10 anecdotes sur l'attentat de Damiens contre Louis XV !

Du 5 janv. au 28 mars 1757

Attentat de DamiensAttentat de Damiens | ©The British Library / Public domain

1 - Un roi agressé… le jour des Rois

5 janvier 1757. 18 heures viennent de sonner.

Il fait si froid ! Des étoiles luisent dans le ciel couleur d’encre indigo. Une nuit d’Épiphanie… glaciale.

Louis XV est venu au château de Versailles depuis Trianon, voir ses filles et souper avec elles.

Il y a une haie de gardes en rang d’oignons, du carrosse royal jusqu’à l’escalier du château, mais cela n’empêche pas un individu d’en bousculer quelques-uns et d’approcher le roi.

Suffisamment pour frapper « entre la quatrième et la cinquième côte. »

Louis blêmit, et souffle :

« C’est un homme qui m’a frappé : qu’on l’arrête et qu’on ne lui fasse pas de mal. »

L’agresseur se fait immédiatement arrêter...

Château de VersaillesChâteau de Versailles | ©Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA

2 - La blessure est superficielle, la vraie se cache à l’intérieur

Le roi blessé est monté dans ses appartements.

La blessure a atteint le côté droit, entre les côtes. Louis perd beaucoup de sang, mais la plaie n’est pas mortelle, en fait, dit le procès-verbal : elle n’est « guère plus considérable qu’un coup d’épingle » !

L’arme du crime est un canif de « deux pouces et demi de long », qui traverse « une camisole de flanelle, une chemise, une autre camisole, une veste juste-au-corps et un volant de velours noir. »

Le médecin est confiant. Avec toutes ces pelures, la lame n’a pas pu s’enfoncer suffisamment profondément !

Alors, si la blessure n’est pas grave, pourquoi le roi reste 10 jours cloîtré dans sa chambre ?

Il a cru mourir. Choqué, il se remet complètement en question : il s’en remet à la religion, « se reconnaît pêcheur et n’a de pensée que pour l’au-delà », demande pardon à la reine pour ses (trop) nombreuses maîtresses, nomme son fils le dauphin à sa suite, comprend que le peuple ne l’aime plus depuis longtemps…

Il le dit lui-même :

« La plaie est plus profonde que vous ne le croyez, car elle va jusqu’au cœur. »

Mais quid de la fidèle Mme de Pompadour ? Angoissée, craignant la disgrâce dans ce moment de crise où l’on pensait le roi empoisonné et mourant, elle boucle ses valises, prête à partir.

Car le ministre d’Argenson presse le roi d’éloigner la marquise, de renoncer aux plaisirs de la chair… c’est lui et d’autres ministres qui se feront renvoyer, au final !

Louis XVLouis XV | ©The Metropolitan Museum of Art / CC0

3 - Qui est Damiens ? En tous cas pas l’aïeul de Robespierre !

L’interpellé est interrogé. Il s’appelle François-Robert Damiens.

Il naît tout près d’Arras, en 1715 : ses proches le surnomment… Robert le Diable, rapporte Dictionnaire biographique du département du Pas-de-Calais !

Orphelin de mère, ouvrier, puis enrôlé dans un régiment provincial, il déserte et devient tour à tour aide de cuisine, valet de pied dans 20 maisons différentes... puis part à Paris pour multiplier les emplois précaires auprès de magistrats.

Certains historiens en ont fait… le grand-père de Robespierre, lui aussi natif d’Arras !

Ainsi, la famille de la figure mythique de la Terreur aurait, à la base, porté le nom de Damiens : Louis XV leur permet de changer leur nom, après la tentative de régicide.

Que choisissent-ils ?

Le livre Paris révolutionnaire (G. Lenôtre, 1895) rapporte que Damiens avait deux frères, Robert et Pierre.

Ils réunissent leurs prénoms en un nom de famille : Robert-Pierre, puis, « par une liaison et une élision faciles », Robespierre.

Cette anecdote est fausse, et sacrément tirée par les cheveux ! Il n’y a aucun lien de parenté entre les deux hommes.

