Connaissez-vous l'histoire du tombeau du seigneur du château de Châteauneuf-en-Auxois, Philippe Pot, qui se trouve au Louvre ?
Un puissant seigneur bourguignon !
L'occupant le plus célèbre du château de Châteauneuf-en-Auxois, au 15e siècle ? Le puissant Philippe Pot.
Oui ! Ce nom vous dit quelque chose ?
Vous l’avez sûrement croisé au château voisin de La Rochepot, dont il est aussi le seigneur.
Philippe Pot sert fidèlement Philippe le Bon, puis son fils Charles le Téméraire, en tant que conseiller et diplomate.
Et quand le roi de France Louis XI rattache le duché à la couronne en 1477, il fait de Pot le grand sénéchal de Bourgogne.
A Châteauneuf, Philippe ajoute la petite note d’élégance qui manque à la forteresse massive.
Il fait construire le logis de style gothique flamboyant dans la cour, juste à côté du donjon, et ajoute la chapelle.
Le tombeau de Pot et ses pleurants
Une merveille médiévale
Si vous passez un jour par le Louvre, vous pourrez voir l'impressionnant tombeau de Philippe Pot !
Cette incroyable effigie funéraire médiévale date d'entre 1477 et 1483.
Une copie est exposée ici, au château de Châteauneuf-en-Auxois.
Mais intéressons-nous plutôt au mausolée originel !
Des pleurants portant des écus
Les éléments les plus impressionnants de ce tombeau ? Les pleurants ! Notamment parce qu’ils sont d’une belle taille (1,35m de hauteur).
Aussi parce qu’ils portent de très belles armoiries : elles représentent les huit quartiers de noblesse de Philippe Pot.
On a notamment :
- Courtiamble : de gueules à trois étoiles à huit rais d'or ;
- Blaisy : d'or à la fasce de sable accompagnée de six coquilles ;
- Pot : d'or à la fasce d'azur ;
- Guénant : d'or à trois fusées de gueules accolées en fasces ;
- Nesles : de gueules à trois chevrons d'or ;
- Montagu : bandé d'or et d'azur à la bordure de gueules et au franc canton d'hermine.
Les pérégrinations du tombeau
De Cîteaux à Dijon
Le tombeau se trouve à la base dans une chapelle de l'église abbatiale de Cîteaux.
Au moment de la Révolution, l'abbaye est vendue comme bien national, mais pas le tombeau !
Celui-ci devait rejoindre le musée installé dans les murs de l’église dijonnaise Saint-Bénigne, en 1791.
Devait, oui… l’opération n’a jamais eu lieu !
On perd alors la trace du tombeau, pendant plus de 15 ans.
Chez les de Vesvrotte
Jusqu’à ce qu’il réapparaisse en 1808, lors d'une vente publique, à Dijon. Quelqu’un va-t-il l’acheter ? Tout juste !
Il s'agit du président des comptes de Bourgogne, Charles de Vesvrotte, un passionné d’histoire et d’art.
Sa famille expose le pauvre monument funéraire à tous les vents, la pluie :
- dans le jardin de leur hôtel de Ruffey, à Dijon ;
- puis dès 1850 dans le parc de leur château de Vesvrotte (21) ;
- en 1855, dans une cave de l'hôtel Lemullier de Bressey, à Dijon.
Procès : Vesvrotte contre l’État !
Un bien inaliénable
En 1886, l’État (ou plutôt le préfet de Côte-d’Or) décide d’intenter « un procès en revendication » aux de Vesvrotte.
Le problème ? Le monument funéraire se trouvait dans l'abbaye de Cîteaux, qui en 1791 est devenue bien national.
Le tombeau faisait partie du domaine public national, donc était à la fois inaliénable et imprescriptible, « réservé avec d’autres objets d’art par l’État ou ses représentants d’alors à l’époque de la vente des bâtiments. »
Vesvrotte a donc acquis le tombeau de manière irrégulière, en 1808.
Le propriétaire fait appel !
Le tribunal de Dijon donne raison au préfet : le tombeau « a été réuni au domaine public de l’État, ce serait au possesseur à justifier à son tour d’un titre qui l’ait mis légitimement en possession de ce monument. »
Or, Vesvrotte ne donne aucune preuve visant à montrer que le tombeau a fait partie d’une vente organisée par l’État !
Il déclare juste qu’il a été « acquis d’un tiers par son aïeul en 1808. »
Vesvrotte fait appel... l’État lui donne cette fois-ci raison.
« Attendu que de Vesvrotte possède par lui ou par ses auteurs depuis plus de 80 ans le tombeau revendiqué, que sa possession a toujours été publique, paisible, continue, non équivoque, et qu’il n est pas démontré qu’elle ait jamais été entachée de mauvaise foi... »
L'arrivée au Louvre
Fin de la partie ? Non !
Les de Vesvrotte se défont finalement du mausolée de Philippe Pot en 1889.
C’est l'expert Charles Mannheim qui achète le tombeau aux de Vesvrotte pour 15 000 francs, pour le compte du musée du Louvre. Où il se trouve encore !
Sources
- Tombeau de Philippe Pot, grand sénéchal de Bourgogne. Musée du Louvre, collections.louvre.fr.
- Tribunaux : le monument funéraire de Philippe Pot. In La Chronique des arts et de la curiosité. 1887.
- La famille Richard en Bourgogne : un fonds, des familles, des histoires : avoir le tombeau de Philippe Pot dans son jardin. Archives de Côtes-d’Or, archives.cotedor.fr.