Jeanne d'Arc prisonnière du château de Rouen

Du 25 déc. 1430 au 30 mai 1431

Tour Jeanne-d'ArcTour Jeanne-d'Arc | ©Zairon / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Au tout début : la capture de Jeanne

Remontons un peu le temps... Nous voilà en pleine guerre de Cent Ans.

Jeanne a triomphé aux sièges d'Orléans et de Patay en 1429.

Elle a mené son dauphin, Charles VII, à son sacre à Reims.

Et la voilà, avec son armée, qui se met en tête de littéralement bouter les Anglais hors du pays...

Mais le 23 mai 1430, les Bourguignons (alliés des Anglais) la capturent, près de Compiègne.

Elle est livrée par le sire de Luxembourg à Bedford, régent du royaume pour Henry VI d'Angleterre, en échange de 10 000 francs.

  • En mai, juin, juillet, c'est la prison au château de Beaulieu-en-Vermandois ;
  • en août, septembre, octobre, novembre, incarcération au château de Beaurevoir ;
  • ensuite, étapes à Arras, Le Crotoy, St-Valéry, Dieppe ;
  • enfin, l'arrivée à Rouen, le 25 décembre 1430.

C’est dans le château de cette ville qu’elle va subir son procès. Et qu’on la retient prisonnière !

Château de RouenChâteau de Rouen | ©The British Library / Public domain

Jeanne d’Arc au château de Rouen

L'arrivée de Jeanne

On y est. Jeanne est prisonnière des Anglais. Seule. Abandonnée de tous.

Le 25 décembre 1430, elle est conduite au château de Rouen. Juché de tout son poids sur la colline de Bouvreuil, il paraît bien sinistre...

De cet ancien château, aujourd’hui, il ne reste plus de visible que la tour dite « Jeanne d’Arc ».

Mais bien qu’elle porte ce nom... celle-ci n’a pas été emprisonnée ici !

Elle l’a été dans la tour dite de la Pucelle, située au niveau de l’actuel 102 rue Jeanne-d’Arc : les soubassements sont encore visibles.

La « tour Jeanne d’Arc » a, en revanche, bien servi de cadre au procès de Jeanne.

Le donjon « vers les champs »

La tour Jeanne-d'Arc faisait donc partie du château de Rouen, construit par Philippe Auguste en 1204 : il s’agit de l'ancien donjon !

On trouvait autrefois, au cœur de son enceinte flanquée de sept grosses tours, une chapelle et un grand logis royal.

Le donjon était entouré d'un profond fossé, qui le séparait de la cour : il se compose d'un rez-de-chaussée et de 3 étages, mesurant près de 35 mètres de hauteur.

On enferme Jeanne dans ce donjon, dans « une chambre située sous un degré, vers les champs. »

Les conditions de détention Jeanne d’Arc à Rouen

La cage en fer

Dans la pièce « de médiocre grandeur » qui lui sert de geôle, il y a une cage en fer, que les Anglais ont commandé tout spécialement pour elle.

Le serrurier Castille dit :

« Elle était détenue debout et enchaînée par le cou, les mains et les pieds ; et qu’elle avait été dans le même état depuis le temps où elle avait été amenée à Rouen, jusqu’au commencement du procès instruit contre elle. »

Cependant, des témoins, comme l'huissier Massieu ou le sieur Cusquel, bourgeois de Rouen, ne la voient jamais dedans !

Une longue chaîne

Pas de cage, donc, mais de terribles conditions de détention. Jeanne est attachée par une longue chaîne à une poutre.

L'huissier Massieu note :

« Elle demeura en garde audit lieu entre les mains de cinq Anglais, dont trois demeuraient de nuit en la chambre, et deux dehors, à l’huis de la dite chambre. Et celui qui parle sait de certain, que de nuit elle était couchée, ferrée par les jambes de deux paires de fers à chaîne, et attachée étroitement d’une chaîne traversante par les pieds de son lit, tenante à une grosse pièce de bois de longueur de six pieds, et fermante à clef ; par quoi ne pouvait mouvoir de la place. »

« Les Anglais craignaient beaucoup qu'elle ne s'échappât »... Ils ne la laissent donc déambuler qu'accompagnée de trois gardes.

Les houspilleurs

Cinq hommes, des houspilleurs, sont chargés de la surveiller jour et nuit :

  • trois dans sa chambre, pendant la nuit ;
  • deux le jour, hors de la prison.

Ce ne sont que des ramassis de voleurs et d'escrocs de la pire espèce !

Ils la harcèlent, l'humilient, la réveillent la nuit pour l’insulter, lui font subir les pires choses.

L'huissier Massieu les qualifie

« d’hommes du plus misérable aspect, en français houcepailliers, qui la gardaient, et ils désiraient beaucoup la mort de Jeanne, et se moquaient d’elle fort souvent. »

Un autre greffier dit :

« Elle avait pour gardiens des Anglais dont elle se plaignit maintes fois, disant qu’ils la tourmentaient et la maltraitaient beaucoup. »

Une prison de femmes aurait été mieux !

Dès son arrivée le 25 décembre 1430, Anne de Bourgogne, l’épouse du régent du royaume de France Bedford, ordonne que Jeanne soit traitée comme une honnête femme. Elle défend qu’on la touche.

Elle lui fait faire une robe à Rouen, pour remplacer ses habits d’homme.

Hé oui ! Jeanne d’Arc aurait dû être emprisonnée dans les prisons de l’Église, car elle va subir un procès ecclésiastique.

Mais malgré ses nombreuses demandes, on la laisse dans une prison laïque, celle du château.

On lui refuse même une prison tenue par des femmes : oui, à Rouen, il y avait des prisons spéciales de la cour ecclésiastique de Rouen, pour femmes et tenues par des femmes !

Au lieu de ça, on la laisse à la merci des soudards anglais...

Indigestion de harengs !

Jeanne tombe gravement malade en prison.

Les Anglais ont peur qu’elle ne meurt... alors, ils envoient le médecin Jean Tiphaine.

Jeanne lui dit que l’évêque de Beauvais lui a envoyé une carpe qu’elle a mangée. Elle pense que son malaise vient de là.

Le grossier chanoine de Beauvais, Jean d’Estivet, promoteur de son procès, l’insulte. Il l’accuse de s’être elle-même rendue malade, en mangeant trop de harengs !

On la saigne, Jeanne se rétablit. Le comte de Warwick, capitaine du château de Rouen, interdit à d’Estivet de l’insulter à nouveau : il faut la ménager, pour qu’elle tienne jusqu’au bûcher !

En précisant que le roi anglais l’avait achetée suffisamment cher...

Loiseleur, le faux frère !

Un certain « maître Nicolas Loiseleur » (du côté des Anglais), envoyé par l'évêque Cauchon, se fait passer auprès de Jeanne pour un Lorrain lui aussi prisonnier :

« Et par ce moyen, trouva manière d’avoir actes, parlement et familiarités avec la Pucelle, en lui disant des nouvelles du pays, à lui plaisantes ; et demanda être son confesseur ; et ce qu’elle lui disait en secret, il trouvait manière de le faire venir à l’ouïe des notaires. »

En fait, ce Loiseleur est membre du tribunal, bachelier en théologie et chanoine de la cathédrale de Rouen.

Pratique, pour tirer des confidences pouvant compromettre Jeanne auprès des juges !

Conclusion

Jeanne d’Arc reste enfermée au château de Rouen entre le 25 décembre 1430 et le 30 mai 1431, jour de sa mort sur le bûcher, place du Vieux-Marché, à Rouen.

Sources

  • Victor Canet. Jeanne d’Arc. 1890.
  • Marcel Poullin. Histoire de Jeanne d’Arc. 1888.
  • François Bouquet. Jeanne d’Arc au château de Rouen. 1865.