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Le grand tour de France de Catherine de Médicis et Charles IX s'arrête à Septème

Quand : 13 mars 1564 - 1 mai 1566

Le château | Daniel CULSAN / CC-BY-SA
Château Guerres de Religion Catherine de Médicis Charles IX Château de Septème

En deux mots

Saviez-vous que Catherine de Médicis, accompagnée de son jeune fils Charles IX, passe une nuit ici, en juillet 1564 ?

Le château de Septème n'est qu'une étape, dans le grand tour de France entrepris par la reine, pour tenter de calmer la rage sanglante, fratricide, des guerres de Religion…

Pourquoi ce grand tour du royaume ?

Nous voilà alors dans une période de paix, après la fin de la première guerre de Religion.

La paix d’Amboise, signée en 1563, après un an de guerre entre catholiques et protestants, accordait à ces derniers la liberté de conscience, mais un exercice du culte limité.

Respecter un édit

C’est notamment pour faire respecter cet édit d'Amboise, que Catherine de Médicis décide d'entreprendre avec la famille royale (son fils Charles IX en tête), un grand tour du royaume de France.

Mais pas que !

Raffermir l'autorité royale

Le jeune Charles a été déclaré majeur, en août 1563, il était temps de le présenter de manière officielle.

Dans une France fragilisée par la guerre civile, le roi doit aller à la rencontre de son peuple, raffermir son autorité, rassembler son royaume derrière lui.

Découvrir son royaume

Il s’agit aussi d’un genre de voyage initiatique, afin de mieux connaître son royaume et ses sujets.

Il est prévu de visiter les endroits les plus reculés, de longer les frontières, de n'oublier aucun coin du pays !

Surtout pas les régions boudées par les visites royales depuis au moins 100 ans, comme la Provence ou la région de Toulouse.

Catherine de Médicis (anonyme, 1565)

Catherine de Médicis (anonyme, 1565) | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

Un voyage de 2 ans !

La cour quitte le château de Fontainebleau le 13 mars 1564.

Abel Jouan, dans son Recueil et discours du voyage du roi Charles IXe de ce nom, mentionne un retour à Paris le 1er mai 1566, soit une absence de 2 ans et 3 mois (829 jours).

Le grand tour compte 196 étapes, sur un parcours de 902 lieues (3 600 km).

Il est prévu, tous les jours, des petites étapes de 10 à 20 kilomètres, ceci à travers tout le royaume de France.

Des étapes de quelques jours à plusieurs semaines sont prévues dans les plus grandes villes.

Charles IX en 1564 (monnaie du XIXe s)

Charles IX en 1564 (monnaie du XIXe s) | ©Paris Musées - Petit Palais / CC0

Qui participe ?

À la tête de ce grand tour de France, la reine Catherine de Médicis, 45 ans, veuve d’Henri II depuis 6 ans.

Ses enfants l'accompagnent :

  • le roi Charles IX, 14 ans ;
  • le duc d'Anjou, 13 ans (futur Henri III) ;
  • Marguerite de Valois, 11 ans ;
  • Henri de Navarre, le petit cousin, 11 ans (futur Henri IV).
Marguerite de Valois enfant (anonyme, 1690-1710)

Marguerite de Valois enfant (anonyme, 1690-1710) | ©Rijksmuseum / CC0

Des chiffres impressionnants

Le grand tour embarque avec lui, sur les routes cahoteuses du royaume, entre 5000 et 15 000 personnes.

Incroyable ! Le cortège s'étend sur 5 lieues, soit près de 25 km !

Il faut compter tous les chevaux et mulets (au nombre de 8000), les chariots…

Imaginez ceux-ci remplis de lits, coffres, tréteaux, bancs.

Il faut 60 mulets rien que pour les meubles de la reine Catherine. Et deux, uniquement pour ses « confitures » et ses « fruits » !

Une infinité de corps de métiers

Chaque membre de la famille du roi voyage avec ses domestiques (dont 80 dames d'honneurs de la reine, pages, valets de chambre, des centaines de laquais), ses courtisans.

Sans oublier les indispensables ambassadeurs, ministres et grands seigneurs tels que le connétable de Montmorency, les cardinaux de Bourbon et de Guise, le chancelier Michel de L'Hospital.

En plus de la cour à proprement parler, il y a également tous les corps de métiers possibles et inimaginables :

  • tapissiers et menuisiers ;
  • soldats pour l'escorte du roi (gens d'armes, suisses, gardes, chevau-légers) ;
  • palefreniers, maréchaux-ferrants et autres pourvoyeurs de foins pour les équidés ;
  • prêtres et confesseurs ;
  • barbiers, apothicaires et médecins ;
  • sommeliers et cuisiniers…
Henri de Navarre enfant (d'après Clouet, 1786-1808)

Henri de Navarre enfant (d'après Clouet, 1786-1808) | ©Rijksmuseum / CC0

Des divertissements... ambulants

Le voyage s’annonce long : il faut pouvoir se divertir !

