Les fiancés !
Qui est Anne d'Autriche ?
Elle est née en 1601 en Espagne, elle n’a jamais quitté son palais de l’Alcazar…
C’est la fille du roi d’Espagne Philippe III, malgré son nom !
C’est normal, son arrière-grand-père n'est autre que l’empereur Charles Quint : premier de cette puissante dynastie des Habsbourg qui règne sur l’Espagne depuis le XVIe siècle !
Louis XIII
Louis XIII en deux mots ?
Béarnais par son père Henri IV et florentin par sa mère Marie de Médicis !
En fait, il a des liens de parenté avec sa future épouse.
Sa mère Marie descend, par sa propre mère Jeanne d’Autriche, de Ferdinand Ier du Saint-Empire germanique, un Habsbourg… le frère de Charles Quint, qui est aussi l’aïeul d’Anne d’Autriche !
Les préparatifs : quelle fiancée ?
Henri IV ne voulait pas de cette union avec une Habsbourg, pour son fils, considérant cette famille comme ennemie.
Lui préfère Nicole de Lorraine, une descendante du célèbre bon roi René d’Anjou.
Mais après la mort d'Henri en 1610, sa veuve Marie de Médicis en décide tout autrement : cette union avec l’Espagne est une très bonne idée !
Une alliance inattendue, qui pourrait ramener la paix entre les deux grandes puissances…
L’accord n’est même pas encore signé, en 1612, que la reine voit son fils
« courir et sauter, dire tout joyeux à ceux de la cour qu’il est marié et l’entendre prier sa Majesté de lui bien vouloir enseigner comment se font les enfants... »
Mariage par procuration, échange de princesses
Le 18 octobre 1615, Anne épouse Louis (tous deux 14 ans) par procuration à Burgos, en Espagne.
Le 9 novembre, on procède à l’échange des princesses : il se passe comme le veut la tradition sur l’île des Faisans, à la frontière franco-espagnole.
La sœur du jeune Louis, Élisabeth de France, 13 ans, épouse par procuration Philippe futur IV d’Espagne, 10 ans, le frère d’Anne.
Élisabeth et Louis, au moment de se quitter, ne peuvent s’empêcher de pleurer !
« Ce fut lors que la nature fit jouer ses plus forts ressorts ; larmes, sanglots, soupirs et cris mêlés avec les baisers et les embrassements tels qu'ils ne se pouvaient séparer ; chacun faisant de même, ému par les larmes de ces jeunes princes, hormis Don Inego de Calderon, ambassadeur d'Espagne qui avait négocié le mariage, qui les regardait d'un oeil sec, tâchant de rompre ces accolades, criant à haute et puissante voix : Allons, allons, princesse d'Espagne ! »
Le roi revient à Bordeaux en larmes. Il se plaint « de douleur de tête, et dit : C’est d’avoir pleuré. »
Pour la petite histoire, Élisabeth est la future mère de Marie-Thérèse d’Autriche (née en 1638), future épouse de Louis XIV, lui-même le fils du frère d’Élisabeth !
Oh, là là, mais quelle consanguinité, je vous jure...
Louis fait passer le temps
Louis et la cour partent de Paris le 17 août 1615.
Étapes à Orléans, Tours, Poitiers... puis arrivée à Bordeaux, le 7 octobre.
Tout le temps de son séjour, le jeune ado s’amuse, logé au palais de l’archevêché. Il a ses oiseaux, ses arquebuses...
Il se change les idées en confectionnant des massepains, joue avec ses soldats de plomb, trouve le cabinet à confitures (secret) de l’archevêque de Sourdis et en dévore une partie… avant d'aller faire voler ses oiseaux chéris !
À la rencontre d'Anne !
Anne arrive, elle, le 21 novembre 1615.
Le trajet depuis l’Espagne a pris un temps fou !
Il faut dire que les routes sont mauvaises en hiver, les chariots avancent lentement, chargés à bloc de meubles et autres 160 draps et serviettes, 72 mouchoirs, 360 rubans...
Louis galope au-devant du carrosse de la reine, à Castres-Gironde, incognito. Curieux de l’apercevoir.
« Le Roi fait arrêter son carrosse au droit du sien, et, marchant doucement, la regardait, puis peu après se prend à lui dire gaiement en se montrant du doigt et tout haut : Io son incognito, io son incognito ! »
Il est ravi ! On le voit le lendemain rendre visite à Anne, à Bordeaux, qui a besoin d’une plume rouge pour ses cheveux.
Il lui tend son chapeau et lui dit de prendre ce qu’elle veut.
Puis ajoute : « Il faut aussi que vous me donniez un de vos nœuds qui est incarnat. »
Anne lui donne en souriant...
Scandale de dernière minute !
Ce n’est finalement pas le cardinal de Sourdis qui va bénir le mariage, mais l’évêque de Saintes.
Pourquoi ? Il y a eu un problème de dernière minute !
Le seigneur Hautcastel, que le cardinal protège, est condamné à avoir la tête tranchée.
