Van Gogh à l'asile de Saint-Paul-de-Mausole

Du 8 mai 1889 au 16 mai 1890

Le monastèreLe monastère | ©Velvet / CC-BY-SA

L’ancienne abbaye reconvertie en asile psychiatrique est célèbre pour avoir hébergé le peintre Vincent Van Gogh, entre le 8 mai 1889 et le 16 mai 1890, avant sa mort quelques mois après à Auvers-sur-Oise, à l’âge de 37 ans : il y peint une partie incontournable de son œuvre !

Un peu d’histoire...

Au 6e siècle, une chapelle est construite en l’honneur de saint Paul, évêque de Trois-Châteaux, ancien ermite des Alpilles.

Autour de cette chapelle, des moines de Montmajour s’installent au milieu du 11e siècle et construisent un prieuré bénédictin.

Savez-vous d'où vient son nom de Mausole ? Du mausolée gallo-romain du Glanum, voisin du monastère !

L’asile du docteur Mercurin

Des moines, déjà, y établissent un asile en 1605, transformé en hôpital psychiatrique à la Révolution, sous le nom de « Maison de Santé de Saint-Paul-de-Mausole », dirigé par le docteur Mercurin.

Revue britannique (année 1867, tome 1) explique :

« Les deux sexes y sont reçus, mais séparés, quoique jouissant l’un et l’autre de leurs jardins respectifs soigneusement entretenus et de leurs salons de société. Ils peuvent ainsi selon leurs goûts se distraire par la promenade ou la conversation, la culture horticole et les jeux de société, la lecture ou la musique. Tout est combiné pour dissimuler aux pensionnaires de Saint Paul la privation de leur liberté et pour leur inspirer la confiance. Deux fois la semaine la promenade est accordée à ceux qui peuvent jouir de cet exercice, accompagnés d’un surveillant. Le régime de la table est excellent, mais on sert à part ceux qui ont besoin d’un régime particulier ou qui préfèrent prendre seuls leurs repas. À l’établissement sont attachés deux docteurs en médecine l’un résidant nommé par le gouvernement, l’autre médecin en chef, qui fait sa visite journalière. »

Mais pourquoi avoir choisi cette abbaye Saint-Paul-de-Mausole ?

Il y a de l'air, de la lumière, de l'espace, de l'eau potable en abondance...

On y trouve des cabinets de bains, de grands dortoirs, des chambres et des appartements particuliers, des salons communs.

Tout est meublé selon le rang social des patients.

Le cloîtreLe cloître | ©Peter Glyn / CC0

L’arrivée de Van Gogh

8 mai 1889. La voiture à cheval cahote sur la route sèche et caillouteuse.

Des volutes de poussière volent sur le ciel bleu azur. Saint-Paul-de-Mausole est en vue !

Le voyage d’arrivée de Vincent Van Gogh se fait sans encombres. Il est très calme.

Théo, son frère, lui avait écrit :

« Je ne considère pas ton aller à Saint-Rémy comme une retraite, comme tu dis, mais simplement comme un repos d’un moment pour revenir avec des forces nouvelles. Pour moi, j’attribue une partie de ta maladie à ce que ton existence matérielle a été trop négligée. Dans un établissement comme à Saint-Rémy, il y a une grande régularité dans les heures de repas, etc. et je crois que cette régularité ne te fera pas de mal. »

Le docteur Urpar d’Arles explique pourquoi l’état de Vincent nécessite un internement à Mausole : « Il a été atteint, il y a 6 mois, de manie aiguë avec délire généralisé. À cette époque, il s’est coupé l’oreille. »

Vincent ne se souvient plus de cet épisode. C’est… brumeux, comme dans un rêve.

« Actuellement son état s’est amélioré, mais il lui paraît utile d’être soigné dans un asile d’aliénés. »

Hé oui : vous devez le savoir, Van Gogh, alors à Arles, s’est tranché l’oreille après une crise de fureur. En plus, il souffre d’hallucinations auditives et visuelles, ainsi que d’accès de démence.

Bref, lorsque Vincent arrive à Saint-Paul-de-Mausole, c’est un volcan qui bout. Et qui peut exploser à tout moment.

Il va y rester un an.

Chambre de Van Gogh au monastèreChambre de Van Gogh au monastère | ©Velvet / CC-BY-SA

La chambre du peintre

La chambre du Néerlandais se trouve au premier étage, au-dessus du cloître.

Ce sont les patients les plus aisés qui peuvent avoir leur propre chambre.

C’est le cas de Vincent : son frère Théo lui loue trois pièces : chambre, atelier et petit débarras. Le docteur Peyron s’occupe de lui.

Vincent le décrit comme « un petit homme goutteux, veuf et qui portait des lunettes très noires »...

