La marquise de Sévigné, sous le mistral de Grignan

De 1672 à 1696

Mme de Sévigné (R. Nanteuil, 1675)Mme de Sévigné (R. Nanteuil, 1675) | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

Une mère rejoint sa fille

Par quelles petites histoires de l'Histoire la marquise de Sévigné est-elle arrivée dans l'histoire du château de Grignan ?

Lorsque sa fille adorée, Françoise, épouse François de Monteil, comte de Grignan.

Un homme « fort bien laid » dit Saint-Simon... mais l’un des plus honnêtes du royaume », écrit la marquise ! Il a fait carrière dans les armées de Louis XIV, il est deux fois veuf, mais Mme de Sévigné le trouve à son goût. Parfait pour sa fille !

Celle-ci l'épouse en 1669, et la même année, il devient lieutenant général de Provence. Ce qui fait qu'il est toujours sur les routes...

Alors, les premières années de son mariage, Françoise reste avec sa mère à Paris. La mère poule qu'est la marquise est trop contente ! Elle pensait que leurs jours s'écouleraient « comme les eaux de deux sources réunies pour traverser une riante vallée »...

Mais Françoise part rejoindre son mari à Grignan, en février 1671. Le château de la famille Adhémar, seigneurs des lieux depuis le Moyen Âge.

Mme de Sévigné part la voir un an plus tard : elle découvre Grignan pour la première fois. Elle reviendra 2 fois (un Paris-Grignan met 3 semaines en carrosse), entre 1690 et 1694.

Françoise de Grignan (P. Mignard, 1669)Françoise de Grignan (P. Mignard, 1669) | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

L'arrivée de la marquise à Grignan

Quand la marquise de Sévigné arrive pour la première fois au château de Grignan, le 29 juillet 1672, après 3 semaines de route depuis Paris, elle découvre un beau palais, avec sa façade Renaissance.

À cette époque, la façade dite des Prélats n'existe pas encore ! Patience… elle ne sera commencée par le célèbre architecte Mansart qu'en 1688 !

Elle porte ce nom, car des membres de la famille de François Adhémar sont évêques.

Dans sa majeure partie, le château de Grignan est d’architecture Renaissance, construite par une puissante famille locale, proche du roi François Ier au 16e siècle : les Adhémar de Monteil...

Château de Grignan : aile des PrélatsChâteau de Grignan : aile des Prélats | ©MOSSOT / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Le mistral qui souffle

Aaah, que l'on est bien, à Grignan ! Ce n'est pas Madame de Sévigné qui vous dira le contraire, elle qui écrit à sa fille :

« Vous êtes une si bonne compagnie à Grignan, vous avez une si bonne chère, une si bonne musique, un si bon cabinet que, dans cette belle saison, ce n’est pas une solitude, c’est une république fort agréable. »

Mais quelle est la pire chose pour la marquise, au château ? Ce maudit mistral ! Qui souffle par paquets glacials, jusque dans sa chambre...

« Nous avons cent fois plus froid ici qu'à Paris ; nous sommes exposés à tous les vents ; c'est le vent du midi, c'est la bise, c'est le diable, c'est à qui nous insultera ; ils se battent entre eux pour avoir l'honneur de nous renfermer dans nos chambres ; toutes nos rivières sont prises ; le Rhône si furieux, n'y résiste pas ; nos écritoires sont gelées ; nos plumes ne sont plus conduites par nos doigts, qui sont transis. »

Château de Grignan : la terrasseChâteau de Grignan : la terrasse | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

Une vie... de château !

On dispose de peu de documents, concernant l'ameublement du château de Grignan, à l'époque de la marquise.

En novembre 1690, Madame de Sévigné écrit à son cousin, le célèbre Bussy-Rabutin :

« Cette maison est d'une grandeur, d'une beauté et d'une magnificence de meubles dont je vous entretiendrai quelques jours. »

C’est vrai, le train de vie est quasi royal ! Chaque jour sont dressées 3 tables de 12 couverts, desservies par 50 domestiques.

En juillet 1694, elle écrit à une amie :

« Je crois vous avoir dit l'aimable vie que j'y fais ; un beau château, un bel air, de belles terrasses, une trop bonne chère ; cette vie est trop douce, et les jours s'écoulent trop tôt. »

Son cousin Bussy-Rabutin lui répond un jour en août 1691 :

« La peinture que vous me faites de la vie que vous menez en Provence me donne une grande envie d'être avec vous autres » !

Château de Grignan : escalier d'honneurChâteau de Grignan : escalier d'honneur | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

Marjolaine et melons

En septembre 1694, la marquise de Sévigné évoque « la cruelle et continuelle chère que l'on y fait » :

« Ah ! Quel fumet ! Sentez un peu. Ces perdreaux sont tous nourris de thym, de marjolaine et de tout ce qui fait le parfum de nos sachets ; il n’y a point à choisir. J’en dis autant de nos cailles grasses, dont il faut que la cuisse se sépare du corps à la première semonce, et des tourterelles, toutes parfaites aussi. Pour les melons, les figues et les muscats, c’est une chose étrange : si nous voulions, par quelque bizarre fantaisie, trouver un mauvais melon, nous serions obligés de le faire venir de Paris ; il ne s’en trouve point ici. »

Château de Grignan : chambre de MadameChâteau de Grignan : chambre de Madame | ©Patrick - Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

La mort de la marquise

Madame de Sévigné meurt en 1696 au château de Grignan, parmi les siens, à l'âge de 70 ans.

Elle est inhumée dans la collégiale voisine du château, où une plaque de marbre signale sa tombe.

La fin d'une famille

Trop de luxe, de fastes... François de Monteil, le gendre de la marquise, dépense trop, pour son château de Grignan et le train de vie de luxe qu’il mène !

« Mais où a-t-il tant pris d'argent ? C'est de la magie noire », soupire Mme de Sévigné à sa fille.

Magie noire ou pas, la propre fille de Françoise de Grignan, petite-fille de la marquise de Sévigné, Pauline de Simiane, se voit contrainte de vendre le château en 1732…

Sources

  • André Mévil. Madame de Sévigné à Grignan. In La Revue critique des idées et des livres. Mars 1914.
  • André Lacroix. L'arrondissement de Montélimar : géographie, histoire et statistique (tome 3). 1873.
  • Encyclopédie Châteaux Passion. Éditions Atlas, 2001.