Première mention du château !
La première mention de la terre de Champs remonte à la fin du 11e siècle.
On trouve le nom d'un certain Adam de Champs, sur une charte, aux côtés de ceux d'autres seigneurs de la région.
Le château de Poisson de Bourvallais, un « palais enchanté »
Le château actuel, dans ses grandes lignes, sort de terre entre 1703 et 1706. Pour qui ? Un personnage haut en couleurs !
Il s'appelle Paul Poisson de Bourvallais. Ce fils de petits paysans bretons a connu une ascension fulgurante, devenant « insolent comme un laquais revêtu. »
Jalousé, détesté par les plus grands du royaume, il accumule, avant sa disgrâce, biens et belles demeures.
Un inventaire mentionne, dans son hôtel parisien de Bourvallais, des tableaux de maîtres... dont un Rubens et un Raphaël !
« Sa belle maison de Champs, à la porte de Paris, est un palais enchanté », rapporte l'écuyer de la grande écurie du roi, Jourdain.
Mais la mort du Régent sonne le glas : accusé de malversations financières, embastillé, Poisson doit abandonner tous ses biens au roi, en 1717, avant un retour en grâce un an plus tard.
Mais ces épreuves le font mourir prématurément, moins d'un an plus tard...
Une première française à Champs : la salle-à-manger
Voici une innovation qui date de l'époque de Poisson de Bourvallais : la salle-à-manger de Champs est l’une des premières de ce genre, en France !
Auparavant, il n’y avait pas de salle dédiée pour les repas : on dressait la table, hop, littéralement, une planche sur des tréteaux.
L’usage de la salle-à-manger apparaît à la toute fin du 17e siècle. Celle de Champs date de 1703.
Remarquez la jolie fontaine en plomb doré, ornée d’un mascaron représentant Neptune !
Une princesse de sang royal
Poisson de Bourvallais mort, le château est confisqué, au profit de la Couronne.
La fille légitimée de Louis XIV et de sa favorite Mme de La Vallière l’achète : elle s'appelle Mlle de Blois ou Marie-Anne de Bourbon, princesse de Conti.
Au bout de 22 jours, elle le donne à son cousin, Louis de La Vallière, tout en conservant l'usufruit.
Pendant plus de 20 ans, la princesse conserve ainsi Champs, de ses 52 à 73 ans.
Mme de Pompadour loue le château !
À la mort de la princesse de Conti, en 1739, Champs passe au fils de son cousin, le duc de La Vallière (petit-neveu de la célèbre Mme de La Vallière de Louis XIV).
Il souhaite vendre le château ! Il va le louer, entre le 1er juillet 1757 et le 1er janvier 1759, à une certaine... Mme de Pompadour !
Nous sommes au lendemain de l'attentat perpétré par Damiens contre Louis XV, à Versailles. Le roi, blessé, va peut-être mourir.
La favorite en titre, mal vue, a dû quitter précipitamment la cour. C'est Champs qui l'accueille un temps, jusqu'à ce que le roi se rétablisse complètement, et la rappelle auprès de lui.
Elle passera quelques séjours à Champs, avant de résilier la location, devenue trop chère pour elle, et trop éloignée de tout.
Un décor de chinoiseries
De l'époque du duc de La Vallière nous reste le célèbre et précieux salon chinois.
La forme de la pièce et ses lambris datent de 1703, mais ses beaux décors de chinoiseries datent eux de 1748, dessinés par Christophe Huet.
Il s’agit de scènes de la vie quotidienne en Chine, telle que l’Europe du 18e siècle se l’imaginait…
La luzerne de Champs pour les Prussiens !
En août 1763, le duc de La Vallière vend le château, enfin ! L'heureux acquéreur s'appelle Gabriel Michel, secrétaire du roi et de ses finances, codirecteur de la Compagnie des Indes.
Un Nantais tristement connu pour avoir fait fortune avec la traite des esclaves...