Digestion, lentilles et hallucinations

Vincent raconte à son frère Théo, dans ses lettres, que l’asile n’est en fait qu’une pension de famille où l’on mange mal et où les malades sont laissés à eux-mêmes !

Ils n’ont « d’autres distractions que de se bourrer de pois chiches, d’haricots et de lentilles par des quantités réglées et à heure fixes. La digestion de ces marchandises offrant de certaines difficultés, ils remplissent ainsi leurs journées d’une façon aussi inoffensive que peu coûteuse. »

Vincent a de longs moments de lucidité, puis perd complètement pied. Les hallucinations reviennent.

Mais il se reprend. On lui accorde alors la permission de sortir, il se rend à Arles. À Saint-Rémy, il arpente la campagne et peint tout son saoul.

Avant qu’une nouvelle crise plus violente ne le terrasse. Il alterne les phases aiguës et les phases de « prostration. »

Chaque nouvelle attaque est comme une montagne qui s’effondre sur lui ! Il faut tout recommencer.

Attendre que les démons de ses hallucinations ne le quittent enfin. Jusqu’à la prochaine attaque...

En septembre 1889, Vincent est pris « par une fureur sourde de travail », alors il peint « comme un possédé. » Un jour, il avale même ses couleurs !

Une autre fois, on le ramène à Saint-Rémy, après un séjour à Arles : il ne se souvient plus où il a passé la nuit, ni ce qu’il a fait de ses affaires.

En tout, il a 5 crises assez graves, à Saint-Paul-de-Mausole.

Amandiers en fleurs (1890)Amandiers en fleurs (1890) | Amandiers en fleurs (1890), peint à l'asile | ©Art is a word / Flickr / Public domain

Voir... ailleurs !

Il ne supporte bientôt plus les pensionnaires, qu’on laisse errer seuls et que l’on ne soigne pas vraiment.

« Vivre avec les drôles de malades d’ici, ça détraque », soupire-t-il.

Il doute que l’on puisse faire quelque chose pour lui : « Je dois aussi dire que M. Peyron ne me donne pas beaucoup d’espoir pour l’avenir, ce que je trouve juste, il me fait bien sentir que tout est douteux, que rien ne peut être assuré d’avance. »

Il demande à son frère de le sortir de là, sinon, il pense vraiment devenir fou !

Ça tombe bien : cela fait maintenant un petit moment que Theo lui parle de Pontoise et d’Auvers-sur-Oise.

Un petit paradis ? Le peintre Pissaro y habite : pourquoi ne pas prendre pension chez lui ? L’ami de Pissaro, le docteur Gachet, pourra prendre soi de lui.

C’est ainsi que l’on retrouvera Vincent à Auvers-sur-Oise, sa dernière demeure : mais c’est une autre histoire !

Le couloir de l'asile, détail (1889)Le couloir de l'asile, détail (1889) | ©The Metropolitan Museum of Art / CC0
Champ de blés avec cyprès (1889)Champ de blés avec cyprès (1889) | Champ de blés avec cyprès (1889), peint à l'asile | ©The Metropolitan Museum of Art / CC0

De quoi souffre Van Gogh ?

On sait qu’à Arles, où il partage un atelier avec son ami Gauguin, Vincent se dispute avec ce dernier et se tranche l’oreille avec un rasoir.

D’où le portrait à l’oreille bandée. Il s’est tranché toute l’oreille gauche, dans une crise extrême.

Suite a cela, les crises psychotiques le frappent de plus en plus fréquemment : il est hospitalisé trois fois à Arles, puis transféré à Saint-Paul-de-Mausole.

Mais de quoi souffre-t-il ?

Schizophrénie, syphilis, dépression sévère, intoxication au monoxyde de carbone, alcoolisme (l’absinthe) couplé à des troubles bipolaires (les fameuses phases créatives et phases dépressives), du surmenage et de la malnutrition (il n’a jamais connu le succès de son vivant et a vécu pauvre) ?

C’est vraisemblablement ces combinaisons de facteurs qui expliquent ses accès psychotiques.

Femmes ramassant les olives (1889), peint à l'asileFemmes ramassant les olives (1889), peint à l'asile | ©The Metropolitan Museum of Art / CC0

Une période prolifique !

Inspiré par les paysages lumineux de Saint-Rémy-de-Provence, Van Gogh réalise à Saint-Paul-de-Mausole 143 peintures et 100 dessins.

Dont les célébrissimes Nuit étoilée, Champs d’oliviers, Champ de blé avec cyprès et Amandiers en fleurs

Incroyable, vous ne trouvez pas ?

Source

  • Gustave Coquiot. Vincent Van Gogh. 1923.