Théâtre et spectacles nautiques

Catherine de Médicis a embarqué sa ménagerie, avec singes, perroquets et rapaces, ours et meute de dogues. Sauf... les lions, que l'on a laissés à Amboise.

On a prévu des concerts, mais pas que : bals, comédies, tournois et courses de bagues.

Il faut monter, pour le théâtre, des décors entiers très onéreux, en peu de temps !

À Marseille, on organise même un impressionnant spectacle de bataille navale grandeur nature... en pleine mer !

Un certain Nicolas de La Grotte écrit une pastorale, que les enfants sont invités à jouer : Charles IX joue Carlin, Henri de Navarre Navarrin, Marguerite Margot... surnom qui ne la quittera plus !

Jeanne d'Albret dérange

La mère d'Henri de Navarre, Jeanne d'Albret, rejoint le convoi à Mâcon.

Elle, ses 8 pasteurs et ses 200 gardes sont tous vêtus de noir, tranchant avec les ors et les couleurs de la cour !

Et chez elle, en Béarn protestant, chants, théâtres, mascarades sont interdits...

Sa rigueur pèse tellement, qu'on lui demande… de quitter le convoi à Vendôme !

Jeux d'enfants : une forteresse de neige !

Bref, vous le voyez, la vie suit son cours comme si la cour de Charles IX n'avait jamais quitté son Louvre ou ses autres châteaux !

Mais le roi, son frère, sa soeur s'ennuient, parfois. Ce sont des enfants, après tout !

Alors un jour, en janvier 1565, alors qu’ils sont bloqués à Carcassonne par la neige et le froid, Charles IX construit une forteresse de neige qu’il fait défendre par ses hommes, « tandis que les Carcassonnais doivent s’en emparer ! »

Charles IX (F. Huys, 1546-62)

Charles IX (F. Huys, 1546-62) | ©Rijksmuseum / CC0

La question... du logement !

En général, l'avant-garde ouvre la route et prépare tous les soirs le gîte, dans les châteaux mis à disposition de la famille du roi.

Comme ici, au château de Septême, où la cour séjourne la nuit du 16 au 17 juillet 1564.

Pour tous les autres, hé bien... il faut se contenter des auberges, des maisons des particuliers, ou au pire des cas, n'importe quelles granges ou carrés d'herbe dans un pré, où l'on montait des tréteaux et des lits !

Les provisions

On emmène tout le nécessaire : vaisselles, meubles, vêtements de rechange, linge, costumes de bal...

Et les provisions, bien sûr ! Qui ne suffisent pas la plupart du temps, car on veut festoyer comme on le fait tous les jours de l’année.

Il faut donc, à chaque étape quasiment, et parfois jusqu'à 10 lieues en avance, acheter aux paysans et vignerons marchandises et vins, en quantité suffisante.

Pour corser le tout, les récoltes ont été très mauvaises, en 1565, à cause d'un hiver très rude.

Château de Septème

Château de Septème | ©Groumfy69 / Wikimedia Commons / Public domain

Une histoire de nouvelle année

C'est durant ce voyage que Charles IX signe l'édit de Roussillon, le 9 août 1564.

On s'était rendu compte que le début de l'année ne commençait pas à la même date, selon les diocèses ! Cela pouvait être le 25 décembre, le jour de l'Annonciation, à Pâques...

Le roi décide d'uniformiser cela.

« Voulons et ordonnons qu'en tous castes, registres, contrats, édits et toute écriture privée, l'année commence dorénavant et soit comptée du premier jour de ce mois de janvier... »

Il faut attendre 1622 pour que, partout dans la chrétienté, l'année commence le 1er janvier.

Conclusion

Ce grand tour de France n'aura servi malheureusement à rien. Il n'a pas restauré l'autorité royale.

La paix trop fragile entre catholiques et protestants est bientôt rompue : la deuxième guerre de Religion commence en 1567, après quatre ans de trêve.

Sources

  • Laurent Guillo. Un violon sous le bras et les pieds dans la poussière : les violons italiens du roi durant le voyage de Charles IX (1564-1566) dans La musique, de tous les passe-temps le plus beau : hommage à Jean-Michel Vaccaro. 1998.
  • Jean-Christian Petitfils. Henri IV. Perrin, 2021.
  • Pierre Lunel. L'histoire de France en 80 lieux. Éditions du Rocher, 2012.
  • Céline Borello. Catherine de Médicis. PUF, 2021.
  • Paul Mironneau. Henri IV : les Classiques Gisserot de l'histoire. 2005.
  • Pierre Champion. Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume. 1937.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !