Rousseau décède en 1778, a l'âge de 66 ans, au château d'Ermenonville, chez son ami le marquis de Girardin.
Celui-ci le fait inhumer sur la petite île des Peupliers, au cœur de la propriété.
Rousseau à Ermenonville
Quitter Paris !
Rousseau n’a vécu que 40 jours, ici. Mais quel bonheur cela a-t-il été !
C’est le marquis de Girardin qui l’accueille chez lui, en 1778. Girardin est fan de Rousseau.
Rousseau veut fuir Paris, trop polluée, trop bruyante, trop chère surtout : il n’a plus un sou en poche !
Girardin lui fait construire un petit « chalet suisse » dans son domaine.
Mais comme la construction traîne, il l’installe dans une petite maison près du château, rue Souville.
Promenades et herbier
Rousseau est tellement content d’être là !
Girardin rapporte dans ses souvenirs que Rousseau explique qu’il y a bien longtemps qu’il n’a pas vu un arbre « qui ne fut couvert de fumée et de poussière » !
Il se lie d’amitié avec le fils du marquis, Amable-Séraphin, un garçon sauvage et timide qu’il appelle son « petit gouverneur. »
Quand il ne va pas dans les bois collecter des plantes, Rousseau rame sur l'étang : on le surnomme « l'amiral d’eau douce » !
Il se lie avec les habitants, leur fait des cadeaux malgré ses faibles revenus, plaide leur cause auprès du marquis, participe aux jeux de tir à l’arc le dimanche...
Bref, Rousseau revit : il est heureux, enfin !
La mort de Rousseau
Un malaise matinal
Il a 66 ans. On est au matin du 2 juillet 1778.
Il vient de prendre son petit-déjeuner, quand un malaise le prend. Un engourdissement violent.
Il tombe lourdement sur le sol, se blesse le visage. Thérèse, son épouse, le prend par le bras, tente de le rasseoir sur son fauteuil.
Déjà, les jours précédents, il se plaint de maux de tête, de vertiges.
Mais il continue de dévorer ses repas, et de faire de longues promenades à la recherche de plantes pour son herbier, donc... pas plus d’inquiétudes que cela !
Un « coup sur la tête »
Mais un jour, de retour d’une petite marche (on est le 2 juillet), il dit avoir reçu « un grand coup sur la tête. »
Il fait part de frissons partout, de picotements dans les pieds, d'une faiblesse extrême et d'une incapacité à marcher.
Il doit même aller se coucher. Il ne ressortira plus de son lit...
Rousseau se sent mourir, demande à ce que l’on ferme la porte à clé, pour ne pas être dérangé et que l'on ouvre la fenêtre pour sentir une dernière fois l’air frais.
Il prend une cuillère d’eau des Carmes, puis du bouillon, mais vomit tout.
Il veut se lever, tombe lourdement : il est 11 heures, le grand Jean-Jacques Rousseau vient de mourir.
La cause de sa mort
Lors de l'autopsie, le médecin trouve des sérosités.
Rousseau est mort d’un AVC.
Enfin... « apoplexie séreuse », comme on dit à l’époque !
La mort de Rousseau a été brutale, rapide, mais naturelle, quasi banale.
À moins que ?...
Suicide ?
Mme de Staël évoque le suicide la première, en 1788 : Rousseau se serait empoisonné (il est herboriste) !
10 ans après, c’est le suicide par arme à feu qu'Henri Martin évoque dans son Histoire de France.
Ensuite, les deux...
Oui, le grand Rousseau qui meurt d’un banal AVC, impossible ! Il faut du sensationnel.
D'autant plus qu'en 1897, on ouvre le cercueil du philosophe : on le trouve bien conservé, comme assoupi.
Et aucune trace de coup de feu sur son crâne !
Assassinat ?
L’idée fait surface en 1953 quand un certain Feuchtwanger publie Mort et transfiguration de Rousseau : celui-ci se serait fait assassiner par Nicolas Montretout, l’amant de Thérèse, son épouse...
Une belle œuvre de fiction, c'est tout !
Un masque mortuaire
Saviez-vous qu'il existe un masque mortuaire de Rousseau, réalisé par le sculpteur Jean-Antoine Houdon ?
Impressionnant de réalisme... il s'agit de la photo que vous pouvez voir ci-dessus !
L'enterrement
Après embaumement du corps, on l'enterre le 3 juillet à minuit, à Ermenonville, sur l’île dite des Peupliers.
Nuit noire. Silence de mort seulement brisé par le vent dans les feuilles et les grillons.
Tous les gens du coin, voisins, amis, anonymes, se massent, torches à la main, pour éclairer l’eau sombre et la barque chargée du cercueil qui file vers la masse noire de l'île.
La tombe de Rousseau devient un incroyable lieu de pèlerinage !
En 1780, Marie-Antoinette et Louis XVI lancent la vague des visites : Jefferson, Danton, Chateaubriand y défilent !
Le transfert au Panthéon
Le transfert des cendres de Rousseau se déroule le 11 octobre 1794.
Sur l'idée de Robespierre, qui voyait dans la figure du philosophe suisse un modèle à suivre, et dont il disait en 1792 « Personne ne nous a donné une plus juste idée du peuple que Rousseau »...
Du coup, le tombeau actuel de l’île des Peupliers existe toujours, mais il est vide !
C'est ce que l'on appelle un cénotaphe.
Rousseau demande à être autopsié
C’est dans son testament qu’il demande que l’on autopsie son corps après sa mort, car il est persuadé avoir une malformation !
Il écrit être « né infirme et malade. »
Il croit avoir des calculs rénaux, n’arrivant plus à uriner, il fait des bouffées de chaleurs, des insomnies, souffre de sciatiques...
Rousseau ne serait-il pas un poil hypocondriaque ?
Ajoutez à cela des petits problèmes psy, explique le Dr Cabanès : « hypersensibilité » accompagnée « d’obsessions inhibitoires » (phobies urinaires, génitales, verbales et psychiques), « d’actes impulsifs (kleptomanie, exhibitionnisme avec masochisme) »...
Sources
- Alexandre Lacassagne. Les dernières années et la mort de Jean-Jacques Rousseau. 1913.
- Stanislas de Girardin. Lettre sur la mort de J.-J. Rousseau. 1825.
- Achille Chereau. La vérité sur la mort de J.-J. Rousseau. 1866.