII, qui le charge de l’éducation de l’un de ses fils.
Un discours avant-gardiste !
Pot prononce un discours célèbre, aux États généraux de 1484.
Ceux-ci ont pour but de désigner un régent après la mort de Louis XI et pendant la minorité de Charles VIII.
Normalement, Louis a désigné sa fille, Anne de Beaujeu, mais certains princes contestent ce choix… En tous cas, Pot évoque l’élection du roi par ses sujets !
Il explique dans ce discours que l’État appartient au peuple, pas à la famille royale, qui n'existe que par ce dernier.
« Dans l’origine, le peuple souverain créa des rois par son suffrage, et il préféra particulièrement les hommes qui surpassaient les autres en vertu et en habileté. En effet, chaque peuple a élu un roi pour son utilité. N’avez-vous pas lu que l’État est la chose du peuple ? Or puisqu’il est sa chose, comment négligera-t-il ou ne soignera-t-il pas sa chose ? L’État est la chose du peuple, il l’a confiée aux rois, et ceux qui l’ont eue par force ou autrement sans aucun consentement du peuple sont censés tyrans et usurpateurs du bien d’autrui. Or, puisqu’il est constant que notre roi ne peut disposer lui-même de la chose publique, il est nécessaire qu’elle soit régie par le soin et par le ministère d’autres personnes. »
D'autres personnes ? Qui ? Le peuple !
Intéressant, non ?
Le premier recueil de contes de la littérature française
Philippe Pot écrit le surprenant Cent nouvelles nouvelles : un recueil d'histoires grivoises, drôles, avec une touche de misogynie et d’anti-cléricalisme !
Le premier recueil de contes français...
Le duc de Bourgogne Philippe le Bon lui commande vers 1465, afin de divertir le jeune dauphin Louis (futur Louis XI de France), réfugié dans les Flandres.
Les titres sont plutôt savoureux ! Le clerc eunuque, La mule entremetteuse, Le déshabillage de la femme infidèle, Le testament du chien du curé, L’amer festin du compagnon qui aimait trop les femmes…
Un tombeau mythique !
Le musée du Louvre conserve le magnifique tombeau de Philippe Pot !
Une copie est visible au château de Châteauneuf-en-Auxois, l’autre résidence favorite de Pot.
On le voit sous la forme d’un gisant grandeur nature, en armure, porté sur les épaules de huit impressionnants pleurants de pierre noire.
À la base, ce tombeau se trouve dans l’abbaye de Cîteaux. Révolution oblige, il connaît plusieurs déménagements en Bourgogne, avant d’arriver au Louvre en 1889.
Un célèbre connétable
Philippe Pot, mort en septembre 1494 sans héritiers (il est resté célibataire toute sa vie), le château de La Rochepot revient à son frère Guy.
Sa fille Anne deviendra la mère du célèbre connétable de France Anne de Montmorency, proche de François Ier !
Un connétable qui possède La Rochepot, entre 1510 et 1527...
Sources
- Joseph et Louis Michaud. Biographie universelle, ancienne et moderne. 1864.
- Abbé Bissey. Notice sur les Pot, seigneurs de la Roche-Nolay. In Mémoires de la Société d'histoire, d'archéologie et de littérature de Beaune. 1883.