This website requires JavaScript.

Petite histoire de Marie-Antoinette à la Conciergerie

Quand : 1 août 1793 - 16 octobre 1793

La reine à la Conciergerie (19e s) | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0
Fortification Révolution Française Emprisonnement Conciergerie de Paris

Marie-Antoinette a été emprisonnée à la Conciergerie du 1er août au 16 octobre 1793. 76 jours de détention, avant sa mort sur la guillotine.

Du Temple à la Conciergerie

Le 1er août 1793, la prison parisienne du Temple est en ébullition, au milieu de la nuit noire. On a décidé du transfert d'une prisonnière, en particulier.

Une prisonnière particulière, dirons-nous plutôt : l'ex-reine de France Marie-Antoinette, 37 ans.

Veuve Capet depuis janvier 1793 et la mort de Louis XVI, emprisonnée au Temple depuis 10 mois, avec sa fille et sa belle-sœur.

Ultime drame de sa courte vie, on lui avait arraché son fils, le petit Louis XVII, un mois auparavant... elle ne devait jamais le revoir.

À une heure et quart du matin, Marie-Antoinette quittait la vieille et sinistre prison du Temple, en plein Paris, pour celle de la Conciergerie, en bord de Seine, escortée par 20 gendarmes.

Marie-Antoinette au Temple (anonyme, 1815)

Marie-Antoinette au Temple (anonyme, 1815) | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

La prison de la Conciergerie

La Conciergerie ! Gros monstre de pierres tapi en bord de Seine, résidence et lieu de pouvoir des rois de France au Moyen Age.

Transformée en prison à la fin du 14e siècle, elle a tenu en son sein nombre de prisonniers célèbres de l'Histoire de France : les régicides Ravaillac, Gabriel de Montgomery et Damiens, le brigand Cartouche, la marquise de Brinvilliers…

Pendant la Révolution française, la Conciergerie devient le lieu où passent les « suspects », les ennemis supposés de la toute jeune République.

Arrêtés par le Tribunal révolutionnaire installé début 1793 dans l'ancien palais de la Cité voisin, ils y sont jugés et y attendent la mort.

Parmi eux, les députés Girondins, mais aussi Danton, Robespierre, Charlotte Corday...

La plus tristement célèbre reste à tout jamais Marie-Antoinette d'Autriche.

Même si la Conciergerie a bien changé, depuis son incarcération… une chapelle commémorative a été aménagée et inaugurée en 1816 par Louis XVIII, à l'emplacement de sa cellule.

La Conciergerie

La Conciergerie | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

L’arrivée de la reine à la Conciergerie

Marie-Antoinette arrive à la Conciergerie au beau milieu d’une nuit étouffante d’été.

« Un lit de sangle, deux matelas, un traversin, une couverture légère et une cuvette de propreté », plus une table et deux chaises : voilà le maigre mobilier de la cellule humide qui accueille la reine !

Rosalie Lamorlière, nommée au service de l’Autrichienne, remarque « les gouttes de sueur qui coulaient sur le visage de la princesse. Elle s'essuya deux ou trois fois avec son mouchoir. Ses yeux contemplèrent avec étonnement l'horrible nudité de cette chambre. »

Le tout premier geste de la reine ? Se déshabiller, pour se coucher.

Rosalie s’avance pour l'aider... Marie-Antoinette la remercie sèchement, murmurant que depuis qu’elle n’a plus personne, elle se sert elle-même.

La Conciergerie

La Conciergerie | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

Rosalie Lamorlière, au service de Marie-Antoinette

Marie-Rosalie de Lamorlière. Une présence féminine réconfortante, pendant cette sombre incarcération !

Cette Picarde de 25 ans n'est autre que la dernière domestique de la reine, à la Conciergerie. Le couple Richard, alors responsable de la prison parisienne, l'embauche en 1792.

Elle a dû changer son prénom de Marie-Rosalie en Rosalie tout court, et supprimer le « de » de son nom de famille (qui n'est pas une particule noble, pourtant), raconte Ludovic Miserole qui lui a consacré une biographie.

Les premiers contacts avec la reine sont glaciaux. Puis s’adoucissent. Rosalie a l’image d’une bougie rassurante, dans la nuit noire.

Un exemple ? Les miroirs sont interdits, en prison. La reine en demande désespérément un... on lui refuse ! Mme Richard autorise finalement Rosalie à ce qu'elle prête son propre miroir à la reine.

« Je ne l'offris qu'en rougissant. Ce miroir acheté sur les quais ne m'avait coûté que 25 sous d'assignats. Je crois le voir encore : sa bordure était rouge et des manières de Chinois étaient peints sur les deux côtés. »

Marie-Antoinette l'accepte « comme une chose d'importance » : elle s'en servira jusqu'au dernier jour !

Rosalie écrira plus tard :

« Elle remarquait ces petites attentions de ma fidélité respectueuse, et son regard plein d'affabilité me remerciait comme si j'avais fait autre chose que mon devoir. »
La Conciergerie

La Conciergerie | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

Les différentes cellules de la reine

Marie-Antoinette a connu deux cachots, à la Conciergerie. Le premier, dans une pièce voisine de la chapelle actuelle.

Ensuite, on la transfère dans la pharmacie, transformée à l'occasion en cellule, où l’on fait en sorte qu’aucune communication, aucun contact ne soient possibles.

La reine est ainsi tenue au secret, isolée des autres détenus.

Deux gendarmes sont chargés de ne jamais la quitter des yeux, jour et nuit. Un paravent divise la cellule, avec un côté pour la reine, l'autre pour ses gardes.

