Un hôpital et son pont
Anciennement hôpital Notre-Dame-de-la-Pitié, notre Hôtel-Dieu lyonnais date probablement du 12e siècle.
Son histoire se rattache à celle du pont de la Guillotière voisin, car ceux qui l'ont fait construire, les frères pontifes, ont en même temps fondé un petit hôpital, tout près.
Pontifes, qui signifient tout simplement... moines bâtisseurs de ponts !
Des moines qui ont la tâche de faciliter le passage des gens sur l'eau, en établissant des ponts, donc, mais aussi de leur porter secours, en cas de difficultés.
Le petit hospice devient ensuite « hôpital général de Notre-Dame du pont du Rhône et grand hôtel-Dieu ».
Ultrogothe et Childebert, les fondateurs
C’est l’archevêque de Lyon saint Sacerdos, en 542, qui obtient la fondation d’un hôpital pour les pauvres, les pèlerins, les infirmes et les orphelins.
Grâce à ?... Childebert Ier, fils de Clovis, et de son épouse, la reine Ultrogothe !
Un établissement dès lors connu sous le nom de « Grand Hôtel-Dieu de Notre-Dame-de-Pitié du pont du Rhône. »
Voilà pourquoi on trouve les statues de ces deux fondateurs sur la façade du monument côté quai, dues au sculpteur Pierre-Marie Charles !
Dommage : les statues originales ont été mises à terre par le peuple, en 1793...
La salle des Quatre Rangs et son ventilateur
La salle actuelle s’appelle salle des Quatre Rangs : en fait, ce sont deux grandes salles disposées en forme de croix.
Au point de leur réunion, on trouve le dôme.
Il servait autrefois de « grand ventilateur », purifiant l’air respiré par près de 200 malades, en majorité des « femmes fiévreuses » !
La chapelle de Mimerel
Elle a été construite entre 1637 et 1655 par le sculpteur lyonnais Jacques Mimerel.
On doit aussi à ce dernier, dans cette même chapelle, la jolie statue en marbre de la Vierge à l’Enfant ou Notre-Dame-de-Paix.
Celle-ci ornait autrefois une petite chapelle construite sur l’ancien pont du Change, actuel pont du Maréchal-Juin !
Rabelais et les filles repenties
Au Moyen Age, des flopées de prostituées renoncent brusquement à leur vie dissolue !
Et pour éviter qu’elles ne retombent dans leurs travers, on les embauche à l'hôtel-Dieu, sous le nom de « filles repenties ».
Un acte de 1639 mentionne d’ailleurs :
« Toutes les filles de joie et autres ribaudes, qui auraient fait leurs couches à l’hôtel-Dieu ou y auraient été traitées du mal vénérien, seraient reçues à la Charité, pour éviter qu’elles ne récidivent et n’offensent Dieu »
(La Forme de la direction et économie du grand Hostel-Dieu, 1720).
En 1523, le personnel de l’hôpital comprend donc 16 filles repenties, un prêtre, un barbier, quelques domestiques, un jardinier, et près de 90 malades.
Ensuite vient un apothicaire et un « médecin-chef », dont François Rabelais qui officia de 1532 à 1534 !
Les larmes de l'architecte Soufflot
Au milieu du 18e siècle, problème ! Les bâtiments sont devenus trop petits, il faut agrandir l’hôpital.
L'architecte Jacques-Germain Soufflot s'occupe d’en dessiner les plans. Les travaux commencent en 1737.
Mais Soufflot doit quitter Lyon en février 1755... le roi l'a choisi pour la construction de la nouvelle église Sainte-Geneviève, à Paris (futur Panthéon).
Soufflot confie les travaux à Toussaint Loyer... qui, le vilain, modifie les plans initiaux !
