Les lettres de majorité du jeune Charles IX sont signées au château d'Ételan !
Majeur... ou pas majeur ? Telle est la question !
Charles IX accède au trône en 1560, à la mort de son frère François II : vous vous souvenez, cela s’est passé à Orléans, personne ne s’attendait à cette fin brutale…
Charles a 10 ans. Trop jeune pour régner.
C’est sa mère, Catherine de Médicis, qui devient régente, en attendant que le petiot n’atteigne la majorité.
Un édit du règne de Charles V, en 1374, fixe la majorité du roi de France à 14 ans !
Charles, en 1563, à 13 ans… Pourquoi ne pas attendre un an ?
La situation du royaume est explosive, guerres de Religion obligent. Il faut absolument asseoir un roi majeur sur le trône.
Alors, il faut hâter la proclamation de majorité de Charles.
Mais comme on ne peut pas enfreindre l’édit de 1374, il faut louvoyer !
Les juristes de Catherine de Médicis soulèvent une ambiguïté dans le texte : la 14e année n’a pas besoin d’être achevée, qu’elle soit entamée suffit !
Avec ses 13 ans et quelques, Charles pouvait enfin être proclamé majeur.
Voltaire raconte dans son Siècle de Louis XV :
« Le roi fut déclaré majeur au parlement de Normandie ; il n’avait pas encore quatorze ans accomplis ; né le 27 juin 1550, l’acte de sa majorité est du 14 auguste 1563, ainsi il était âgé de 13 ans un mois et 17 jours. Le chancelier de L’Hospital dit dans son discours que c’était pour la première fois que les années commencées passaient pour des années accomplies. Il est difficile de démêler pourquoi il parlait ainsi, car Charles VI fut sacré à Reims en 1380 âgé de 13 ans et quelques jours. Ce fut plutôt pour la première qu'un roi fut déclaré majeur dans un parlement. »
Les lettres d'Ételan
Alors, nous voilà au château normand d’Etelan.
Nous sommes le 27 juillet 1563, après la reprise du Havre sur les Anglais, envoyés par la reine Elizabeth pour secourir les protestants.
Le 2 août, Catherine et Charles, accompagnés du fidèle Michel de L’Hospital, arrivent à Ételan, où sont signées les lettres de convocation du Parlement de Rouen, qui vont déclarer la majorité du roi.
Un parlement nettement moins regardant que celui de Paris, qui a prééminence sur ceux de province… ce dernier ne tarde d’ailleurs pas à faire savoir qu’il n’est pas content !
Voltaire écrit à ce sujet (Histoire du Parlement de Paris) :
« L’édit fut porté par le marquis de Saint Gelais de Lansac au parlement de Paris pour y être enregistré, mais ce parlement le refusa ; il députa le conseiller Guillaume Viole, pour représenter qu’aucun édit ne devait passer en aucun parlement du royaume, sans avoir été auparavant vérifié à celui de Paris ; que l’édit sur la majorité du roi portait que les huguenots auraient liberté de conscience, mais qu’en France, il ne devait y avoir qu’une religion ; que le même édit ordonnait à tout le monde de poser les armes, mais que la ville de Paris devait être toujours armée parce qu'elle était la capitale et la forteresse du royaume. Le roi quoique jeune, mais instruit par sa mère, répondit :
« Je vous ordonne de ne pas agir avec un roi majeur comme vous avez fait pendant sa minorité ; ne vous mêlez pas des affaires dont il ne vous appartient pas de connaître ; souvenez vous que votre compagnie n'a été établie par les rois que pour rendre la justice suivant les ordonnances du souverain. Laissez au roi et à son conseil les affaires d'État ; défaites vous de l'erreur de vous regarder comme les tuteurs des rois, comme les défenseurs du royaume et comme les gardiens de Paris. »
Les députés ayant rapporté à la compagnie les intentions du roi, le parlement délibéra : les sentiments furent partagés. Pierre Séguier, président de la grandchambre du parlement, et François Dormy, président des enquêtes, allèrent rendre compte de ce partage au roi qui était alors à Meulan. Le roi cassa le 24 septembre cet arrêt de partage, ordonna que la minute serait biffée et lacérée, et enfin le parlement enregistra l'édit de la majorité le 28 septembre de la même année. »
Bref... Le 12 août 1563, le cortège royal entre à Rouen, Charles IX en tête.
Il tient un lit de justice dans la salle de l’Échiquier du Parlement de la ville, le lendemain, où il se déclare majeur.
Suites des harangues rapporte :
« Aussitôt que chacun eût été placé à son rang, le roi prononça un discours qui lui avait été préparé ; il annonça sa volonté de se déclarer majeur ; et après avoir parlé de la situation de la France et recommandé l'observation des édits de pacification, il termina ainsi : « Afin que nul n'ait cause d'ignorance, j'entends en faire publier l'édit (de sa majorité) en ma présence, que je veux être passé par toutes mes autres courts de parlements, afin que tous ceux et celles qui y contreviendront soient châtiés comme rebelles et crimineux de lèse-majesté. À quoi je veux que teniez tous la main selon vos charges et offices, que teniez m'y faire obéir, et aussi que vous, qui tenez ma justice en ce lieu, la fassiez telle à mes sujets, que ma conscience en soit déchargée devant Dieu, et qu'ils puissent vivre tous sous mon obéissance en paix, repos et sûreté. Et ce faisant, le reconnaîtrait doit un bon roi vers ses bons sujets et serviteurs. »