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Ermenonville : l'esprit rousseauiste du premier parc à l'anglaise de France !

Quand : 1763 - 1791

Ermenonville | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA
Château Jean-Jacques Rousseau Château d'Ermenonville

Une première !

En 1763, le marquis René de Girardin hérite du château et de la terre d’Ermenonville de son grand-père René Hatte, qui l’avait achetés en 1754.

Girardin a 28 ans, il est maître de camp de dragons et chevalier de Saint-Louis.

Admirateur de Jean-Jacques Rousseau, il va, dès 1765, mettre sa fortune au service d’un grand projet : créer un grand jardin, le tout premier parc à l’anglaise de France !

Château d'Ermenonville

Château d'Ermenonville | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

Une inspiration anglaise

Il s’agit donc là du premier parc à l’anglaise créé en France !

Girardin s’inspire d’un jardin visité quelques années plus tôt outre Manche, à Birmingham : le parc de Leasowes.

Regardez cette photo, et voyez par vous-même la similitude… flagrant, non ?

Une création du poète et paysagiste britannique William Shenstone.

The Leasowes

The Leasowes | ©Andy Whittle / Flickr / CC-BY

Un jardin idyllique

Le parc d'Ermenonville se veut aussi une illustration vivante de La Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau (1761), que Girardin admire profondément.

L’histoire d’un amour impossible, entre deux êtres que tout oppose…

Le jardin de l’héroïne et de son prétendant, à Clarens en Suisse, est un havre de paix rempli de plaisirs simples, loin de l’agitation matérielle de la ville.

Une nature indomptée, que l’on respecte, à mille lieux des jardins à la française.

Girardin veut un paysage comme une suite de toiles peintes, de tableaux grandeur nature, qui mêlent « promenade des jambes » (avec chemins et sentiers) et « promenade des yeux » (avec panoramas et points de vues).

Ermenonville

Ermenonville | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

Sol tourbeux, plaine maussade

Mais d’abord, il faut se retrousser les manches ! Drainer, aménager les pièces d’eau, les cascades, construire les petites fabriques.

Pour cela, Girardin peut compter sur l'architecte Jean-Marie Morel et le maître jardinier écossais Thomas Blaikie, accompagné de 200 jardiniers anglais.

Car autour du château, ils trouvent un « marais impraticable et d'un aspect repoussant. »

Incroyable, oui…

« Son sol tourbeux imbibé de mille sources souterraines était fangeux et mobile. Quatre ou cinq grands canaux, qui le coupaient en divers sens, n'avaient pu le dessécher ; ils augmentaient encore la masse de vapeurs malsaines qui, dans toutes les saisons, s'élevaient soir et matin. »

Tout autour, on n’a qu’une « espèce de plaine maussade et sans accident. »

Ermenonville

Ermenonville | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

Petite visite des fabriques du parc

Le temple de la Philosophie

Ermenonville est un parc à fabriques : de petites constructions à vocations décoratives et philosophiques.

À l’image du Temple de la philosophie, inachevé, dédié à Montaigne !

« Qui achèvera cet ouvrage ? » dit la petite phrase latine, gravée sur le seuil.

Avez-vous vu les colonnes tout autour du monument, qui attendent à terre, prêtes à être utilisées pour terminer le temple ?

Elles sont dédiées à :

  • Descartes (devise « Rien d’inactif dans la Nature ») ;
  • Newton, « la Lumière » ;
  • William Penn, « l’Humanité » (penseur anglais fondateur de la Pennsylvanie) ;
  • Montesquieu, « la Justice » ;
  • Voltaire, « l’Ironie » ;
  • Rousseau, « la Nature. »
Temple de la Philosophie

Temple de la Philosophie | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

Temple de la philosophie

Temple de la philosophie | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

La prairie arcadienne

Ce grand espace de verdure tient son nom de l’Arcadie, région grecque du Péloponnèse, berceau légendaire du dieu Pan.

Dès la Renaissance, les artistes s’emparent de ce mythe pour en faire un pays à la nature préservée et sauvage.

Tout à fait dans notre thème, cher à Rousseau et Girardin !

Devant cette prairie repose le peintre allemand Mayer, inhumé là par son ami Girardin.

Prarie arcadienne

Prairie arcadienne | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

Le théâtre de verdure

C’est un gazon en pente, avec deux bancs en pierre grossièrement taillée.

Il bénéficie d’une vue imprenable sur le grand étang et l’île des Peupliers !

Théâtre de verdure

Théâtre de verdure | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

La grotte aux ossements

Les ouvriers de Girardin trouvent un jour des ossements humains.

