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Petite histoire du château de Chambéry en 8 personnages célèbres

Quand : 1416 - 1820

Le château | Calhan73 / CC-BY-SA
Château Château des Ducs de Savoie

1 - Amédée VIII

15e siècle. C’est Amédée VIII qui fait du château de Chambéry un vrai palais. Le symbole de la puissance des ducs de Savoie !

Lui, on l’a rencontré au château de Ripaille.

C’est à Chambéry, en 1416, qu’Amédée VIII fait servir un superbe banquet concocté par son cuisinier Pierre Morel... mémorable !

Hé, il faut marquer l’érection de la Savoie en duché ! Et épater un invité en particulier, l’empereur Sigismond.

Pour l’occasion, Amédée fait servir le célèbre gâteau de Savoie : un gâteau géant, avec la carte de la Savoie dessinée dessus !

« Le banquet fut dit-on d’une magnificence, d’une somptuosité étonnantes. L’usage exigeait alors que les viandes fussent dorées, accompagnées de banderoles et d’ornements allégoriques. Chaque convive avait ses mets à lui. On donnait portion double et quelquefois triple aux personnages les plus élevés en dignité. Les chevaliers et les bannerets voyaient par exemple s’étaler devant eux deux ou trois pièces de venaison... »
(Matériaux pour servir a l’histoire de Marguerite d’Autriche, tome 1)
Tour demi-ronde du château ducal

Tour demi-ronde du château ducal | © Patrick Morio60 / Flickr / CC-BY-SA

2 - Anne de Lusignan et le suaire de Turin

Amédée VIII fait construire la Sainte-Chapelle du château.

Vous savez quoi ? On y expose le célébrissime Saint Suaire, entre 1506 et 1536 !

Tout commence en 1433, quand le duc Louis Ier épouse Anne de Lusignan, la fille du roi de Chypre.

C’est à elle que Marguerite de Clagny, une dame de la Cour, offre le Suaire en 1443.

Il a été découvert par un certain Geoffroy de Charny, qui rapporte la relique d’Orient.

Et quand la famille de Savoie déménage à Turin, elle emmène le suaire avec elle ! Où il se trouve encore aujourd’hui.

3 - Louis XI et Charlotte de Savoie

9 mars 1451. Dans la Sainte-Chapelle a lieu un mariage. Royal, le mariage !

Celui du Dauphin, le futur roi Louis XI, avec Charlotte de Savoie.

Ça vous dirait d’y assister et d’en savoir plus ?

Tour des Archives, château de Chambéry

Tour des Archives, château de Chambéry | ©Zairon / Wikimedia Commons / CC-BY-SA

4 - Christine de France

Christine, fille d’Henri IV, sœur de Louis XIII, épouse de feu le duc Victor-Amédée, fait construire la façade baroque de la Sainte-Chapelle du château, dès 1641.

Elle fait appel à l’architecte piémontais Amedeo di Castellamonte, à qui l’on doit le palais de Venaria Reale, près de Turin.

Christine, qui signe toujours ses lettres « fille d’Henri IV » : ce papa qu’elle n’a connu que trop peu, mort alors qu’elle avait 4 ans.

Christine, que les Piémontais appellent Madame Reale.

Elle épouse au Louvre, en février 1619, ce Victor-Amédée à la santé fragile, plus âgé qu’elle.

Un mariage de raison, oui… mais celui qui est décrit comme taciturne, peu dépensier, travailleur, va tomber amoureux de la jeune fille blonde. C’est réciproque !

Le couple fait son entrée solennelle à Chambéry fin octobre 1619.

La cité savoyarde fait de grandes dépenses pour célébrer l’événement :

« Le Sénat fit faire un arc triomphant depuis la maison du maître auditeur Berlier jusqu’au coin du poids de la Juiverie. Il y avait de belles colonnes dorées, des armoiries, des emblèmes, et au-dessus, une niche dans laquelle était le fils aîné du sénateur More qui chantait des vers lorsque Madame passa. »
Histoire du sénat de Savoie (Eugène Burnier, 1864)
Christine de France

Christine de France | ©Rijksmuseum / CC0

5 - Hortense Mancini

Hortense, nièce du cardinal Mazarin, vient d’arriver à Chambéry, en cette belle soirée d’août 1672.

Le cardinal a fait venir d’Italie dès 1650 ses sept nièces, qui se font bientôt une place à la cour de Louis XIV.

Hortense, « la plus belle des nièces du cardinal », se fait marier par son oncle à Armand de la Porte de la Meilleraye. Un rustre complet !

« Fuyant les persécutions et les folies de son époux » (Histoire de la littérature française à l'étranger), elle quitte la France pour Turin le 13 juin 1666, déguisée en homme.

Le duc Charles-Emmanuel la reçoit. Mais les sbires de son mari la traquent... elle demande à pouvoir se réfugier à Chambéry, sous la protection des autorités savoyardes.

Elle y pose ses malles à la fin de l’été 1672. En ville, Hortense devient vite « la reine de Chambéry », dixit Gabriel Pérouse.

Logée dans un appartement du château, elle donne dans les jardins un bal mémorable, si bien habillée, qu’un témoin dit « qu’on ne pouvait rien voir de mieux mis et rien de si beau qu’était Madame Mazarin » (Curiosità e ricerche di storia subalpina, 1876).

Elle devient la curiosité de la ville, elle se fait construire une loge au théâtre, elle ne manque pas une messe.

Les beaux jours, on la voit se baigner sur les hauteurs de la cité, dans les eaux fraîches de la cascade de Jacob…

Mais… les bonnes choses ont une fin. Toujours !

En 1675, lors d’un bal, Hortense a le malheur de se brouiller avec un marquis de Montréal. On la fuit désormais comme la peste.

Ajoutez à cela que le duc de Savoie, son protecteur, meurt brutalement : sa veuve devenue régente ne prend pas des pincettes, pour la renvoyer...

Hortense doit quitter Chambéry, son paradis doré, et voler en Angleterre en trouver un autre...

Hortense Mancini

Hortense Mancini | ©Rijksmuseum / CC0

6 - Charles-Emmanuel III de Savoie, Carlin

1728. Le duc de Savoie, à cette époque, s’appelle Victor-Amédée II, roi de Piémont-Sardaigne.

Il vit à Turin. Il a un fils, Charles-Emmanuel III.

Pas franchement beau, ouh, tout vilain, petit et bossu, moche à un point qu’on le surnomme Carlin !

C’est le frère aîné, séduisant et fringant, qui aurait dû succéder à son père, mais il est mort dans un accident de cheval...

Tant pis, on va faire avec Carlin. Le duc le marie avec Christine-Louise de Neubourg, une femme encore plus vilaine que lui, mais qui meurt bientôt de maladie.

Bon, il faut penser à remarier Carlin. Chose faite avec la jolie Polyxène de Hesse-Rheinfeld.

Allez, maintenant, il faut faire des enfants ! Et pour contrôler la bonne marche des opérations, le roi fait appel à une dame de la cour, Mme de Saint-Sébastien. Qui s’occupe du cas Carlin...

Mais pendant ce temps, le vieux roi et la dame tombent amoureux... jusqu’à devenir sa maîtresse !

À la mort de la duchesse de Savoie, en 1728, la dame pense bien que son amant va la faire reine de Piémont-Sardaigne, tiens !

Mais il ne lui offrira qu’un mariage en toute discrétion, et l’emmènera avec lui vivre au château de Chambéry.

La Savoie, ce n’est pas l’Italie, on se caille, dans ce grand palais, et on s’ennuie ferme. Le vieux duc en a bientôt assez et abdique, pour laisser Carlin au pouvoir.

Mais quand la dame pousse son vieil amant à reprendre son trône au fiston, c’est trop tard : ledit fiston fait arrêter le père et sa maîtresse !

Lui meurt peu après, elle dans un couvent 40 ans plus tard...

Charles Emmanuel III

Charles Emmanuel III | ©Rijksmuseum / CC0

7 - Madame Clotilde, alias Gros Madame

Une princesse se marie dans la chapelle du château de Chambéry, ce 6 septembre 1775. Elle s’appelle Clotilde de France.

Chez le roi Victor-Amédée III, on marie ses enfants aux princes de sang français :

  • Joséphine a épousé le futur Louis XVIII ;
  • Marie-Thérèse le futur Charles X.

Vient le tour du prince de Piémont. Qui lui a-t-on destiné ? La petite-fille de Louis XV, Clotilde !

Elle a 15 ans, un embonpoint prononcé, la cour la surnomme d’ailleurs... Gros Madame. Un détail qui pose problème au roi.

Son fils avait, « dès son enfance, une préférence marquée pour les femmes minces et élancées et son éloignement décidé pour les femmes grasses. »

Ça, c’est le père qui le dit ! Le fils parait moins difficile que prévu, en fait !

Un émissaire envoyé à Versailles observe la jeune fille et envoie une description détaillée au prince.

Il est d’accord pour le mariage, arguant que « si la seule objection était un excessif embonpoint, un excellent caractère compensait bien cela. »

Clotilde prend la route de Chambéry et son fiancé en août 1775.

« Vous me trouvez bien grosse ? », lui murmure-t-elle à la frontière entre Savoie et France.

« Moins qu’on me l’avait dit et je vous trouve adorable », sourit le prince.

Ça sera un mariage d’amour, deux âmes sœurs qui font leur vie du château tout juste refait, après l’incendie de 1743 !

Tout le monde aime la jeune Française, et c’est une tragédie quand elle meurt en exil aux côtés de son mari, qui écrit :

« J’ai perdu mon adorable femme ; je suis veuf et orphelin ; elle était pour moi une femme, une mère, une amie, la plus chère partie de moi-même. »
Clotilde de France

Clotilde de France | ©Rijksmuseum / CC0

8 - Le mariage de Lamartine

6 juin 1820, 7 heures du matin. Le poète Alphonse de Lamartine et sa jeune Anglaise Mary-Ann Eliza Birch se marient dans la Sainte-Chapelle du château.

Il la rencontre un an plus tôt, à l’occasion du mariage de sa sœur.

Ils ont 30 ans. Petit problème : elle est protestante, lui catholique !

Il faudrait qu’elle se convertisse et ça, hors de question : Mme Birch refuse. Mary-Ann, elle, s’en fiche.

Alors, ce sera un double mariage : ils partent pour Genève pour un mariage protestant.

Ensuite, l’union catholique à Chambéry.

Mme de Lamartine, la mère d'Alphonse, écrira plus tard :

« Ma belle-fille était parée avec toute la noblesse possible. Elle avait une très belle robe de mousseline brodée entièrement. Il est impossible d’avoir une contenance plus remplie de dignité, de modestie et de grâce. Je ne peux dire tout ce que j’éprouvais en voyant mon fils arrivé enfin à ce moment important de sa vie... »

Et après un voyage en Italie, le couple part s’installer au château familial de Saint-Point, en Bourgogne

Sources

  • Gabriel Pérouse. Vieille Savoie : causeries historiques. 1936.
  • Juliette Benzoni. Le roman des châteaux de France. Perrin, 2012.
  • Ferdinand Reyna. Article Christine de France, fille d’Henri IV dans Revue des deux mondes, 1966.

À propos de l'auteure

Vinaigrette
Passionnée par les balades et par l'Histoire, grande ou petite... pleine de détails bien croustillants, si possible !