Une de ses filles, Henriette, hérite du domaine en 1788. Elle entreprend « des travaux très considérables et très utiles, tels que défrichement, fossés d'écoulement, conduites d'eau. »
Mais en 1793, elle doit se défendre, par écrit, d'avoir « fait mettre en luzerne 60 arpents de terres dans son parc, qui n'étaient avant que des objets d’agrément. »
En effet, on l'accuse « d'avoir dénaturé la culture de ses terres et avoir donné des ordres pour qu'on ne leur fit pas produire un seul épi de blé. »
Elle se défend, mais l'acte d'accusation précise que la luzerne plantée ne l'a été que pour la Prusse, l'ennemi. Elle est condamnée à mort, exécutée en février 1794, « convaincue d'avoir désiré l'arrivée des Prussiens. »
Le domaine devient bien national, le mobilier entièrement vendu, les plombs des fontaines et gouttières fondus.
L'auteur de « noblesse oblige » à Champs
Il reste un rescapé de la Terreur, chez les Michel. Le petit-fils de Gabriel Michel, Gaston de Lévis.
Homme politique, écrivain, il est resté célèbre pour être l’auteur de la phrase « noblesse oblige » !
Il fait partie de ces émigrés qui partent s’installer outre Manche.
Jusqu’à ce qu’en 1802, il puisse rentrer au bercail et racheter la terre de sa famille maternelle, mise aux enchères : son grand-père avait acheté Champs 800 000 livres, lui le rachète… 200 000 !
Une sinistre réputation !
En 1858, le château de Champs passe à un certain Ernest Santerre.
Qui est-il ?
Le petit-neveu du général sans-culotte parisien, qui a coiffé le roi Louis XVI du bonnet phrygien, en 1792.
Il a également ordonné que l’on joue du tambour, au moment où le roi, sur l’échafaud, prononçait ses deniers mots, avant de mourir guillotiné…
Les Cahen d’Anvers, la renaissance de Champs
L’ameublement du château, c’est à eux qu’on le doit. Louis Cahen d’Anvers et son épouse Louise achètent le domaine, en 1895.
Ce fils de banquier a des moyens illimités ! Cet amoureux fou des arts et de l’architecture va redonner à Champs son faste d’antan, tout en le modernisant (installation de l’électricité, chauffage, eau courante).
Vous vous souvenez que le château a été vidé de son mobilier, durant la Révolution ? Louise le remeuble avec minutie, dans le style du 18e, bénéficiant des conseils d’antiquaires parisiens et italiens !
Idem pour le parc, où des copies de statues antiques sont installées.
Leurs amis de Paris accourent : Marcel Proust, Isadora Duncan et même Alphonse XIII d’Espagne !
Le château offert à l’État français
Louis Cahen mort en 1922, son fils Charles, maire de Champs, décide, brutalement, « d’offrir à l’État français le château et le parc de Champs. »
À condition que l’ensemble des 142 employés reste à leur poste, l’État devant garantir « qu’il prendrait à sa charge l’ensemble du personnel et que tous les membres gardent maison et salaire jusqu’à leur mort. »
La donation est acceptée ! Le château devient le lieu de résidence du Président du Conseil (actuel Premier Ministre).
Mais lorsque le fils de Charles, Gilbert, revient en France après des années passées à l’étranger... c’est le choc !
On lui annonce que son père a donné le château familial à l’État. En lui faisant bien savoir que tous ses vêtements, linges et chaussures étaient restés là, et qu’il fallait venir les récupérer…
Les chefs d’État étrangers
Donc ! Voilà le château de Champs-sur-Marne devenu résidence d’État.
Charles de Gaulle, dès 1959, et jusqu’à 1974, fait du château francilien une résidence pour les chefs d’État étrangers en visite officielle en France, principalement originaires d’Afrique francophone.
Y séjournent notamment en 1961 le président du Sénégal Léopold Senghor, le roi Hassan II du Maroc, en 1962...
Source
- Marie-Hélène Didier, Renaud Serrette. Le château de Champs. Éditions du Patrimoine, 2014.