Les dernières larmes de Jeanne d'Arc : vous saurez tout sur son exécution à Rouen
La croix sur l’actuelle place du Vieux-Marché marque l’emplacement du bûcher de Jeanne d’Arc.
La capture de Jeanne
Capturée près de Compiègne le 23 mai 1430, alors qu'elle attaquait un camp de Bourguignons, on la livre aux Anglais.
Commence un périple qui l’emmène d'Arras au Crotoy, de Saint-Valéry à Dieppe... et enfin, Rouen, repaire ennemi par excellence.
Rouen... Voilà ces affreux Anglais qui ont mis la main sur elle et qui l'emmènent dans leur antre !
Le procès
Après un procès qui s’est tenu à Rouen dans l’ancien château, Jeanne est condamnée à mort, à l’unanimité, comme idolâtre, apostate, hérétique.
Brûlée, comme les sorcières de l’époque.
Une sentence qui lui est lue par tous les membres du tribunal qui l’ont jugée, dont Pierre Cauchon, l’évêque de Lisieux bien célèbre.
Sur le chemin de l'échafaud
Ce 30 mai 1431, l’heure approche. Jeanne, cheveux rasés, est menée à un chariot attelé de quatre chevaux, qui va la conduire au bucher.
À ses côtés, frère Martin l’Advenu, frère Isambert et Jean Massieu, l’huissier du procès.
C’est là qu’un homme, un certain Loiseleur, s’approche en perçant la foule et monte sur le chariot. Il prie Jeanne de lui pardonner ses erreurs !
Mais… qui est-il ?! Il s’était fait passer pour un Lorrain prisonnier lui aussi des Anglais, envoyé par Cauchon dans sa cellule, pour la questionner et vérifier sa sincérité !
« Et de ce furent moult indignés les Anglais, si bien que si ce n’eut été le comte de Warwick (gouverneur de la prison du château de Rouen), ledit Loiseleur eut été tué. »
Warwick conseille à Loiseleur de quitter Rouen sur le champ, s’il tient à la vie...
Les hommes d'armes gardent la place
Vers 9 heures, Jeanne est amenée sur le lieu de son supplice, sur l'actuelle place du Vieux-Marché.
Le greffier Guillaume Manchon témoigne que « 800 hommes de guerre autour d’elle, portant glaives et bâtons », barrent les ruelles qui conduisent à la place où se dresse le bûcher.
D’autres témoins parlent de 10 000 hommes d’armes anglais.
Ce qui est certain, c’est que la foule n’a aucun moyen d’assister à l’exécution, en fait !
On compte trois échafauds, deux estrades, pour notamment :
- les juges ;
- les prédicateurs ;
- le juge « laïc », le bailli de Rouen, intermédiaire entre le bourreau et les gens d’Église, dit Henri Martin dans Jeanne d’Arc (1882).
Sans oublier une pour la chaire épiscopale et royale, avec le trône du cardinal anglais.
Jeanne d'Arc à genoux
Maître Nicolas Midi prononce la sentence de mort.
Il lui dit :
« Jeanne, va en paix, l’Église ne peut plus te défendre ; elle te remet au bras séculier. »
Elle « poussa des soupirs à fendre des cœurs. »
Puis elle s’agenouille « et fit à Dieu les plus dévotes oraisons ».
« Elle fit de très belles prières pour recommander son âme à Dieu et à tous les saints qu’elle invoquait », rapporte le greffier Manchon.
Elle a une pensée « pour le roi de France et tous les princes du même royaume. »
Puis « elle supplia tous les prêtres présents sur la place du Vieux-Marché » même anglais, de bien vouloir « lui donner chacun une messe. »
Des pleurs dans la foule !
Jeanne gémit, témoigne Pierre Daron, procureur de la ville :
« Ah, Rouen ! Rouen ! Mourrai-je ici ? »
Le spectacle de la jeune femme s’exprimant ainsi est terrible !
Des témoins, comme Jean Fave, maître des requêtes du roi, confient que beaucoup de gens soupirent « que c’était grande pitié. »
On entend des sanglots dans la foule. Le greffier du tribunal Manchon lui-même doit se retirer, troublé :
« Jamais ne pleura tant pour chose qui lui advint, et par un mois après, ne s’en pouvait bonnement apaiser. »
L'évêque Cauchon, lui aussi, pleure !
Encore une fois, des témoins rapportent :
« Les juges assistants et même plusieurs Anglais furent provoqués à grandes larmes et pleurs, et de fait très amèrement en pleurèrent ; et plusieurs de ces mêmes Anglais reconnurent et confessèrent le nom de Dieu, voyant si notable fin. »
Jeanne... vivante ?
Une mitre couvre quasiment tout le visage de Jeanne : elle a la face « embronchée », comme on dit en vieux français.
On y a inscrit les fautes qui l’ont conduite au bûcher.
De quoi faire dire à certains que l’on a envoyé à la mort une autre femme, qui s'est substituée à Jeanne au dernier moment…
Une Jeanne qui ne serait donc pas morte à Rouen, puisqu’on la retrouve au château de Jaulny, en Lorraine !
Enfin, ça, c’est ce que la petite histoire raconte…
L’impressionnant bûcher
L’échafaud, en plâtre, est entouré, noyé, surchargé par le bois.
Ce que l’on remarque immédiatement, c’est qu’il a été construit à une hauteur peu commune. « Effrayante », même, écrit l'historien Michelet !
Avec une idée, derrière : le bourreau l’allumait par le bas.
Et à cette hauteur inatteignable, il ne pouvait pas abréger le supplice, comme cela lui arrivait, en étranglant le condamné, pour lui éviter la brûlure vive.