Torture de DamiensTorture de Damiens | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

4 - On teste sur lui une machine de torture

On fait transférer Damiens à la Conciergerie de Paris. Sa cellule se trouve juste au-dessus de celle où avait été jeté… le régicide Ravaillac !

On l’interroge sous la torture, on lui brûle les pieds et les tendons d’Achille. On veut savoir s’il a des complices, dans le Nord.

Et comme Damiens s’enfonce dans ses délires, on se dit que finalement, les bonnes vieilles tortures traditionnelles ne sont pas très efficaces.

Ce que l’on retient surtout, c’est que l’interrogatoire dure six heures et quart, rapportent les Mémoires du maréchal duc de Richelieu, « pendant lesquelles le premier président parla presque toujours, laissant à peine à Damiens le temps de répondre. »

Sur quoi on se résigne à utiliser la « Veille », une machine inventée à Avignon, qui consiste en un gros pal aiguisé en pointe de diamant :

« On applique le corps du criminel tout nu, le croupion sur une pointe sur laquelle porte tout le corps, et on attache en même temps des poids à ses pieds ».

Cela a dû être rudement efficace : Damiens crache le morceau et dit avoir agi seul. Il va être condamné à mort.

À la lecture du verdict, il soupire :

« La journée sera rude. »

Le Scélérat Damiens (G. de Saint-Aubin, 1757)Le Scélérat Damiens (G. de Saint-Aubin, 1757) | ©The Metropolitan Museum of Art / CC0

5 - Son écartèlement vire au film d’horreur

Le 28 mars 1757, place de Grève, va avoir lieu l’écartèlement de Damiens, 147 années après celui d’un autre régicide, Ravaillac.

Spectacle garanti… La foule est massive, bruissante. On ne perd pas une miette de l'exécution.

« Les toits de toutes les maisons et les cheminées étaient couverts de monde. Il y a eu même un homme et une femme qui en sont tombés dans la place et qui en ont blessé d’autres. On a remarqué qu’il y avait beaucoup de femmes de distinction, et qu’elles ont mieux soutenu l’horreur de ce supplice que les hommes, ce qui ne leur a pas fait honneur. »

Voici le récit contemporain du supplice :

« On lui brûla la main droite armée du couteau parricide avec un feu de soufre ; ensuite il fut tenaillé aux bras, aux jambes, aux cuisses, aux mamelles, et l'on jeta dans les plaies du plomb fondu, de l'huile bouillante, de la résine, de la cire et du soufre brûlant ; enfin, on l'écartela. Il resta vivant durant tout cet espace de cinq quarts d'heure avec une fermeté intrépide. Pour le dernier appareil, on avait élevé une petite charpente à la hauteur des traits des chevaux sur laquelle il était attaché ; ses bras et ses jambes dépassaient. Quoique ces chevaux fussent très forts, après plusieurs secousses, ils ne purent réussir à séparer les membres ; il fallut couper les muscles principaux avec une hache. Il avait perdu deux cuisses et un bras, il respirait encore, ce ne fut qu'au démembrement de son dernier bras qu’il expira. On remit ses membres épars au tronçon, on alluma un bûcher, on les y jeta et réduits en cendres elles furent jetées au vent. »

Une dame, à son balcon, soupire un mémorable :

« Ah ! Les pauvres chevaux… comme ils doivent souffrir ! »

Ce sont deux membres de la famille Sanson qui officient, en tant que bourreaux :

  • Nicolas-Gabriel ;
  • son neveu de 17 ans Charles-Henri, futur bourreau de Danton, Robespierre et Louis XVI.

Un cauchemar, cet écartèlement : choqué, l’oncle démissionne de ses fonctions après l’exécution et donne sa charge à son neveu (Mémoires des Sanson)...

Exécution de DamiensExécution de Damiens | ©Paris Musées - Musée Carnavalet / CC0

6 - Des changements de nom… inattendus !

Le nom de Damiens a longtemps été maudit : le père, l'épouse, la fille du régicide sont bannis du royaume, avec interdiction de revenir, sous peine de pendaison.

Tous les autres, belles-sœurs, frères et sœurs, tous ses parents sans exceptions, doivent changer de nom, pour, racontent Curiosités judiciaires, historiques et anecdotiques (1859), celui de Guillement.