Ancienne cellule de la reine

Ancienne cellule de la reine convertie en chapelle | ©Gilles Messian / Flickr / CC-BY

Privée de tout !

Rosalie Lamorlière raconte que « la reine éprouvait une grande privation. » On lui a, par exemple, interdit tout ouvrage manuel, qui lui aurait permis de passer le temps. Elle qui adorait broder, on lui refuse aiguilles et fil !

« Je m'aperçus qu'elle arrachait de temps en temps les gros fils d'une toile à tenture de papier, clouée sur des châssis le long des murailles ; et avec ces fils, que sa main polissait, elle faisait du lacet très uni, pour lequel son genou lui tenait lieu de coussin, et quelques épingles, d'aiguilles. »

De toutes manières, la reine n’aurait pas pu faire grand-chose, ne disposant d’aucune source de lumière. Mais là encore, la fidèle Rosalie veille...

Ainsi, pour que Marie-Antoinette profite d’un peu de la lumière de sa lanterne, on la voit qui prolonge exprès le ménage de la cellule de la reine, le soir !

Ancienne cellule de la reine : détail

Ancienne cellule de la reine : détail | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

Les repas de la reine

On sert les repas de la reine avec des couverts d'étain, tenus propres par Rosalie. Celle-ci raconte :

« Sa Majesté mangeait avec assez d'appétit ; elle coupait sa volaille en deux, c'est-à-dire pour lui servir deux jours. Elle découvrait les os avec une facilité et un soin incroyables. Elle ne laissait guère de légumes, qui lui faisaient un second plat. »

Marie-Antoinette se lève à 6 heures. Elle prend son premier repas : café ou chocolat, accompagné d’un petit pain.

Le soir, elle mange une soupe, un « plat de bouilli », un plat de légumes, une volaille et un dessert. La viande, du canard, reste son plat préféré, remplacée quelques fois par un pâté.

Elle ne boit que de l’eau, tirée d’une source de Ville-d’Avray, près de Paris.

La Conciergerie : détail d'un couloir

La Conciergerie : détail d'un couloir | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

La santé défaillante de Marie-Antoinette

Vous vous souvenez qu’à l’arrivée de la reine, en août 1793, la chaleur est épouvantable. Mais les premiers jours d'octobre amènent un froid et une humidité terribles ! Là encore, Rosalie veille.

« Le soir, je ne manquais pas de prendre sa camisole de nuit sous son traversin. Je montais vite chez nous pour bien la réchauffer, et puis, toute brûlante, je la replaçais sous le traversin de la Reine, ainsi que son grand fichu de nuit. »

L’humidité colle des rhumatismes, une bronchite à Marie-Antoinette. Mais le pire, ce sont ces saignements qui ne vont plus la quitter.

« Le chagrin, le mauvais air, le défaut d'exercice altérèrent la santé de la Reine. Elle éprouva de grandes hémorragies. Je m'en étais aperçue ; elle me demanda secrètement des linges, et aussitôt je coupai mes chemises et je mis ces linges sous son traversin. »

Il est probable que la pauvre Marie-Antoinette ait souffert d’un cancer de l’utérus, d’un fibrome ou d’une endométriose. D’où les saignements importants.

On imagine l’anémie dont elle souffrait probablement... L’unique remède qu'on lui administre ?

De « l’eau de poulet », sorte de décoction à la mode, censée soigner toutes sortes de maux, obtenue après la cuisson d’un poulet dans de l’eau.

La Conciergerie : détail d'un couloir

La Conciergerie : détail d'un couloir | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

Un complot avorté, une évasion ratée !

À la fin du mois d'août 1793, Jean-Baptiste Michonis, inspecteur des prisons, introduit un homme dans la cellule de la reine. Il s’agit du chevalier de Rougeville !

Il arbore deux œillets, au revers de sa veste, qu’il fait exprès de faire tomber, en saluant la reine... les fleurs dissimulent en réalité un message !

Qui dit que Rougeville se tient prêt, avec des hommes et de l'argent... prêt à faire évader Marie-Antoinette vers l'Allemagne !

Pour cela, il va falloir « acheter » le silence des gardiens. Quand tout a été réglé, la reine est à deux doigts, de sortir de sa cellule, dans la nuit du 2 septembre 1793...

Mais le gendarme Gilbert, un des complices, pris de peur au tout dernier moment, arrête la reine et la renvoie dans son cachot.

La reine sortant de la Conciergerie (G. Cain, 1885)

La reine sortant de la Conciergerie (G. Cain, 1885) | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

La fin d'une reine de France

Le procès de la reine s'ouvre le 14 octobre 1793. Le verdict tombe deux jours plus tard, à 4 heures du matin : c'est la mort qui l'attend ! On l'a prévue pour midi, place de la Révolution (actuelle place de la Concorde).

Nous y voilà. Marie-Antoinette d’Autriche, dernière reine de France de l’Ancien Régime, allait être guillotinée, à 37 ans.

Quel a été son dernier geste, dans sa cellule, juste avant de quitter la Conciergerie ? Changer sa longue chemise toute tâchée de sang, avec, encore une fois, la complicité de la jeune Rosalie Lamorlière.

Le couple Richard, responsable de la prison de la Conciergerie, devait embaucher cette dernière jusqu'en 1799.

Sources

  • G. Lenotre. La captivité et la mort de Marie-Antoinette. 1924.
  • G. Lenotre. Paris révolutionnaire. 1908.
  • Augustin Cabanès. Les derniers jours d’une reine de France (extrait du Cabinet secret de l’Histoire). 1920.
  • Joseph Durieux. Près de la reine Marie-Antoinette. 1933.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !