De Marseille à Strasbourg
Après avoir été assassiné par un fanatique au Caire en juin 1800, le corps du général strasbourgeois Jean-Baptiste Kléber est rapatrié au château d'If de Marseille, où on l'oublie pendant 18 ans.
En 1818, Napoléon mort, le Premier Empire enterré, le ministre de la Guerre Dupont de l’Étang propose que Kléber soit inhumé à Marseille, avec les honneurs qui lui sont dus.
Silence radio !
Il faut attendre 1818 pour que le général Damas propose que les restes de Kléber soient récupérés et inhumés dignement dans sa ville natale, Strasbourg.
Louis XVIII accepte !
Le cercueil se met en route pour l'Alsace
En août 1818, le cercueil de Kléber sort de 18 ans d’oubli au château d’If. La lumière, enfin !
Après une rapide oraison funèbre sur les quais de Marseille, le cercueil de Kléber prend la route de Strasbourg, pour arriver dans la cité alsacienne début septembre.
Le 7 de ce mois, une cérémonie solennelle a lieu en la cathédrale, en présence des autorités militaires.
Après l’oraison funèbre prononcée par le chef de l’état-major, les troupes font tonner 11 coups de canon.
La cérémonie achevée, les restes de Kléber sont déposés dans un caveau de la chapelle Saint-Laurent de la cathédrale. Le temps que son caveau définitif soit construit.
Ils y resteront... pendant 20 ans !
De la cathédrale à la place d'Armes
On avait donc laissé la dépouille de Kléber dans la cathédrale alsacienne, en 1818.
À présent, elle pouvait enfin rejoindre le caveau fraîchement creusé sur la place d'Armes, actuelle place Kléber !
Le 13 décembre 1838, les restes du général sortent de la cathédrale de Strasbourg : son corps fait un trajet solennel jusqu’à la place d’Armes, dans un char funèbre tiré par 8 chevaux.
Ils reposent dans trois cercueils : son sarcophage en pierre de taille, un cercueil de plomb lui-même dans un autre cercueil en bois de chêne.
Le tout est déposé dans le caveau creusé sous la statue actuelle, dont voici l'histoire...
Une statue sur la place d'Armes
Un comité formé par le général de la Révolution Dubreton ouvre, dès 1818, une souscription pour ériger un monument à Kléber, à Strasbourg, sur la place Broglie.
Le projet n’aboutira... jamais. Le maire de la ville reprend la suite en 1832.
C’est la place d’Armes qui est préférée, cette fois !
Le projet du sculpteur Philippe Grass est choisi. Il s’agit du monument actuel !
Une statue seulement inaugurée le 14 juin 1840. Soit 40 ans, jour pour jour, après la mort de Kléber !
La statue actuelle
La statue représente notre général strasbourgeois fièrement campé dans ses bottes, une lettre roulée, crispée dans sa main.
Cette lettre… il s’agit de l’ordre de quitter l’Égypte, envoyé par l’amiral anglais Keith, lors de la bataille d’Héliopolis !
Avec aplomb, Kléber avait rugi à son armée, en réponse à l’Anglais :
« Soldats, on ne répond à une telle insolence que par des victoires : préparez-vous à combattre ! »
L’Égypte est symbolisée par ce petit sphinx, aux pieds de Kléber...
Les Allemands déplacent Kléber !
Ouf ! Depuis son oubli au château d’If, le corps du pauvre général en avait fini, des péripéties ! À moins que ?...
Les Allemands, qui occupent Strasbourg pendant la Seconde Guerre Mondiale, déplacent le corps de Kléber au cimetière militaire de Cronenbourg, à quelques kilomètres de Strasbourg.
Ils déménagent la statue au Musée historique de Strasbourg.
Le corps et son effigie retrouvent leur caveau strasbourgeois en 1945, lors de la libération de la ville.
Une tombe... dans un parking
Le caveau qui abrite la sépulture de Kléber a même survécu à la création du parking souterrain actuel, en juillet 1968 !
Voilà pourquoi il est totalement incongru de trouver une plaque commémorative dorée, entre les voitures.
Elle mentionne qu’« ici repose le corps du général Jean-Baptiste Kléber, commandant en chef de l’armée d’Égypte » !
Sources
- Alfred Betz. Libération de Strasbourg : 23 novembre 1944. 1948.
- P. J. Fargès-Mericourt. Description de la ville de Strasbourg. 1840.
- L'Ami de la religion (tome 99). 1838.
- Hervé de Chalendar. Les tribulations du cercueil de Kléber. L’Alsace, lalsace.fr. 29/11/2016.
- Arthur Chuquet. Quatre généraux de la Révolution : Hoche et Desaix , Kléber et Marceau (tome 4). 1920.
- Yves Bonnel, Gérard Ulrich. Monuments et sites napoléoniens : Strasbourg et environs. Kaléidoscope d’Alsace, 1988.