Une histoire de ventre explosif ou l’horrible enterrement de Guillaume le Conquérant à Caen

Saint-Etienne de Caen, tombeau de Guillaume le ConquérantSaint-Etienne de Caen, tombeau de Guillaume le Conquérant | ©Sniper Zeta / CC-BY-SA

Que s’est-il passé pour que les funérailles de Guillaume le Conquérant, le plus grand Normand, tournent au cauchemar, dans l’abbatiale Saint-Étienne de Caen ?

La mort du Conquérant : une histoire de ventre, partie 1

Mantes, 1087. Rouleaux de flammes torrides.

Tout brûle. Du rugissement du feu explosent des hurlements de peur.

Lui, masse colossale dressée sur son énorme percheron au milieu des rues saturées de corps sans vie.

Il éperonne les flancs, vocifère, fait tourner son épée au-dessus de sa tête.

Puis... convulsion. Le cheval, épuisé, trébuche. Tombe lourdement sur le pavé.

Guillaume, jeté contre le pommeau de la selle, se blesse le bas du ventre.

Coup violent. Un voile noir lui obscurcit la vue.

Crever !! Guillaume, ça y est ! Tu vas crever ! Déjà ?... une vie... un souffle... rien vu passer...

Alors ? Il vient de se passer quoi, là ?

Fâché que le roi de France débarque sans arrêt sur ses terres en Normandie (et devant son refus d’arrêter), Guillaume le Conquérant avait fait le siège de la ville de Mantes.

Le dernier de sa longue carrière de duc normand...

On le relève. On le transporte à Rouen.

Non mais, regardez-le : Guillaume a 59 ans. C'est un vieillard pour l’époque.

Malade, obèse, épuisé par une vie de luttes, le coup au ventre est fatal.

6 semaines après sa chute, il meurt dans un faubourg de Rouen.

Inhumation de Guillaume le Conquérant (T. Géricault, 1823)Inhumation de Guillaume le Conquérant (T. Géricault, 1823) | ©Rijksmuseum / CC0

Obèse, Guillaume ? Une histoire de ventre, partie 2

Et voilà : un coup au ventre, fatal pour le Conquérant ! Un ventre... qui mérite bien une petite parenthèse !

On ne sait pas à quoi ressemble Guillaume, faute de portrait.

On sait juste qu’il est très grand pour l’époque (1,80 m) et qu’il porte les cheveux courts.

Ah, si, on sait que Guillaume devient obèse, à la fin de sa vie.

Il se promène un bon gros bidon, à tel point que l’on se demande comment il se débrouille, pour monter à cheval et batailler...

Il lui fallait une selle spéciale et des étriers en fer pour soutenir sa masse !

Et l'on se moque de lui : à commencer par le roi de France Philippe Ier (bien ventru lui aussi), qui demande un jour quand le « gros bâtard » se remettra de son accouchement !

Son bide énorme va être le responsable de son enterrement cauchemardesque, à Caen, on va voir pourquoi...

Saint-Etienne, CaenSaint-Etienne, Caen | Saint-Étienne, Caen | ©Olive Titus / Flickr / CC-BY

L’enterrement du Conquérant... un bide !

Odeur d’encens tiède qui monte dans l’immensité glaciale de la nef.

On est en septembre 1087, tout le monde se prépare à enterrer le Conquérant, au cœur de l’église Saint-Étienne, nichée dans l’abbaye aux Hommes.

Son abbaye, sa fondation.

Silence écrasant. Échos de raclements de gorges et de toussotements. On se recueille... avant le drame.

Car on a eu un petit problème technique : tous les cercueils étaient tous trop petits. Étroits, surtout. Impossible de faire rentrer le ventre normand...

Il a fallu lui en fabriquer un à la va-vite pour contenir son corps.

Le chroniqueur normand Ordéric Vital rapporte l’anecdote : le corps de Guillaume, cousu dans une peau de bœuf, se fait fourrer (non sans mal) dans le cercueil.

En forçant, quoi. Du coup, ça ne ferme pas bien.

Vous voyez venir le truc ? C’est une bombe à retardement...

Et ça ne loupe pas : pendant la cérémonie religieuse, le ventre compressé explose (avec beaucoup de bruit !).

Le cercueil s’ouvre et une puanteur inimaginable dégueule dans toute l’église.

Les fumées d’encens ne servent à rien : il faut attendre des heures pour que l’odeur atroce se dissipe.

Terrible, non, pour le Normand fondateur d’une puissante dynastie outre Manche ?

Sources

  • Michel Pastoureau. Le roi tué par un cochon : une mort infâme aux origines des emblèmes de la France ? Le Seuil, 2015.
  • Antonin Roche. Histoire d'Angleterre depuis les temps les plus reculés (tome 1). 1875.
  • Augustin Labutte. Histoire des ducs de Normandie jusqu'à la mort de Guillaume le Conquérant. 1866.