Le gisant d'Agnès Sorel à Loches et ses petits secrets

De 1450 à 2005

Gisant d'Agnès, LochesGisant d'Agnès, Loches | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Morte en Normandie

Agnès Sorel, première maîtresse officielle d’un roi de France, meurt au manoir de Mesnil-sous-Jumièges (Normandie), le 9 février 1450.

Charles VII fait ouvrir le corps d'Agnès pour en prélever le cœur, qu'il fait placer dans l'abbaye normande de Jumièges, selon les vœux d’Agnès.

« C'est un peu de moi que je vous abandonne », soupire-t-il aux moines.

Ne le cherchez pas ! Le tombeau de marbre noir, la représentant en prière à genoux, en marbre blanc, a aujourd’hui disparu, détruit pendant les guerres de Religion ou la Révolution...

La dalle a même servi de table à découper chez un boucher rouennais, nous dit Philippe Charlier dans son Médecin des morts, récits de paléopathologie !

Gisant d'Agnès, LochesGisant d'Agnès, Loches | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Trois cercueils !

Le corps d’Agnès Sorel, lui, prend le chemin de Loches, sa ville de cœur.

Cap sur l'église Saint-Ours (aujourd'hui collégiale), enfermée dans un triple cercueil :

  • le premier de chêne ferré ;
  • le deuxième en plomb ;
  • le dernier en bois de cèdre, dans lequel elle repose.

Charles VII lui fait faire un tombeau de marbre noir avec un gisant en marbre blanc, deux agneaux à ses pieds pour rappeler son prénom et sa douceur !

Saint-Ours, LochesSaint-Ours, Loches | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Restauration express

Entre 1806 et 1809, le gisant d'Agnès est envoyé pour une restauration à Paris : les parties manquantes sont refaites (mains, corps des agneaux, ailes des anges).

Pour Agnès à proprement parler, on ne lui a refait que le bout de son nez.

Des goujons de fer sont fixés, pour maintenir les différentes parties entre elles.

À son retour à Loches, le gisant est installé dans le logis royal, au rez-de-chaussée.

Gisant d'Agnès, Loches : détailGisant d'Agnès, Loches : détail | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Le tombeau d'Agnès doit bouger !

Une anecdote rapporte qu'un jour, Louis XI (le fils de Charles VII) se trouve dans l'église de Loches, devant le tombeau d'Agnès. Louis qui, au passage, détestait la maîtresse de son paternel !

En 1468, les chanoines viennent se plaindre de ce tombeau qui fait un peu tache dans leur église (rapport à la réputation sulfureuse de la dame) et gêne le bon déroulement de la messe.

« Il faut l'enlever ! » crient-ils. Louis veut bien, à condition qu'ils rendent tout l'argent (2 000 écus d'or) et les bijoux qu'Agnès leur a légués, pour faire aménager son tombeau...

Les moines n'ont pas su quoi répondre ! Et le tombeau reste à sa place. Pour combien de temps encore ?

Le 6 mars 1777, Louis XVI autorise enfin le déplacement du tombeau, voulu depuis des siècles par les chanoines.

Gisant d'Agnès, LochesGisant d'Agnès, Loches | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Le gisant d'Agnès dans les tourments de l'Histoire

Perruque et dentiers !

En 1793, le tombeau est brisé par des soldats venus du département voisin de l'Indre. Ils prennent le gisant d’Agnès… pour une sainte !

Un an plus tard, un certain Pocholle, conventionnel de la Seine-Inférieure, se fait ouvrir le tombeau de la pauvre Agnès, qui jusque-là, vous aurez remarqué, ne peut vraiment pas reposer en paix !

Lors de l’exhumation, on découvre les restes de la dame, mêlés à des plantes aromatiques : certains prennent ses longs cheveux tressés pour se faire une perruque, d'autres des dents pour servir... de prothèses !

Déménagements successifs

Ses restes seront un peu plus tard inhumés dans le cimetière près de l’église, dans un bête pot en grès.

En 1801, le préfet les fait récupérer et les remise dans la sous-préfecture, alors installée dans le logis royal de la cité.

Nouveau déménagement en 1970, un étage au-dessus. Ce n’est qu’en 2004 que le conseil général d’Indre-et-Loire transfère le gisant d’Agnès Sorel dans la collégiale Saint-Ours.

Gisant d'Agnès, Loches : détailGisant d'Agnès, Loches : détail | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

Les épitaphes de la belle Agnès

Le tombeau portait plusieurs épitaphes, aujourd’hui disparues, notamment cette très jolie dédicace, qui commence par :

« Dans cette tombe repose une douce et simple colombe, Plus blanche que les cygnes, plus vermeille que la flamme. Agnès la belle demeure maintenant au fond de la terre. »

Actuellement, cette phrase est sculptée tout autour du gisant :

« Ci-gît noble damoiselle Agnès Seurelle, en son vivant dame de Beauté, de Roquesserière, d'Issoudun et de Vernon-sur-Seine, piteuse envers toutes gens et qui largement donnait de ses biens aux églises et aux pauvres, laquelle trépassa le 9e jour de février, l'an de grâce 1450. Priez Dieu pour l'âme d'elle. »

Sources

  • Clémentine Portier-Kaltenbach. Histoires d'os et autres illustres abattis. J.-C. Lattès, 2007.
  • Philippe Charlier. Médecin des morts : récits de paléopathologie. Fayard, 2006.
  • Dreux du Radier. Mémoires historiques et anecdotes sur les reines et régentes de France (tome 3). 1827.
  • Pierre Champion. Agnès Sorel. 1930.