Véritable bastion de la foi protestante, Nérac voit Jeanne d'Albret, reine de Navarre et mère du futur Henri IV, se convertir au protestantisme…
Nérac et les d'Albret
Fief de la grande famille d'Albret, saviez-vous que Nérac fut la résidence favorite d'Henri IV, roi de Navarre ?
Et aussi la cour de la fine Marguerite de Navarre et de Margot, la belle d'Henri IV...
Les d'Albret possèdent les terres de Nérac depuis le 13e siècle.
Le sire Alain le Grand s'attelle à la transformation du château au 14e siècle.
Il fait ajouter une galerie au gros quadrilatère gardé par un pont-levis, cette fameuse loggia qui rend Nérac reconnaissable entre mille !
Deux générations de femmes
Le château de Nérac est un haut lieu de la réforme protestante en France : fief de la reine de Navarre Marguerite d’Angoulême, sœur aînée de François Ier, elle y tient une cour brillante d’humanistes et de théologiens protestants.
Si elle ne s’est jamais convertie, sa fille Jeanne d’Albret, qui s’installe à Nérac à sa suite, saute le pas en 1560, faisant du Béarn une haute terre du protestantisme, un « petit Genève ».
En 1579 est même signé le traité de Nérac, pour mettre fin aux guerres de Religion.
Qui est Jeanne d’Albret ?
« Elle n’eut de femme que le sexe », écrit d’elle Agrippa d’Aubigné !
Régente de Navarre
La fille unique de Marguerite d’Angoulême !
- Par sa mère, elle est une Valois, nièce du roi François Ier.
- Par son père Henri d’Albret, elle est reine de Navarre, landaise d’origine.
La Navarre, c'est ce petit royaume des Pyrénées constitué au 9e siècle, entre France et Espagne.
Les Espagnols occupent la capitale, Pampelune et toute la partie sud du pays, les d'Albret occupent le Nord, c'est-à-dire... pas grand-chose !
Particularité : la couronne peut se transmettre par les femmes...
Un caractère bien trempé !
À 12 ans, Jeanne est mariée en 1541 à Guillaume de Clèves. Mariage organisé par le roi de France François Ier, son oncle !
Jeanne ne se démonte pourtant pas devant son oncle.
Elle refuse le mariage, dit qu'elle se jettera dans un puits, qu'elle préfère le couvent.
Lui s’agace, tonne « J'en jure Dieu que je ferai couper des têtes ! »
Elle tiendra tête, jusqu’au bout, allant, dit la tradition, jusqu'à mettre des poids à sa robe pour ralentir sa marche vers l’autel !
Agacé, le roi François Ier demande au connétable de Montmorency de la porter jusqu’à l’autel !
Refusant ensuite la consommation et accumulant les preuves que ce mariage a été forcé. Elle obtiendra du pape son annulation en 1545.
Son mariage avec un Bourbon
Jeanne épouse Antoine de Bourbon, prince de sang descendant du roi saint Louis, en 1548 à Moulins.
Antoine de Bourbon n’a pas arrêté de louvoyer entre catholicisme et protestantisme, avant de finalement rejoindre le camp catholique, en 1561.
Il tente de faire fléchir Jeanne, qui en 1560, a abjuré. En vain !
Il tente même de la faire répudier sous prétexte d’hérésie, tout en essayant… de conserver sa couronne de roi de Navarre. Loupé !
Jeanne d'Albret et le protestantisme
Jeanne saute le pas !
On ne peut pas parler des d’Albret sans évoquer la Réforme et les troubles des guerres de Religion.
Officiellement, Jeanne abjure en 1560, mais elle baigne dedans depuis son enfance : sa mère la grande Marguerite d’Angoulême, qui n'a jamais abjuré, est favorable aux idées nouvelles.
C’est donc en 1560 que Jeanne y passe. Jusque-là, elle s’était montrée réservée.
Elle se convertit à Nérac en août 1560, lors du passage au château de Théodore de Bèze.
Ça y est. Là où sa mère Marguerite n’avait pas sauté le pas, elle l’a fait. Secrètement convertie en 1556, la rupture officielle intervient à la Noël 1560.
L'ordonnance de Nérac
La première ordonnance autorisant le protestantisme dans ses états béarnais, c’est « l'édit de règlement » ou ordonnance de Nérac, le 19 juillet 1561.
Il dit que les églises seraient communes aux catholiques et aux protestants, les prêtres devant céder la place moitié de la journée au pasteur, pour prêcher.
Dès 1563, le protestantisme devient religion d’État en Béarn.
En 1566, les catholiques sont inquiétés, les processions interdites, les pasteurs autorisés à pêcher partout.
Deux ans plus tard, le catholicisme était proscrit en Béarn...
Jeanne au front à La Rochelle
Lors des 3e guerres de religion, Jeanne prend part en rejoignant Coligny et Condé, son beau-frère, à La Rochelle.
Elle y reste 3 ans ; elle galvanise les troupes, parle avec la reine Elizabeth, gage ses bijoux à Londres pour acheter des munitions et des vivres pour l'armée protestante.
À l'issue du combat, c'est elle qui initie le dialogue avec Catherine de Médicis, pour aboutir à l'édit de Saint-Germain-en-Laye...
La fin pour Jeanne d'Albret
Jeanne meurt deux mois avant le massacre de la Saint-Barthélémy en août 1572. Elle avait 44 ans.
Elle était venue à Paris pour marier son fils Henri à la fille de Catherine de Médicis, Margot.
À une condition, lui avait-on dit : Margot ne se convertira pas…
En Béarn, la foi catholique reprendra de la vigueur avec la conversion d’Henri IV.
Sources
- Bernard Berdou d'Aas. Jeanne III d'Albret. Atlantica, 2002.
- Éric Suire. Compte-rendu Le Béarn au temps des Réformes : les chemins de la tolérance en Béarn (XVIe-XVIIe siècles). Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale (tome 112, n°232), 2000.
- Philippe Chareyre. « Le petit Genève de Pau » ou l’Église réformée de Béarn au temps de Marguerite de Navarre. Albineana, Cahiers d'Aubigné, 2012.