On est sur le point de l’exécuter, quand on apprend que le roi, finalement, le gracie.
Le parlement de Bordeaux envoie deux conseillers aller dire au roi la gravité des crimes du seigneur, et le convaincre de ne pas annuler la peine.
Le roi réfléchit... puis révoque la grâce.
Mais l’exécution ne pouvant pas avoir lieu le jour-même, on reporte au lendemain.
Ce qui permet au cardinal de débouler, avec 50 de ses hommes, enfonçant les portes de la prison, embrochant le geôlier qui ne veut pas ouvrir la cellule de Hautcastel.
Celui-ci se fait sortir du trou, jeter dans la voiture du cardinal et zou, on le conduit en secret chez ce dernier, non loin de Bordeaux.
Scandale énorme ! Sourdis sera jugé pour crime de lèse-majesté et envoyé moisir 3 ans à Rome...
Couronne à l'impériale et émeraudes
Le jour J, tous les piliers de la cathédrale bordelaise ont été recouverts de « tapisseries bleues à fleurs de lys d’or », amenées exprès de Paris.
La foule est telle, autour de l'église, que plusieurs personnes se font écraser !
Anne est vêtue
- de « velours violet cramoisi, tout parsemé de fleurs de lys d’or » ;
- par-dessus, « un manteau royal de même parure, doublé d’hermines », si long (8 m) et si lourd, que trois princesses doivent le porter !
- Sur sa tête, la « couronne d’or à l’impériale, fermée par le haut d’une fleur de lis. »
Louis porte
- un costume « de toile d’or en broderie d’or, tout parsemé de perles, portant un capot et une fraise à l’espagnol. »
- autour du cou, « une chaîne de rubis, émeraudes, diamants et autres pierres précieuses d'une valeur inestimable. »
« La messe fut commencée vers les cinq heures après-midi. Le voile fut posé sur le Roy et la Reine et tenu par Messeigneurs de Bayonne et de Carcassonne. Le Roy vint à l’autel pour l’offrande et la Reine aussi, chacun donna un écu d’or. M. de Bayonne tenait le bassin et reçu les offrandes. Sur les six heures après-midi la messe fut finie. »
À la fin de la cérémonie, 800 écus et médailles sont jetés au peuple, en criant Largesse !
Une très vieille coutume...
Une histoire de mariage consommé... ou pas !
Ah, une autre histoire, que celle qui arrive...
Il faut absolument que le mariage soit « consommé », autrement, l’Espagne pourrait faire annuler le mariage !
Marie de Médicis ne jure que par ça !
On ne perd pas de temps :
- Vers 17h30, sitôt la messe de mariage dite, Louis accompagne Anne dans sa chambre. Lui se dit fatigué, il part se reposer dans la sienne.
- Il dîne : des gentilshommes viennent lui raconter des blagues grivoises pour lui donner du cœur à l’ouvrage ! Lui n’a que « de la honte et une haute crainte »...
- Il finit par demander ses pantoufles, sa robe de chambre et file chez Anne. Il est 20 h quand ils se glissent au lit.
- À 22h15, Louis revient dans sa chambre. La chose était faite, deux fois même ! En tous cas, c’est ce qu’il assure. On lui demande comment il s’y est pris, il dit : « Je lui ai demandé si elle voulait bien, elle m’a dit qu’elle le voulait bien. »
On n’en saura jamais plus ! Juste que Louis est traumatisé.
Et en fait... le mariage n’est pas consommé.
Pourtant, Marie de Médicis fait savoir que tout s’est bien passé et rend publique la chose, sous le titre « Ce qui s’est passé lors de la consommation du mariage du roi. »
Ça y est, ils l'ont fait !
Et nous voilà le vendredi 25 janvier 1619. Pourquoi cette date ? Vous allez voir !
Le fidèle médecin de Louis, Héroard, rapporte la journée du roi dans son Journal :
« Mis au lit, prié Dieu. A onze heures ou environ, sans qu’il y pensât, M. de Luynes vient pour le persuader de coucher avec la Reine. Il résiste fort et ferme, par effort jusques aux larmes, y est emporté, couché, s’efforce deux fois comme l’on dit, hæc omnia nec inscio. A deux heures il revient ; dévêtu, mis au lit, il s’endort jusqu’à neuf heures du matin. »
Vous savez quoi ? Le roi venait de coucher avec la reine, pour la première fois depuis 4 ans ! Depuis le mariage à Bordeaux, oui !
Il faudra attendre encore 1639 pour qu’Anne tombe enceinte de son premier enfant, Louis. Futur Louis XIV.
Mais c’est une autre histoire !
Sources
- Journal d’Héroard.
- Armand Baschet. Histoire secrète du mariage de Louis XIII. 1866.
- Laurent Coste. Bordeaux en fête : les noces de Louis XIII et d'Anne d'Autriche. 2008.
- Louis XIII à Bordeaux : relation inédite. 1876.
- Ernest Laroche. Bordeaux d’hier et d’aujourd’hui. 1896.