Toutes les familles portant le nom de Damiens troquent finalement leurs noms…

Plus étonnant, encore, le poète Gresset décide que sa ville natale d’Amiens devait être débaptisée, après ce crime affreux.

Il envoie une épître en vers à Mme de Pompadour, où il demande qu’Amiens devienne... Louisville !

Seulement, le corps de ville, n’ayant pas été consulté par Gresset, fait annuler la demande… et Amiens conserve son nom (Histoire de la ville d'Amiens, 1832).

7 - Casanova à Paris

Le célèbre Casanova arrive à Paris le jour de l’exécution de Damiens.

Et il se trouve… aux premières loges !

« Nous eûmes la constance de rester quatre heures à cet horrible spectacle. Pendant le supplice, je fus forcé de détourner la vue et de me boucher les oreilles quand j’entendis ses cris déchirants, n’ayant plus que la moitié de son corps. »

DamiensDamiens | ©Skara kommun / CC-BY

8 - Une dernière en France

Damiens a été la dernière personne à subir l’écartèlement en France, pratique archaïque jugée trop barbare.

Barbare… pire que cela ! Tellement inhumaine !

Les mémoires des bourreaux Sanson rapportent qu’au moment où l’on jette les restes de Damiens au feu, on se rend compte que les cheveux, de bruns, étaient devenus « blancs comme la neige »...

Il y a alors différents types d’exécutions :

  • la pendaison réservée pour les nobles ;
  • le bûcher pour les hérétiques ;
  • l’écartèlement pour les régicides.

En octobre 1789, avec le projet de réforme du système pénal, le docteur Guillotin propose l’égalité des peines, sans distinction du rang social du condamné.

Il suggère que la décapitation soit le seul et unique moyen de donner la mort, « par l’effet d’une simple mécanique »… la guillotine !

9 - Les paroles prémonitoires de Damiens

« Sire, je suis bien fâché d’avoir eu le malheur de vous approcher ; mais si vous ne prenez pas le parti de votre peuple, avant qu’il soit quelques années d’ici, vous et Monsieur le Dauphin et quelques autres périront. »

Ces mots, Damiens les écrit dans une lettre au roi, depuis son cachot.

Des mots qui résonnent comme une prémonition, quelques années avant la Révolution française...

10 - Les raisons du geste de Damiens

« Je n’ai point eu intention de tuer le roi. Je l’aurais tué si j’avais voulu, je ne l’ai fait que pour que Dieu pût toucher le roi, et le porter à remettre toutes choses en place, et la tranquillité dans ses États. »

Damiens a voulu « toucher » Louis XV, pour attirer l’attention sur les conditions de vie misérable du peuple.

Quand il le frappe, il n’a aucune intention de le tuer.

Et malgré la blessure somme toute superficielle du roi, Damiens est tout de même condamné à mort.

Une autre raison à ce geste, évoquée par Marion Sigaut dans son roman La marche rouge, les enfants perdus de l'hôpital général (2008) : la fille de Damiens aurait été enlevée à Paris, en 1749.

Elle n’est pas la seule : une vague d’enfants disparaît alors tous les jours, à cette époque, victimes d’un véritable trafic de prostitution juvénile, à l’Hôpital Général de la capitale…

La fille de Damiens aurait fait partie des victimes, il se serait vengé sur la sacro-sainte personne du roi.

Sources

  • Abel Hugo. France historique et monumentale. 1843.
  • Alphonse Jobez. La France sous Louis XV (1715-1774). 1867.
  • Claire Fourier. Tombeau pour Damiens. Éditions du Canoë, 2020.
  • Imbert de Saint-Amand. Les Femmes de la Cour de Louis XV. 1886.
  • Capefigue. Louis XV et la société du 18e siècle. 1843.
  • Chronique de la régence et du règne de Louis XV ou Journal de Barbier (série 5). 1857.
  • Simonde de Sismondi. Histoire des Français (tome 17). 1847.
  • Pierre Rétat. L'Attentat de Damiens : discours sur l'événement au 18e siècle. P.U.de Lyon, 2021.