Girardin pensent que ce sont des victimes des guerres de Religion tombées ici. Il fait faire l’inscription latine, qui dit :

« Ici furent trouvés les ossements d’un grand nombre de victimes tombées sous les coups de leurs frères et de leurs concitoyens, alors que le fanatisme armait la main d’un fer homicide. »

Des fouilles effectuées en 1898 montrent finalement qu’il s’agissait d’une simple sépulture néolithique !

Grotte aux ossements

Grotte aux ossements | ©Parisette / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

L'île des Peupliers

Ici repose Jean-Jacques Rousseau

Jean-Jacques Rousseau reposait autrefois sur l’île dite des Peupliers.

Il faut dire que de mai à juillet 1778, le philosophe ami de Girardin s'était installé à Ermenonville.

Il y travaille sur ses écrits, erre dans les bois entourant le village avec le jeune fils du marquis et un gamin du village, Dodu, recueille des plantes pour ses herbiers... avant de mourir le 2 juillet 1778 d'une attaque d'apoplexie.

Le soir du 4 juillet, la dépouille du grand Rousseau est transportée sur l’île à la lueur de flambeaux, dans un cercueil de plomb recouvert de bois de chêne.

Deux ans plus tard, le petit monument funéraire était construit, avec l’inscription « Ici repose l’homme de la Nature et de la Vérité. »

Ile des Peupliers

Ile des Peupliers | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

Rousseau repose-t-il vraiment sur l'île ?

Ermenonville devient alors un lieu de pèlerinage : Thomas Jefferson, Bonaparte, Chateaubriand s'y succèdent…

Avant que (malgré le refus de Girardin) la Convention ne décide que la dépouille ne soit transférée au Panthéon, le 9 octobre 1794.

Les habitants d’Ermenonville sont choqués, refusent de croire au transfert. On murmure que le cercueil qui a rejoint le Panthéon était vide, rempli de cailloux ! On dit aussi que les cendres de Rousseau avaient en fait rejoint l'île en secret !

En 1897, le nouveau propriétaire d’Ermenonville, le prince Radziwill, fait restaurer le tombeau et constate qu’il est bien vide.

On fait ouvrir la sépulture du Panthéon, où l’on trouve un squelette.

Des scellés sont posés sur la tombe, mais entre-temps, un petit malin avait eu le temps de piquer un os et le proposer au conservateur du musée Rousseau de Montmorency, qui refuse…

Ile des Peupliers

Ile des Peupliers | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

La tombe de l’inconnu

Il s’agit de celle d’un jeune homme dont on ignore l’identité, venu à Ermenonville au début du mois de mai 1791.

On le voit errer chaque jour dans le parc, s’arrêter pensivement devant la tombe de Rousseau, pleurer longuement, puis rentrer dîner à l’auberge voisine.

Le 3 juin, il reçoit une lettre qui l’anéantit, et le 4, erre longtemps dans les bois, avant de se tirer une balle dans la tête.

On avait retrouvé une lettre, dans la poche de l’inconnu, adressée à Girardin.

Il annonçait son suicide (« victime de l’amour ») et demandait au marquis de faire inhumer son corps « sous quelques épais feuillages », à Ermenonville.

Tombe de l'Inconnu

Tombe de l'Inconnu | ©Pierre Poschadel / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

Le pont de la Brasserie

Il s’agit du seul vestige d’une fabrique conçue par le célèbre peintre paysagiste Hubert Robert : la Brasserie.

Pont de la Brasserie

Pont de la Brasserie | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

La table et les bancs des mères de famille

Sur l’une des pierres de cet ensemble bucolique, à l’image de ces nombreuses inscriptions qui émaillent le domaine, on lit :

« De la mère à l'enfant il rendit les tendresses, De l'enfant à la mère il rendit les caresses ; De l'homme à sa naissance il fut le bienfaiteur, Et le rendit plus libre Afin qu’il fut meilleur. »

Un bel hommage à Jean-Jacques Rousseau !

Les mères de famille : détail

Les mères de famille : détail | ©Anecdotrip / CC-BY-NC-SA

Sources

  • Encyclopédie Châteaux Passion. Éditions Atlas, 2001.
  • Arsenne Thiébaut de Berneaud. Voyage à Ermenonville. 1819.
  • Gérard Blanchard. Ermenonville : les lieux du texte d'un jardin. Communication & Langages, 1981.
  • Patrice Boussel. Guide de l'Ile-de-France mystérieuse. Éditions Tchou, 1969.
  • Article en ligne Le parc Jean-Jacques Rousseau sur le site officiel de la commune d’Ermenonville.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !