Le pitch !
Le général Kléber ! Colosse à la brillante carrière militaire, pendant les guerres révolutionnaires.
Napoléon Bonaparte le remarque, l’emmène avec lui faire sa campagne d’Égypte... jusqu’à son assassinat au Caire, en 1800.
Un an plus tard, son cercueil revient en France et se fait déposer au château d’If, au large de Marseille. Pour un court instant, normalement...
Mais le futur empereur oublie le corps de Kléber.
Qui reste 18 ans au château d’If, avant son transfert dans sa ville natale de Strasbourg.
Kléber en deux mots
Kléber... l'architecte alsacien !
Jean-Baptiste Kléber naît à Strasbourg en 1753.
À la base, il se destine à une carrière... d'architecte ! On lui doit notamment l'hôtel-de-ville de la ville de Thann.
Kléber le général... et les culottes de Napoléon
Ne trouvant pas de travail, il se reconvertit, s’engage dans l’armée !
Il met fin à la guerre de Vendée, pendant la Révolution française, en anéantissant les royalistes à Savenay, puis Bonaparte le pousse à le suivre pour la campagne d’Égypte, en 1798.
Mais le Corse abandonne ses troupes pour aller faire son coup d'État à Paris, an août 1799.
Kléber se retrouve malgré lui au commandement des armées, situation qu’il n’apprécie pas vraiment :
« Me voilà avec l’Égypte sur le dos. Notre homme est parti comme un sous-lieutenant qui brûle sa paillasse après avoir rempli du bout de ses dettes et de ses fredaines les cafés de la garnison. Mes amis, ce bougre-là nous a laissé ici ses culottes pleines de merde, nous allons retourner en Europe et les lui appliquer sur la figure. »
Un colosse
Napoléon dit de celui qui a la carrure d'un rugbyman : « C'était Mars, le dieu de la guerre en personne » ou « Rien n'est beau comme Kléber un jour de combat » !
Un meneur d'homme
Jean-Baptiste Kléber gagne brillamment la bataille d'Héliopolis, en mars 1800.
Quand les Anglais le somment de se rendre, il rugit à son armée le célèbre :
« Soldats, on ne répond à une telle insolence que par des victoires : préparez-vous à combattre ! »
La mort de Kléber au Caire
Le 14 juin 1800, Kléber est assassiné au Caire par un étudiant syrien, Soleyman El-Halaby.
Kléber vaque alors sur la terrasse de son palais cairote, aux côtés de l’architecte Protain.
Soudain, un jeune homme s’avance et lui plante un couteau dans le cœur. Kléber hurle : « À moi ! Je suis blessé ! » avant de s’effondrer.
Protain bondit sur l’assassin, reçoit 6 coups de poignard, avant que l’agresseur ne revienne achever Kléber 3 nouvelles fois.
Un soldat de passage donne l’alerte. Kléber meurt quelques minutes plus tard...
Le docteur Casabianca rapporte que le premier coup de poignard « traversa obliquement la poitrine, de l’hypocondre droit à l’oreillette droite du cœur, et perça cet organe à quelques millimètres de profondeur. »
Il constate « dans la paroi antérieure de l’oreillette, une plaie irrégulière de quinze à seize millimètres. »
Empalé vif !
L’assassin se fait arrêter deux heures plus tard.
Protain, blessé mais en vie, l’a identifié. Il est condamné à avoir le poing brûlé, puis à être empalé vif.
Pour la petite histoire, le couteau qui blesse mortellement Kléber au cœur est exposé au musée des Beaux-Arts de Carcassonne !
Et saviez-vous que Kléber tombait le même jour, la même année, que le général Desaix, mort, lui, à la bataille de Marengo, à l’âge de 31 ans ?
Kléber embaumé à l'égyptienne et inhumé au Caire
La dépouille mortelle de Kléber reçoit au Caire des funérailles le 17 juin : le cortège dans les rues cairotes est accompagné de tirs de canons ; les soldats viennent déposer des couronnes de cyprès, sur le corps de leur chef.
Après un éloge funèbre, Kléber est inhumé dans une fosse creusée dans un des bastions du camp retranché d'Ibrahim-Bey, à quelques kilomètres du Caire.
Le chirurgien en chef Larrey embaume le corps du général, avec une technique inspirée de la momification antique égyptienne, nous dit Robert Solé dans Bonaparte à la conquête de l’Égypte (2016) !
Qui consiste en des lavages internes avec injections d’eau saline, injections de chlorure de mercure et application d’un vernis coloré, pour finir.
Deux (éphémères) monuments funéraires
À la nouvelle de la mort de Kléber, on décide, à un moment, de construire, un monument en forme de temple égyptien, sur la place des Victoires à Paris. À la mémoire également de Desaix, mort le même jour à Marengo, on l’a vu.
Mais le mausolée ne se résuma qu’à une maquette grandeur nature, en plâtre et en toile, avant d’être démoli !
À Strasbourg, la ville fait construire un monument d’une quinzaine de mètres, de mauvais goût, qui ne fait pas long feu.
Kléber au château d'If : un prisonnier d’État !
Les restes embaumés de Kléber atterrissent ensuite au château d'If, au large de Marseille : rapportés après l'évacuation de l’Égypte par les Français, suite à leur capitulation le 31 août 1801, face aux Anglais.
Son corps est littéralement oublié, sous prétexte d'une quarantaine ordonnée par Napoléon... Il va rester dans la forteresse provençale 18 longues années !
Napoléon avait-il gardé une dent contre Kléber, qui lui en voulait d’avoir abandonné son armée en Égypte ?
C’est en 1814 que le général Du Muy alerte le premier le gouvernement royal sur les restes oubliés de Kléber à If. Pas de réponse !
Nouvelle alerte 4 ans plus tard, avec le général Damas, ancien chef d’état-major de Kléber. Il évoque un corps « dans le plus entier abandon. »
En 1810 déjà, Thibaudeau, préfet des Bouches-du-Rhône, fait visiter le château d’If au conseiller d’État Corvetto, venu inspecter la prison de la forteresse. Le préfet lui dit :
« – Il y a un mort prisonnier d’État. Un prisonnier qui ne parle pas, mais pour qui parlent l’honneur de la France et l’histoire.
– Qui est-ce ?
– Le général Kléber.
– Comment !
– Lui-même, détenu ici depuis dix ans.
– Je vous remercie, je vous promets d’en parler à l’empereur, c’est une honte. »
La suite !
Le 18 août 1818, les restes de Kléber sortent de 18 ans d'enfermement au château d'If.
On débarque son cercueil sur le quai de la Canebière, où un pasteur protestant prononce un discours.
Sauf que… les autorités de la ville et du consistoire protestant de Strasbourg pensaient que Kléber, parce qu’Alsacien d’origine, devait être protestant... or, il était catholique !
Il faut même ressortir l’acte de baptême de Kléber des registres de la paroisse catholique de Saint-Pierre-le-Vieux, à Strasbourg.
Quoi qu’il en soit, le cortège prend la route de Strasbourg. Et ça, c’est une autre histoire !
Sources
- Arthur Chuquet. Quatre généraux de la Révolution : Hoche et Desaix , Kléber et Marceau (tome 4). 1920.
- Charles Pajol. Kléber sa vie, sa correspondance. 1877.
- Auguste Echard. J.-B. Kléber : un fils de l'Alsace. 1883.
- 14 juin 2012 : place à Kléber ! Bertrand Beyern, bertrandbeyern.fr.
- Mémoires de chirurgie militaire et Campagne de D. Larrey. 1812.