Collée à la bourse de Commerce, tout près du tumulte des Halles, la haute (31 m) colonne passe aujourd'hui presque inaperçue.
Et pourtant... quelle curiosité !
Mourir... à Saint-Germain
Le vestige de l'hôtel de la Reine
Il s'agit de l'un des vestiges de l’ancien hôtel de la Reine ou hôtel de Soissons.
Ne le cherchez pas : il a été détruit, l’actuelle Bourse de Commerce se dresse à sa place.
Il s'agissait de l'hôtel de Catherine de Médicis. Pourquoi avait-elle atterri là ?
Son astrologue, ce bougre de Cosimo Ruggieri, lui avait prédit qu’elle mourrait près de Saint-Germain.
Depuis, elle avait soigneusement évité tout ce qui portait ce nom, surtout Saint-Germain-en-Laye et le palais du Louvre, celui-ci se trouvant près de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois.
L'hôtel de Soissons
Mais elle n'avait plus nulle part où habiter, à Paris, avec ces bêtises !
Alors, Catherine achète le vieil hôtel de Soissons, à la place duquel elle fait construire une grande et belle maison, par dit-on... l’architecte Jean Bullant, LA pointure de la Renaissance.
Avec, en prime, cette magnifique colonne astronomique où son astrologue, Ruggieri, pourrait faire ses observations.
Là, à l’hôtel de Soissons, enfin, la reine se détend...
La fin est proche
Mais 1589 arrive. Malade, à bout de force, Catherine part se reposer à Blois.
Son état empire... elle se meurt. On est le 5 janvier 1589.
Un jeune curé déboule à son chevet, pour lui donner l’extrême onction.
Catherine ne l’a jamais vu, elle lui demande son nom.
« Julien de Saint-Germain », dit-il.
La prédiction de Ruggieri ! Aaah... Catherine, choquée, s'éteint peu après.
Des prédictions pour la reine
On raconte que Catherine de Médicis fait construire la colonne pour ses expériences astrologiques, qu'elle adore !
Mhh... Des expériences, vraiment ?
Vous imaginez Catherine, grassouillette et malade, en train de crapahuter dans cette tour étroite, vous ?
Hé non, ce n’est pas elle qui monte, mais son astrologue, Cosimo Ruggieri… qui fait ses observations au sommet de la colonne !
Avant lui, les « mages » se succèdent.
Oui, la Florentine est fana d’horoscope et d'astrologie.
Dès qu'elle veut connaître l'avenir : elle sonne son astrologue.
Tiens, pour connaître le futur réservé à son mari Henri II, par exemple ?
Elle demande à Luc Gauric de le lui révéler, en 1552.
Il lui conseille d’éviter les tournois. Parce qu’une blessure à la tête entraînant la mort arrive vite...
Quand on sait que le roi passe l'arme à gauche lors d'un tournoi, ça fait réfléchir !
Horrifiée, Catherine veut la confirmation de ces prédictions.
Elle fait venir Nostradamus à Paris : ce dernier avait publié ses Centuries en 1555, avec la soi-disant strophe sur la mort d’Henri.
Et à la mort de Gauric, la reine le nomme astrologue de la cour.
Henri II meurt en 1559, ils avaient raison...
Nostradamus retournera chez lui à Salon-de-Provence et Catherine le remplacera par Cosimo Ruggieri.
Méridien et fleurs de lys
Mais revenons à la colonne !
Haute de 31 m, avec un diamètre de 3, la colonne dorique cache un escalier à vis de 147 marches, éclairé par de maigres ouvertures.
Autrefois, ses cannelures portaient des fleurs de lys, des couronnes et des entrelacs.
Mais regardez : on peut toujours voir les monogrammes C et H de Catherine et de son mari, Henri II.
Sans oublier les miroirs brisés : symboles de la mort tragique d’Henri, du malheur qui fait irruption dans une vie ?
À noter que c'est au 18e siècle, que le père Pingré de Sainte-Geneviève, membre de l'académie des Sciences, fait installer le méridien encore en place aujourd'hui, dans sa cage.
Sources
- François Caradec. Guide de Paris mystérieux. Éditions Tchou.
- Jacques Hillairet. Connaissance du Vieux Paris. Éditions Princesse, 1970.