Le dôme sera beaucoup moins imposant et nettement moins décoré que prévu, du coup…
Soufflot, sa vie, son œuvre (Jean Monval, 1918) dit :
« Le dernier étage surmontant la corniche sera modifié par Loyer ; il supprimera une base de deux mètres de hauteur entre l’attique et la naissance du dôme, et la remplacera par un socle sans moulures. Le dôme prévu par Soufflot donnait à la façade une impression plus élancée, il comportait d’élégantes lucarnes et un lanternon pyramidal ; on se bornera à le couronner d’un groupe de trois énormes chérubins portant le globe de la croix. »
La légende dit que Soufflot, en apprenant la nouvelle, a pleuré de déception !
En attendant, lorsque vient la Révolution, on n'a pas terminé les travaux. C’est l'architecte Christot qui élève la façade actuelle en 1839.
L'hôtel-Dieu canardé en 1793
En 1793, l'édifice et son grand dôme sont gravement endommagés par des tirs de boulets de canon, pendant le siège de la ville par les armées de la Convention.
Obus et boulets rouges sont dirigés sur l’Hôtel-Dieu, qui y mettent le feu « 47 fois en une seule nuit » !
Ces projectiles l’auraient entièrement détruit, sans le secours des habitants venus pour éteindre le brasier, malgré la pluie de munitions qui sifflent sur leur tête.
Une nuit, explique Histoire de la ville de Lyon depuis son origine (Monfalcon, 1847), un projectile traverse le toit et explose le plancher d’une salle « qu’habitaient trente malades ; mais les poutres s’entre-croisèrent dans leur chute, et formèrent ainsi un toit nouveau. »
Pire, en voulant signaler à l’ennemi que l’Hôtel-Dieu abrite malades et blessés, on installe un grand drapeau noir au balcon du grand dôme.
Il faut bientôt l’enlever : les canonniers républicains l’ont pris pour un emblème de rébellion, et le canardent !
Le crocodile de La Guillotière
Sous la coupole du grand dôme se balançait autrefois le célèbre crocodile retrouvé dans les eaux du Rhône, en 1745, près du pont de la Guillotière !
Quelques médecins célèbres
On a vu défiler à l’Hôtel-Dieu quelques grands médecins, notamment :
Claude Pouteau, fractures et lavage des mains
Pouteau commence comme garçon-chirurgien en 1744 à l’Hôtel-Dieu, avant de devenir chirurgien-major, 3 ans plus tard.
On lui doit l’étude des fractures des membres (il laisse son nom à une fracture du poignet), s’intéresse à la ligature des artères.
Il est un des premiers en Europe à remarquer que le lavage des mains diminue la mort par infection des femmes après l’accouchement.
Étienne Destot et les rayons X
Étienne Destot réalise à l’Hôtel-Dieu la toute première radiographie du pied d’un patient, en 1896.
Il mettait en application la découverte de Wilhelm Röntgen, ce physicien allemand qui découvre les rayons X en 1895 (et qui lui vaut le premier prix Nobel de physique en 1901).
Léopold Ollier, un pionnier
Léopold Ollier devient chirurgien-major à l’Hôtel-Dieu de Lyon en 1860, où il exerce jusqu’en 1900.
Il est le pionnier de la chirurgie orthopédique moderne.
Mathieu Jaboulay : une première
Mathieu Jaboulay, dernier des chirurgiens-majors de l’Hôtel-Dieu, pratique la première greffe d'un organe chez un homme, le 24 janvier 1906, ici, à l’hôpital de Lyon.
Il s’agit... du rein d’un cochon. Et la greffe ne prend pas...
Sources
- Jacques-Pierre Pointe. Histoire topographique et médicale du Grand Hôtel-Dieu de Lyon. 1842.
- Claude Pouteau, Un pionnier de la chirurgie lyonnaise. Le Progrès, leprogres.fr. 31/08/2014.
- Alain Bouchet. Les Hospices civils de Lyon, histoire de leurs hôpitaux. Ed. Lyonnaises d'Art et d'Histoire, 2002.