L'origine du cognac : savoir-faire hollandais, innovations charentaises... et baron viking !
D'un viking à l'autre !
Le château primitif de Cognac a eu fort à faire, avec les raids vikings, au Moyen Age ! Alors, pour protéger l'Angoumois de ces attaques, la tradition raconte que l'on aurait construit le château de Cognac.
Jolie coïncidence, lorsqu'en 1796, un certain baron Jean-Baptiste Antoine Otard de La Grange achète, par adjudication, le château... sa famille compte, comme illustre ancêtre, le grand chef viking Ottar !
Tout avait pourtant failli mal finir, pour ce baron, pendant la Révolution. Oui, il avait tout bonnement refusé d'émigrer !
Hop, on l'enferme deux fois (1791 et 1793), avant une remise en liberté, où il s'installe à Cognac. Il devient maire de la ville (1804-1824), puis député de la Charente (1821-1824).
Le baron Otard
On connaît surtout ce baron Otard pour être le fondateur de la marque de cognac qui porte son nom, en 1796 : le château de Cognac en abrite toujours le siège et les chais.
Lorsqu’il achète la vieille forteresse qui a vu naître François Ier, ce négociant en eaux-de-vie et ingénieur avait immédiatement remarqué ses vastes caves...
Elles présentent toutes les qualités requises, pour faire vieillir ses précieuses bouteilles d’alcool ! Qui renferment une liqueur de belle couleur ambrée : le cognac, pardi !
Dans la région, on le connaît depuis un petit moment, déjà.
Au tout début du cognac : les Flamands... et le sel de Charente !
La région de Cognac produit du vin depuis l’Antiquité : l’homme y a trouvé un climat propice, doux et tempéré.
Jusqu’à ce qu’au Moyen Age, un grain de sel s’intercale dans notre histoire. Le rapport avec le cognac ? Car il y en a un !
On vient de très loin, pour se procurer du sel récolté en Saintonge (l’équivalent de la Charente-Maritime), alors très réputé. Marchands flamands ou norvégiens l’utilisent pour la salaison de leurs harengs et morues.
Ils découvrent en passant le vin local.
Un alcool ensuite transporté par bateaux, via notamment le fleuve Charente, jusque dans le Nord de l'Europe : Anglais, Écossais, Flamands, Norvégiens, Danois trinquent joyeusement, avec le vin charentais !
La distillation hollandaise : brandwjin et alambics amstellodamois
Au 16e siècle, les Hollandais intensifient le commerce de vin de Charente. Jusqu’à y mettre leur propre grain de sel (décidément). Comment ?
Ils se mettent à distiller ces vins : un art qu'ils maîtrisent tout particulièrement !
Les vins charentais, peu alcoolisés et acides, ne supportaient pas les longs voyages en bateaux, imposés par les Hollandais.
La distillation permettait d’obtenir une eau-de-vie de vin appelée brandwjin (« vin brûlé ») : ce qui a donné le brandy des anglo-saxons.
Une fois distillés, ces vins se conservaient mieux, ne souffrant plus du long voyage en mer. Le vin de « rotchell » (La Rochelle, port d’exportation) ou cogniacke était né !
Au début, la distillation du vin charentais se déroule en Hollande ; mais peu à peu, il a lieu directement sur place.
C’est ainsi que les Hollandais installent les premières distilleries dans la région de Cognac : cerise sur le gâteau, ils font faire leurs alambics... avec du cuivre d'Amsterdam !
L'apport français : la double distillation (le Diable s'en mêle)
Au 17e siècle, grâce à l'apport des Hollandais, les Français commencent à maîtriser la distillation. La double distillation voit ainsi le jour, donnant une eau-de-vie bien plus concentrée.
C’est d’ailleurs cette double distillation qui fait la particularité du cognac.
Cette précieuse double distillation, on la doit au seigneur de Segonzac : le sieur de La Croix Marron.
La légende raconte que le Diable l’attaque en cauchemar, puis le met à bouillir dans son chaudron. Pour récupérer son âme !
Aidé par sa foi inébranlable, le chevalier résiste à la première cuisson : Satan doit le faire bouillir une seconde fois !
La Croix Marron se réveille alors en sursaut. Eurêka… il a l’idée de soumettre le vin charentais à une double distillation, pour en extraire toute sa quintessence… son âme !
Les retards font parfois bien les choses
Après cette double distillation, le liquide cuivré est mis à vieillir dans des fûts de chêne chargés en tannins : ceux-ci vont donner au cognac sa robe et ses arômes uniques.
Car on a découvert (tout à fait par hasard) que le cognac se bonifie, quand il reste stocké un certain temps dans des tonneaux de chêne.
Comment s'en-est-on rendu compte ?
À cause d’un retard, dans le chargement de tonneaux dans les bateaux !
Différentes maisons de cognac voient le jour
La première maison de cognac voit le jour en 1643 : Augier.
Des négociants s’installent par la suite en Charente, au cours du 18e siècle, à l'image du Français Otard en 1796, comme :
- l’Anglais Thomas Hine en 1763, qui s'implante à Jarnac ;
- le plus célèbre, Richard Hennessy, officier irlandais au service de Louis XV, qui fonde sa maison en 1765 à Cognac.
Mais pourquoi Cognac, particulièrement ? La cité natale de François Ier :
- bénéficie d’avantages fiscaux, c’est une zone franche ;
- elle est traversée par le fleuve Charente, avec un avant-port près du port de Rochefort, permettant une exportation facile de ses produits.
Sources
- Encyclopédie Châteaux Passion. Éditions Atlas, 2001.
- L'histoire du cognac. Bureau National Interprofessionnel du Cognac, cognac.fr.
- Collectif. La France des saveurs. Guide Gallimard, 2003.
- Robert Delamain. Histoire du cognac. 1935.
- Catherine Secretan, Willem Frijhoff. Dictionnaire des Pays-Bas au Siècle d'or. CNRS Éditions, 2018.
- Nicole Masson, Frédéric Le Bordays. Le cognac : ce qu'il faut savoir et comment le boire. Mango, 2017.