Michelet ajoute :
« Ici, il ne s’agissait pas de frauder la justice, de donner au feu un corps mort ; on voulait qu’elle fut bien réellement brûlée vive, que placée au sommet de cette montagne de bois, et dominant le cercle des lances et des épées, elle pût être observée de toute la place. »
Le frère Martin Ladvenu témoigne de ce qu’a ressenti le bourreau :
« Il disait que jamais n’avait tant craint à faire l’exécution d’aucun criminel, comme il avait eu la combustion de la Pucelle, pour plusieurs causes : pour le grand bruit et renom d’icelle ; pour la cruelle manière de la lier et afficher, car les Anglais firent faire un haut escherfault de plâtre, et ainsi il ne le pouvait bonnement ni facilement expédier ni atteindre à elle, de quoi il était fort marri, et avait grand compassion de la forme et cruelle manière par laquelle on la faisait mourir. »
On ne va pas coucher là !
Juste avant d’être attachée au bûcher, Jeanne demande à avoir une croix.
« Un Anglais qui était là présent, en fit une petite de bois au bout d’un bâton », qu’il lui tend.
Elle l’embrasse, la prend et « mit icelle croix en son sein, entre sa chair et ses vêtements. »
Elle obtient aussi qu’on lui apporte la croix de l’église Saint-Sauveur (photo ci-dessous), et qu’on la tienne droite devant elle, « afin que continuellement elle la puit voir jusques à la mort. »
Les soldats anglais, pendant ce temps, s’impatientent...
« Comment, nous ferez-vous ici dîner ? », crient-ils à l’huissier Jean Massieu.
Ses derniers moments
Soudain, les soldats anglais « se saisirent d’elle et la menèrent au supplice à grande furie. »
Geoffroy Thérage, le bourreau, attache Jeanne au poteau qui surmonte le bûcher.
Puis, elle demande au frère Isambard de la Pierre de « tenir la croix élevée tout droit devant ses yeux jusqu’au pas de la mort, afin que la croix où Dieu pendit fut, tant qu’elle vivrait, continuellement devant sa vue. »
Alors, « Jeanne aperçut la flamme » qui monte vers elle.
Horrible détail... un chroniqueur allié des Anglais rapporte que ceux-ci voulaient que sa robe brûle en premier, « pour ôter les doutes du peuple » :
« Que le feu étant éloigné, chacun vint la voir et tous les secrets qui peuvent ou doivent être en une femme ».
Sur quoi « le bourreau remit le grand feu sur sa pauvre charogne »...
Maugier Leparmentier, un autre bourreau, témoigne :
« Une fois dans le feu, elle cria plus de six fois Jésus ! et surtout en son dernier souffle, elle cria d’une voix forte Jésus ! au point que tous les assistants purent l’entendre ; presque tous pleuraient de pitié. »
Quelques Anglais seulement trouvent le moyen de rire.
Miracles dans les flammes !
Un soldat anglais, qui la haïssait « merveilleusement », avait juré de placer un fagot dans les flammes, de sa propre main.
La chose faite, Jeanne pousse un cri, un râle, terrible, qui fige toute la place !
L’Anglais aperçoit alors « une blanche colombe qui s’envolait et fuyait à tire-d’aile du côté de la France. »
Aussi, « on vit le nom de Jésus s’inscrire au milieu des flammes. »
L’Anglais a un malaise... Ses collègues le portent à la taverne la plus proche, le font boire et retrouver ses esprits. Mais il reste choqué.
Un des secrétaires du roi d’Angleterre murmurait pendant ce temps :
« Nous sommes perdus, nous avons brûlé une sainte ! »
La peinture suivante, au Panthéon, illustre la scène de la colombe (La vie de Jeanne d'Arc, E. Lenepveu, 1890) :
Un cœur sanglant dans la braise !
Dans les cendres encore chaudes, Thérage le bourreau retrouve le cœur de Jeanne, entier, « intact et plein de sang » !
Le frère Isambert, qui avait assisté au supplice jusqu’au bout, rapporte :
« Après l’exécution, le bourreau vint à lui ; frappé et ému d’une merveilleuse repentance et terrible contrition, désespéré, craignant de ne savoir jamais impétrer pardon et indulgence envers Dieu de ce qu’il avait fait à cette sainte femme. Et ledit bourreau affirmait que, nonobstant l’huile, le soufre et le charbon qu’il avait appliqué contre les entrailles et le cœur de Jeanne, toutefois il n’avait pu aucunement rendre en cendre les breuilles (viscères), ni le cœur ; de quoi était autant étonné, comme d’un miracle tout évident. »
Après combustion, les cendres sont récoltées dans un sac.
Celles-ci sont jetées dans la Seine, sur ordre du cardinal de Winchester, depuis le pont Mathilde aujourd’hui disparu.
Il ne fallait pas que quiconque puisse garder une relique ou le moindre petit souvenir :
« Elle fut bien véritablement arse (brûlée), et toute la cendre de son corps fut pour vrai jetée en la rivière, pour les sorceries qui s’en fussent peu en suivis. »
La suite
En 1456, un procès de réhabilitation déclare l’innocence de Jeanne.
En 1909, elle était béatifiée, canonisée 11 ans plus tard, par l’Église catholique.
La Pucelle d’Orléans devenait sainte Jeanne d’Arc, l’autre patronne de la France, après la Vierge Marie...
Sources
- Jules Michelet. Jeanne d’Arc, 1873.
- R.P. Belon. Les auréoles de Jeanne d’Arc. In L’Université catholique (tome 19). 1895.