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Une vie parmi les flibustiers de l’île de la Tortue : Bertrand d’Ogeron, enterré à Saint-Séverin

Quand : 1615 - 31 janvier 1676

La plaque tombale de Bertrand d'Ogeron à Saint-Séverin | Anecdotrip.com / CC-BY-NC-SA
Lieu de sépulture Exploration Église paroissiale Église Saint-Séverin

Vous sentez, cet appel du large, cette odeur sauvage de piment, de café et de ponton en bois racorni par un soleil de feu, léché par les vagues ?

Bertrand d'Ogeron est mort le 31 janvier 1676, à Paris, et a été enterré loin du paradis, au cœur de l'église Saint-Séverin.

Loin des palmiers bercés par le vent iodé, loin des mers des Caraïbes, scintillantes de chaleur...

Allons découvrir qui se cache derrière le tout premier gouverneur de l'île de la Tortue, bastion des flibustiers qui écument les eaux turquoise des Antilles, au 17e siècle. Fondateur aussi de la colonie de Saint-Domingue... future Haïti !

Qui se cache derrière l’Angevin qui fonde Saint-Domingue au 17e siècle, actuelle Haïti ?

Un aventurier, un vrai, les traits burinés. La peau tannée comme du vieux cuir.

Le vent violent, le sel piquant, les vagues couleur d’huître lui ont forgé sa carapace.

Bertrand est dans son élément, sous le soleil mordant. Avec les entrailles de la mer qui charrient au plus profond de ses eaux argentées des tempêtes monstrueuses, la mer couleur aigue-marine polie.

Bertrand hume ce parfum profond, enivrant, corsé, du fond des sous-bois, de résine et de palmiers. Odeur mêlée à celle du sable chaud, de la roche mouillée que le soleil réchauffe…

Mais il se redresse vivement. Pas le temps de rêvasser ! Il a du pain sur la planche !

1665. Louis XIV nomme Bertrand d’Ogeron gouverneur de l’île de la Tortue et de Saint-Domingue. Lui, l’ancien boucanier !

D’Ogeron naît à Rochefort-en-Loire en 1615 d’un papa vigneron. Bertrand, lui, c'est la mer qui le botte. Alors il entre dans la marine et devient capitaine.

Il se perd du côté de la Martinique, échoue sur les côtes de Saint-Domingue, et finit par faire partie du clan des boucaniers et des flibustiers.

Il revient en France, raconte son envie de conquérir cette île fabuleuse !

Vous savez quoi ? Louis XIV et sa nouvelle Compagnie des Indes le nomment gouverneur de Saint-Domingue et de l'île de la Tortue. C’est parti pour... L'AVENTURE !!

L’île de la Tortue, repaire mythique de boucaniers et de flibustiers

17e siècle, île de la Tortue, mer des Caraïbes.

La nuit couleur indigo sombre semble piquetée par le diamant des étoiles. Une lune rousse inonde le port flibuste.

Ça sent le rhum, le sucre blond, la sueur et le sel incrustés dans les peaux cuivrées des hommes. Les fiers vaisseaux font des allers-retours silencieux.

Voilà l’île de la Tortue, au large d’Haïti, le port mythique de tous les flibustiers des Caraïbes !

Découvert par Colomb, d'abord exploité par les Espagnols, c’est le tout premier territoire de Saint-Domingue colonisé par les Français. Des boucaniers et des flibustiers, tous aventuriers qui fuient guerres civiles et persécutions religieuses.

Leur fief ? La Tortue ! De cette île émeraude en forme de carapace, les flibustiers s’attaquent aux navires ennemis.

On a vu la différence entre corsaire et pirate avec le Malouin Duguay-Trouin, vous savez ? Le pirate est un hors-la-loi, le corsaire pille en temps de guerre avec autorisation du roi.

Le flibustier lui, se rapproche du corsaire, mais en plus, il s’est exilé de France.

Et le boucanier ? C'est un chasseur solitaire dont le nom vient de la façon qu’il a de fumer la viande sur le boucan, un gril en bois.

Mais aux boucaniers et flibustiers s'ajoute une 3e caste : les « engagés. » Attention, esclavage en vue...

Saint-Domingue, d’Ogeron et la traite des blancs... avant celle des Noirs

Les engagés angevins de 36 mois

Ça y est. Bertrand est gouverneur de l’île de la Tortue. Hééé... il faut la peupler, maintenant ! Avec... des « engagés de 36 mois. »

Des colons volontaires pour 3 ans, que l’on va recruter jusqu’au 18e siècle dans tout l’Ouest de la France : au bout des 3 ans, hop ! Ils sont libres. De repartir en France ou de rester...

D’Ogeron fait aussi venir des femmes : des futures épouses ! Prostituées ou criminelles, elles sont littéralement vendues... au plus offrant. Histoire de peupler l’île, et de calmer les mœurs des rudes boucaniers...

Traite des blancs, Code noir et ports négriers

Mais je vous entends dire : « Dites donc, l’engagisme... c’est du servage ? »

Hé oui. Il faut fournir de la main-d’œuvre aux nouvelles terres des Antilles françaises : Saint-Domingue, la Guadeloupe, la Martinique. Main-d’œuvre pour les cultures du tabac et de l’indigo.

Mais les engagés ne sont pas nombreux (tiens donc)... alors la traite des noirs se développe, surtout avec l’adoption du Code Noir en 1685, qui précise droits et devoirs des maîtres et esclaves. Pratique : à la différence de l’engagé, l’esclave reste lié à vie à son maître...

Car vient l’ère de la culture de la canne à sucre et de l’esclavage, faisant de la colonie française de Saint-Domingue la plus riche des Antilles.

Et des ports négriers de Nantes et La Rochelle partiront bien des vaisseaux, vers la précieuse Saint-Domingue, les cales lourdes d’esclaves africains...

Oui, n'oublions jamais : on ne bâtit des puissances que dans le sang et la douleur.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !