Grosse banquière et pieds qui cocottent : le mariage d'Henri IV et Marie de Médicis à Lyon
Henri veut des sous de sa grosse banquière
Lyon, 16 décembre 1600. Ça y est. Henri IV va épouser Marie de Médicis. Celle que les langues de vipères surnomment la « grosse banquière. »
Lui, à l’époque, vient de « divorcer » de la reine Margot, sa première épouse.
Qui ne lui a pas donné d’héritiers ! Henri veut une nouvelle femme, une génitrice.
Mais pas que. Il a besoin de sous. La France a une dette énorme !
Or, il se trouve qu’en Italie, une jeune femme est à marier : Maria de Medici, fille du grand-duc de Toscane. Issue d’une famille catholique très convenable. Et elle est riche, notre Florentine.
Deux mariages en moins de deux
Henri envoie son ambassadeur conclure le mariage par procuration à Florence, célébré dans la ville italienne le 5 octobre.
Et le 16 décembre, dans la cathédrale lyonnaise : la noce officielle peut avoir lieu.
Marie a 26 ans, Henri 47. Regardez : il porte un vêtement de satin blanc brodé d’or et une cape noire.
Elle, un manteau royal violet en velours brodé de fleurs de lys dorées, des diamants et une couronne.
« Elle était grande, grosse, avec les yeux ronds et fixes, l’air revêche et mal habillée », racontent les livres d'histoire.
Voilà d’où vient la réflexion d’Henriette d’Entraigues (maitresse d'Henri), quand elle aperçoit Marie pour la première fois : « C’est donc la grosse banquière de Florence ! »
Un repas de fête !
Une retranscription tardive
Ensuite, la fête bat son plein plusieurs jours, à Lyon.
Saviez-vous qu'il existe un menu des noces d'Henri IV à Lyon, conservé aux Archives du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères ?
Une reproduction a pu être exposée lors de l'exposition À table ! Le repas, tout un art, au musée de la Céramique de Sèvres, en 2020.
À prendre avec des pincettes : il s'agit d'un document rédigé au 18e siècle, sans doute une « retranscription incomplète. » Mais il donne tout de même de bons indices, de ce que l'on pouvait manger, à l'époque !
Quatre services : ris de veau, chapons, figues
Ce menu de noces comprend 4 services. Le premier service se compose de :
- potages et d'entrées, avec notamment un « pot pourri de poule d'Inde, andouillettes, ris de veau » ;
- « pigeonneaux aux câpres » ;
- « chapons aux laitues » ;
- « pâté de jambon de Mayence »...
Vient le rôt, avec quantités de volailles, comme la poule d'Inde (déjà mise à l'honneur lors du mariage de Charles IX et d'Élisabeth d'Autriche, en 1574), mais aussi chapons, « petits pigeonneaux », faisans, ortolans, perdrix.
Le 3e service se compose d'entremets, avec :
- viandes (ris de veau) ;
- légumes (artichauts) ;
- œufs « à la portugaise » et « à la huguenote » ;
- des « gelées de toutes sortes »...
Le 4e et dernier service (le dessert), se compose de fruits : « 2 grands bassins pleins de gros citrons, melons, muscats, figues. »
Nuit de noces... odorante !
Et la nuit de noces, alors ? Oh, mais... elle a déjà eu lieu, le 9 décembre !
Marie débarque à Lyon le 3, Henri le 9. Le bouillant Béarnais ne résiste pas et consomme le mariage.
Un témoin de la scène rapporte qu'Henri trouve sa femme finalement plus à son goût que prévu, et Marie juge Henri moins vieux qu'il en avait l'air !
Mais tout de même, il faut avouer : Henri le putois embaume.
« Il avait les pieds et le gousset (aisselle, ndlr) fins, et quand la reine coucha avec lui la première fois, quelque bien garnie qu'elle fût d’essences de son pays, elle ne laissa pas d’en être terriblement parfumée », dit cette mauvaise langue de Tallémant des Réaux.
Bon. Henri écrit un peu plus tard à son ami, le ministre Sully :
« Je ne trouve ni agréable compagnie, ni réjouissance, ni satisfaction chez ma femme […] faisant une mine si froide et si dédaigneuse lorsqu’arrivant du dehors, je viens pour la baiser, caresser et rire avec elle, que je suis contraint de dépit de la quitter là et de m’en aller chercher quelque récréation ailleurs. »
Alors ? Le Béarnais et la Florentine se sont-ils aimés ?
Sûrement pas. Mais au moins, la grosse banquière va jouer le rôle pour lequel on l’a embauchée : enfanter.
Un héritier pondu, puisqu’il s’agit du futur Louis XIII, qui naissait sous le signe de la Balance à Fontainebleau, en 1601...
Oui, tiens ! Parlons-en, des héritiers...
À qui pondra un héritier le plus vite
De sa première moitié, la reine Margot, Henri n’a pas eu le fils tant espéré. Mariés en 1572 à Notre-Dame de Paris, ils se séparent en décembre 1599. D’héritier en vue, que nenni, pour l’instant...
À moins que ?
Henri peut compter sur ses nombreuses maîtresses. Et parmi ses favorites, il y a Henriette d’Entragues.
Henri lui signe une promesse de mariage, en octobre 1599. Il lui donne même la bague de son sacre à Chartres !
Mais à une condition : qu’elle lui donne un fils avant... un an. La pauvre Henriette fait une fausse couche : mariage annulé.
Henri IV épouse Marie de Médicis à Lyon. Cela rend Henriette complètement folle. Même si elle continue d’apparaître à la cour comme favorite du roi, elle devient vilaine avec la reine, arrogante, lui manque de respect en public.
Et quand les deux femmes tombent enceintes en même temps, une course contre la montre s’engage. Mais c’est Marie qui mettra au monde le futur Louis XIII...
Sources
- Jean-Christian Petitfils. Henri IV. Perrin, 2021.
- François Guizot. L'histoire de France racontée à mes petits-enfants. 1874.
- J. B. Monfalcon. Histoire monumentale de la ville de Lyon (tome 2). 1866.
- Michèle Ressi. L'Histoire de France en 1000 citations. Eyrolles, 2011.
- Collectif. À table ! Le repas, tout un art : catalogue de l'exposition. Éditions Gourcuff Gradenigo, 2020.