Les prémices du massacre
Cet épisode sanglant a lieu quelques mois après le colloque de Poissy, qui réunit protestants et catholiques pour une ultime tentative de réconciliation.
À l’issue de cette entrevue, la reine Catherine de Médicis fait signer l’édit de Janvier, qui accorde aux protestants le droit de célébrer leur culte, sous certaines conditions.
C’est-à-dire dans des coins reculés de la campagne, éloignés de toutes villes…
Notez ce détail, c’est ce qui va avoir son importance !
Guise en Lorraine
François de Guise se trouve en Allemagne, en terre protestante, en pleins pourparlers, quand il apprend la signature de l’édit de Janvier. Sa colère est immense…
Guise (ou François de Lorraine), vous le connaissez. Il deviendra le principal chef catholique, pendant la première guerre de Religion.
Son fils, c’est le célèbre duc de Guise surnommé le « balafré », mort assassiné au château de Blois.
Bref ! Guise rentre en France, direction Paris.
Mais sur la route de Paris se trouve la Lorraine. Un dimanche de mars 1562, il tombe sur un groupe de protestants réunis pour célébrer leur culte, à Wassy.
Dans une grange ! Une grange qui se trouve en pleine ville ! Alors que l’édit interdit le culte protestant en ville !
Dans une cité qui, en plus, se trouve être la propriété de sa nièce Marie Stuart, l’épouse du roi de France !
C’est une provocation pour Guise, qui va lâcher sa meute de sbires déchaînés sur les villageois.
Massacre dans la grange
Les murs et la paille qui jonche le sol sont poisseux de sang tiède. Une odeur… acre, de mort, emplit la grange.
Les râles des mourants. Les yeux vitreux de ceux pour qui tout est fini. Les hurlements de terreur de ceux qui tentent de fuir...
Comment en est-on arrivé à ce cauchemar éveillé ?
Le prêche qui n'aurait pas dû avoir lieu
Le duc de Guise aurait été averti qu’un prêche protestant commençait, à Wassy, alors qu’il se trouve à quelques kilomètres.
« Par la mort de Dieu, on les huguenotera bien tantôt d’une autre sorte », gronde-t-il.
Arrivé à Wassy, le duc entend la messe à l'église, puis se dirige vers la grange. Quelques hommes de mains, armés, y étaient déjà entrés et avaient été invités poliment à prendre place.
Pour toute réponse, ils hurlent : « Mort Dieu, il faut tout tuer ! »
« Tue ! Tue ! »
Vite ! On tente de repousser les hommes de Guise, on ferme les portes comme on peut et on s’arme de pierres...
Mais tous les mercenaires de François de Lorraine arrivent en renfort.
Ils défoncent les portes, un flot de catholiques entre et tire dans la foule. C’est une boucherie.
On entend crier : « Tue ! Tue, Mort-Dieu ! Tue ces huguenots ! » Les arquebusiers font feu.
Achevés à même le sol
« À grands coups de coutelas cimeterres et épées, chassèrent hors les pauvres hommes, femmes et petits enfants. »
Ceux qui tentent de s’enfuir par le toit sont abattus. Ceux qui tentent de fuir par la porte sont embrochés.
Les rares blessés ne survivent pas longtemps, achevés par d’autres hommes, à même le sol.
On voit les têtes fendues, les bras, les doigts tranchés, les mains coupées.
La mort frappe
La duchesse de Guise, enceinte, entend les hurlements des suppliciés au loin. Elle supplie son mari d’épargner au moins les femmes attendant un enfant !
Les historiens rapportent que le massacre a duré une heure. Une heure ! Une éternité pendant laquelle 12 hommes, femmes et enfants meurent à même la grange.
La mort frappe ensuite dans les rues, quelques minutes plus tard, puis dans les maisons, quelques heures, voire quelques jours plus tard.
« Le mardi suivant, quatrième jour dudit mois, y avait déjà 45 personnes mortes et inhumées et y restaient encore 80 ou 100 de blessées, dont plusieurs sont en grand danger de mort. »
Préméditation ou non ?
On ignore encore aujourd’hui si le duc de Guise a prémédité son acte.
Que penser de ces trompettes qui sonnent à deux reprises : signal du début du massacre, ou au contraire, volonté de calmer les esprits ?
Et que penser de l’épouse du duc, enceinte, de leurs deux jeunes enfants, présents avec lui ? Un massacre en famille ?
Ne pourrait-ce pas être une rencontre qui dégénère, après des mots maladroits, des regards de travers ?
Ce qui est sûr, c’est que Guise est contre l’édit de Janvier : même s’il n’a rien prémédité, ce massacre ne semble pas lui poser de problèmes, puisque les villageois protestants de Wassy n’ont pas respecté les règles du traité...
La grange actuelle
On transforme la grange en temple protestant, au 19e siècle.
Un petit musée dédié à la religion réformée et au massacre de Wassy s’installe ensuite à l’intérieur du temple.
Quant à la grange actuelle, c’est en fait une ancienne maison du 19e siècle.
La suite
Les protestants menés par le prince de Condé réagissent au massacre de Wassy en prenant plusieurs villes du royaume de France.
En février 1563, le duc François de Guise met le siège devant Orléans, aux mains de ceux que l’on appelle maintenant vulgairement huguenots.
C’est là qu’il se fait mortellement blesser par un aventurier du nom de Poltrot de Méré...
Le massacre de Wassy signe le début de la première guerre de Religion… nous voilà partis pour 36 ans de guerres civiles, 36 années de sang et de larmes amères pour 8 guerres sans fin, jusqu’en 1598.
Source principale
- Berthold Zeller. L’histoire de France. 1880.