Au début de l'histoire...
L’histoire de Breteuil commence au Moyen Âge.
On trouve ici une maison forte du nom de Bévilliers : du latin bis villae, « deux domaines » !
On peut donc penser que le site existait déjà à l’époque gallo-romaine.
De ce premier domaine, il reste le beau colombier du 15e siècle !
Le premier château !
Vers 1604, Thibault Desportes, grand audiencier de la Chancellerie de France, fait construire un corps de logis de style briques et pierres, avec une cour carrée encadrée de deux pavillons d'angle.
À quelques détails près, le château possède déjà l'aspect qu'on lui connaît aujourd'hui !
La grande famille des Breteuil
Les Desportes sans héritiers directs, c’est à un lointain cousin, Claude-Charles Le Tonnelier de Breteuil, à qui passe le château en 1712.
Ce n’est qu’en 1817 que le domaine prend le nom de Breteuil, nom de cette grande famille qui possède encore le château aujourd’hui.
De grands personnages émaillent leur histoire !
Émilie du Châtelet
À commencer par Émilie du Châtelet, première femme scientifique d'influence.
Née Le Tonnelier de Breteuil, elle est la petite-nièce du premier Breteuil seigneur du château !
Passionnée de sciences, première traductrice de Newton, « son goût dominant était pour les mathématiques et la métaphysique », écrit Voltaire (son âme sœur).
Celui-ci la voit, baba, « diviser jusqu’à 9 chiffres par 9 autres chiffres, de tête et sans aucun secours, en présence d’un géomètre étonné qui ne pouvait la suivre »...
Louis-Auguste de Breteuil
Vient ensuite Louis-Auguste de Breteuil, ministre favori de Louis XVI.
Neveu d'Émilie, Louis-Auguste est un diplomate, ambassadeur à Saint-Pétersbourg, Stockholm, puis Vienne.
Grâce à lui, on a évité le pire : il a brillamment négocié la paix entre l’Autriche et la Prusse, en conflit à la suite de la mort sans héritier direct du Prince Électeur de Bavière, en 1778.
- Il fait aussi arrêter le cardinal de Rohan dans l'affaire du collier de la reine, améliore les conditions de vie dans les prisons, l'accès aux hôpitaux pour les plus pauvres ;
- Breteuil autorise Beaumarchais à faire jouer la pièce polémique Le Mariage de Figaro ;
- On lui doit la création de la première avenue avec sens montant et descendant : la future avenue de Breteuil.
Charles de Breteuil
Voilà maintenant Charles de Breteuil !
La Révolution décime une partie des siens, sa mère se fait emprisonner, lui-même est forcé d’assister à l’exécution de Louis XVI (il a 11 ans)…
Puis le voilà en 1813 : il se fait nommer préfet de l’improbable département français des Bouches de l’Elbe (capitale, Hambourg), puis Napoléon Ier le nomme préfet de la Nièvre pendant les Cent Jours.
Il refuse ! Motif ? Il a promis à sa future belle-mère de ne pas quitter d’une semelle sa fiancée !
Ce qui fait que lorsque Louis XVIII arrive au pouvoir, il peut continuer sa carrière de préfet.
On le voit au château représenté dans la bibliothèque en compagnie du premier ministre Decazes et du roi Louis XVIII, dans son fauteuil roulant : un chef-d’œuvre signé Jacob, qui permettait au roi impotent, obèse et diabétique, de se déplacer !
Breteuil reçoit en cadeau de Charles X, en 1830, un exemplaire complet des 26 tomes de La Description de l’Égypte, monumentale encyclopédie composée après l’expédition d’Égypte menée par Bonaparte en 1798.
Cette édition est présentée dans un cabinet spécial du château !
Une chapelle, des écuries
Au milieu du 19e siècle, Charlotte et Joseph de Breteuil font construire la chapelle néogothique.
Remarquez les trois vitraux, qui viennent tout droit de Chartres !
Ils datent des 15e et 16e siècles.
En 1874, ils ajoutent une ferme et des écuries « modernes », en pierre de meulière typique de l’Île-de-France.
Le roi d'Angleterre au château !
Henri de Breteuil, fils de Joseph et député des Hautes-Pyrénées, est un ami intime du prince de Galles, futur roi d’Angleterre Édouard VII.
Il organise plusieurs entrevues entre Léon Gambetta, président de la chambre des Députés, le roi et lui-même.
C’est l’une d’elle, le 12 mars 1881, qui est reconstituée dans le fumoir du château !
Les trois hommes sont à l’origine des bases de l’Entente Cordiale entre Angleterre et France, signée en 1904.
Preuve de la grande amitié de Breteuil avec Édouard VII : le fils de ce dernier, le futur Édouard VIII (l’oncle d’Elizabeth II) fera un long séjour à Breteuil, en 1912, pour apprendre le français !
Une inspiration pour Marcel Proust !
Un Breteuil au milieu du gratin parisien
Saviez-vous qu'Henri de Breteuil inspire à Marcel Proust son personnage d’Hannibal de Bréauté dans À la recherche du temps perdu ?
Voilà pourquoi l’on retrouve le personnage de cire de l’écrivain dans la chambre de laque du château !
Henri est une des personnalités les plus en vue du Second Empire, à Paris. Nul doute qu’il a dû croiser Marcel Proust, même si les archives du château de Breteuil ne garde aucune trace du passage de l’écrivain !
Henri reçoit alors à Breteuil tout le gratin parisien (Rothschild, Arenberg, Mortemart) : bals et chasses se succèdent.
Y sont également reçus la reine Amélie du Portugal, le roi Alphonse XIII d’Espagne, les grands ducs de Russie…
L'excellente table du château
Il faut dire que la table du château est très réputée !
Tenez : voici le menu servi le 3 mai 1905 (affiché dans les cuisines) :
- timbale de macaronis à l’indienne ;
- brochet à la Royale ;
- selle de pré-salé avec petits-pois à l’anglaise ;
- poulardes bressanes et sa sauce champignons ;
- jambon d’York à la gelée ;
- gelée d’oranges dans leurs écorces ;
- petits fondants et Chester cake… le tout arrosé de Château Yquem 1874 et de Haut-Brion 1877 !
Les jardins de Breteuil
Les premiers jardins voient le jour au tout début du 17e siècle.
Déjà, il y a un parc en pente vers la vallée de la Chevreuse, avec une vigne, deux potagers, une ferme, un jardin d’agrément.
Dès 1609, un jardinier du nom de Claude Bienfaict, de Palaiseau, est engagé pour l’entretien du domaine. Il est aussi concierge et domestique !
Mais c’est surtout de 1897 à 1903 que les célèbres paysagistes Henri et Achille Duchêne réalisent des jardins à la française, sur les plans de Le Nôtre.
Voient le jour le miroir d’eau et ses statues, la mosaïque de buis et les topiaires en boules, la vue panoramique sur la vallée.
- On a le jardin des princes, en l’honneur de la famille royale anglaise, aménagé sur les bases de l’ancien potager. Aujourd’hui, autour du bassin central prospèrent arbres fruitiers, roses et cerisiers du japon.
- Le labyrinthe date de 2000, mais il s’inspire de celui conçu au milieu du 18e siècle pour Claude-Stanislas de Breteuil, aujourd’hui malheureusement disparu.
Sources
- Collectif. Breteuil. Numéro spécial de Connaissance des Arts (n°169). 2001.
- Breteuil dans l’Histoire. Château de Breteuil, breteuil.fr.
- Les jardins du château de Breteuil. Château de Breteuil, breteuil.fr.