Tumeur ou médecins : qui aura la peau de Marie-Thérèse d’Autriche, reine timide et humiliée ?
Versailles, 30 juillet 1683. Ciel couleur d’ardoise. Atmosphère orageuse. Un air lourd, humide, a envahi le château.
La reine de France Marie-Thérèse, 45 ans, vient de mourir !
Elle a soufflé ces derniers mots : « Depuis que je suis reine, je n’ai eu qu’un seul jour heureux... »
Cousins comme cochons : on fait connaissance ?
La famille tuyaux de poêle !
Marie-Thérèse d'Autriche ?
Il s'agit de l'épouse de Louis XIV, fille du roi d’Espagne Philippe IV et petite-fille de Marie de Médicis et d’Henri IV.
Tenez-vous bien : la mère de Marie-Thérèse est la sœur de Louis XIII, son père a pour sœur Anne d’Autriche... mère de Louis XIV !
Ce qui fait de celui-ci son cousin.
L'humiliation à Versailles
Sitôt marié, le cousin en question se désintéresse vite de la pieuse et timide jeune femme.
Alors, la pauvre Marie-Thérèse s'enferme à Versailles avec ses dames de compagnie, ses chiens, ses oranges et son chocolat (des nouveautés en France), qu’elle a ramenés d’Espagne et dont elle se goinfre.
Humiliée par les nombreuses maîtresses de son mari, maladivement timide, ses apparitions maladroites provoquent les rires moqueurs.
Ne manque plus que son seul soutien à la cour, Anne d’Autriche, meurt d’un terrible cancer du sein, pour la laisser dans une solitude cruelle...
Chronique d'une mort annoncée
Rhumatisme, vous êtes sûrs ?
La maladie de la reine Marie-Thérèse survient brutalement. Comme un éclair de chaleur au milieu d’une après-midi radieuse, vous voyez le genre ?
C'est une tumeur bénigne sous le bras gauche.
Un bête « rhumatisme », claironnent les pros du bistouri, nos deux braves médecins : j'ai nommé Guy Fagon et Antoine d’Aquin.
On ne l’incise pas, et les deux font une saignée.
Attendez, le pire arrive !
Et on lui saignera l'abcès...
Le 26 juillet 1683, les premiers malaises prennent la reine.
Alors dans la nuit du 27 au 28, il faut appeler le duo de choc Fagon-d'Aquin, qui découvre un abcès sous l’aisselle gauche. Tout violet et purulent.
Ils décident une saignée. La nuit suivante, devinez quoi ? Douleurs et fièvres intenses se déclarent !
Alors le 30, les deux se concertent en urgence : d’Aquin en vient à la conclusion qu’il faut... une saignée du pied !
Oui. Vous avez bien entendu. Une SAIGNÉE DU PIED ! Pour une tumeur !
Fagon se moque, au début, il s’y oppose. Mais d’Aquin ne veut rien entendre. Rien à faire. Alors on pratique l’opération.
Comme par hasard, Marie-Thérèse ne se sent vraiment pas bien !
Inquiet, d’Aquin lui donne de l’émétique, un produit pour faire vomir. Il peut toujours lui coller tous les purgatifs du monde... cela ne lui fera rien !... pire, la reine meurt juste après.
Dire qu’il aurait juste fallu crever l’abcès !
La faute des médecins ?
Il faut crever l'abcès !
Vous aussi, vous vous dites : pourquoi tout ce carnage, alors qu’il suffisait de crever l’abcès ?
Alors que là, le liquide purulent s’est crevé en dedans et a contaminé les poumons de la pauvresse, entraînant la suffocation et la mort...
Histoire de France sous Louis XIV (Larrey) dit :
« On a dit que l’ignorance des médecins l’avait tuée (la reine, ndlr) et que, si au lieu de la saigner comme ils firent, ils eussent laissé agir la nature, elle eût poussé au-dehors le venin que la saignée fit rester au dedans et qui l’étouffa. »
Saint-Simon, le chroniqueur langue de vipère, confie :
« La perte de la reine eut pour cause l’ignorance profonde et l’opiniâtreté du médecin d’Aquin. »
D'Aquin le rétrograde
Mais bien sûr que la mort de la reine aurait pu être évitée !
Oui, il y a eu abcès sous l’aisselle et suppuration à l’intérieur. Le médecin qui a réalisé la saignée fatale, d’Aquin, aurait dû inciser l’abcès avec une lancette (instrument que l’on connaît très bien à l’époque), basta.
Sauf que lui, les progrès de la médecine, d’Aquin s’en fiche, végétant avec ses connaissances d’un autre temps.
Il traite toutes les maladies avec LA solution à l'ancienne : une bonne vieille saignée !
Un saigneur qui inspire Molière !
Voilà : d’Aquin, tenu pour responsable de la mort de la reine, tombe en disgrâce peu après...
Même le grand Molière se moque de lui : dans L’Amour Médecin, d’Aquin devient le docteur Tomès... la racine grecque tomê signifiant « incision », Tomès, c'est le « saigneur » !
Pas mal, pour un adepte de la saignée ?
Moquée, même après sa mort
D’abord, tout le monde pleure Marie-Thérèse, « soit de regret, soit par imitation » dit une mauvaise langue de la cour.
8 jours après, au milieu du cortège qui menait son corps à son tombeau de la basilique Saint-Denis, « on rit beaucoup dans les carrosses »...
En plus, 2 mois après la disparition de Marie-Thérèse, Louis épousait secrètement sa dernière maîtresse, Mme de Maintenon.
Après avoir lancé un cruel : « Voilà le premier chagrin qu’elle me cause ! » en repensant à son Autrichienne de cousine...