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Une histoire de vapeur au château de Jouffroy d'Abbans !

Quand : 1776

Statue de Jouffroy, Besançon | ©Arnaud Clerget / CC-BY-SA
Château Château de Jouffroy d'Abbans

L’invention du premier bateau à vapeur a lieu ici, au château d’Abbans, en 1776 !

Allons à la rencontre de son inventeur...

Deux mots sur le château

C’est un château construit par les seigneurs d’Abbans, au 9e siècle. Il domine la vallée du Doubs de toute sa hauteur, impressionnant !

Les siècles passent et le château est reconstruit, modifié, agrandi…

C’est en 1484 que Jacques Jouffroy épouse Anne de Joux, l’héritière, et s’installe au château.

Claude-François de Jouffroy d'Abbans, l’homme qui nous intéresse dans cette histoire, va donner au château son aspect actuel...

Nous sommes en 1776. Claude-François a passé toute sa jeunesse au château d’Abbans, né en 1751 dans la propriété familiale de Roches-sur-Rognon.

On le destine à une carrière dans l’armée : à 20 ans, il devient sous-lieutenant au régiment de Bourbon. Mais lui préfère la science !

Son projet ? Faire avancer les bateaux, avec la vapeur !

Le château

Le château | ©Espirat / CC-BY-SA

Une histoire de vapeur

Jusqu’à cette époque, les bateaux ne voguent que grâce au vent, la traction animale, les voiles, les rames.

Et si… la vapeur venait tout changer ?

Jouffroy n’est pas totalement un précurseur dans le domaine, puisqu’en 1690, le physicien Denis Papin a déjà étudié la force de la vapeur : il imagine soulever un piston dans un cylindre au moyen de l’eau vaporisée, et de le ramener dans sa position initiale, en condensant cette vapeur.

Il invente ainsi le Digesteur, ancêtre de l’autocuiseur.

Outre-Manche, on a eu en 1698 Savery, qui invente la chaudière séparée, puis en 1769, Watt avec sa machine à simple effet.

En France, après Papin, ce sont les frères Périer, qui reviennent en force avec une machine Watt qu’ils installent à Chaillot, pour un projet de pompage de l’eau, en 1778 : leur invention alimente Paris en eau potable jusqu’en 1853 !

Comment Jouffroy trouve l'inspiration !

Jouffroy d’Abbans a eu largement le temps de mûrir son projet… savez-vous comment ?

Pendant un séjour en prison !

Il s’est battu en duel avec le futur Charles X (Jouffroy le culotté lui lance « Prince, ce ne sont pas les rois qui font les gentilshommes, mais les gentilshommes qui font les rois » !)

La petite histoire raconte que c’est pendant cet emprisonnement de deux ans, au large de Cannes, sur l’île de Sainte-Marguerite, qu’il observe les galères ramer.

Il se dit : mince, c’est tout de même peu pratique, ces rames…

Il demande au gouverneur de la prison de pouvoir étudier les sciences en lui fournissant papiers et bouquins… en échange de la promesse de ne pas s’évader ! Et il étudie tout son saoul...

En 1774, Jouffroy d’Abbans rentre en Franche-Comté, dans le château familial, après un séjour à Chaillot pour étudier la machine des Périer.

Ça y est, il est mûr pour créer son premier prototype de navire à vapeur !

Il se retrousse les manches : il faut trouver des associés, des sous...

Son père ne le soutenant pas, c’est sa sœur, à l’abbaye des Dames, qui récolte des fonds.

Portail d'entrée du château

Portail d'entrée du château | ©Espirat / CC-BY-SA

Ses deux premiers prototypes

Son premier bébé, le Palmipède, voit le jour en 1776 : de 13 mètres de long, c'est une machine dont la vapeur actionne des rames en forme de palmes !

Il le fait même naviguer à Baume-les-Dames, sur le Doubs ! Seul hic : les palmes empêchent le bateau de passer l’écluse...

En juillet 1783, il fait naviguer son deuxième prototype, le Pyroscaphe (46 m de long), sur plusieurs kilomètres, sur la Saône à quelques pas de Lyon, devant une foule médusée de 10 000 spectateurs.

C’est ce modèle qu’il crée au château d’Abbans. Entre temps, il a été abandonné par ses associés, par sa famille.

Il faut dire qu'il a engouffré tout son argent dans ce projet, sacrifié sa lune de miel (il s’est marié deux mois avant)…

Ne supportant pas l’idée d’un échec, il s’embarque sur son navire un pistolet en poche, au cas où ! Mais on l’a vu, c’est un succès.

Mais… la Révolution approche, le temps presse ! Pour obtenir un brevet, le bateau doit naviguer à Paris, sur une distance bien plus longue que sur la Saône...

Le château

Le château | ©GFreihalter / CC-BY-SA

Jouffroy-la-Pompe !

Jouffroy tente de solliciter Calonne, le contrôleur des Finances, pour obtenir un privilège de 30 ans, afin de fonder un service de bateau à vapeur sur la Saône.

Calonne donne le dossier à une commission composée entre autres… des frères Périer.

Crotte ! Jaloux, conscients de l’avenir des travaux révolutionnaires de Jouffroy, les frangins demandent à ce que de nouvelles expériences soient faites à Paris… avec « leur » pompe à feu de Chaillot.

Naïf, Jouffroy pense que les Périer vont l’aider à construire sa machine dans leur atelier, le seul capable de le faire à l’époque.

Ils refusent, voulant être sûrs que Jouffroy obtienne un fond de 100 000 livres, au moins…

Celui-ci frappe à toutes les banques, s’y heurte : on le surnomme bientôt Jouffroy-la-Pompe, « le gentilhomme de Franche-Comté qui embarque des pompes à feu sur les rivières » !

La fin

Exilé par la Révolution française, sans le sou, Jouffroy d'Abbans ne reprend ses travaux qu’en 1816.

Il lance le Charles-Philippe, version améliorée de son Pyroscaphe.

Mais c’est un échec. Tenace, Jouffroy lance le bien-nommé Persévérant en 1819, son 5e bateau : il ne réussit pas, une nouvelle fois, à réunir les fonds pour assurer l’exploitation.

Définitivement ruiné, Jouffroy part prendre une retraite bien méritée aux Invalides. Il y meurt de choléra, en 1822.

Épilogue

L’Histoire a retenu le nom de l’Américain Robert Fulton, comme créateur du bateau à vapeur. Il dira :

« Si la gloire ne devait revenir qu’à un seul homme, elle reviendrait à l’auteur des expériences menées sur la Saône à Lyon en 1783. »

Source

  • J. C. Alfred Prost. Le marquis de Jouffroy d'Abbans : inventeur de l'application de la vapeur à la navigation. 1890.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !