Le fils de la célèbre Mme de Montespan, le duc d'Antin, a été le plus célèbre occupant du domaine de Bellegarde !
Pour commencer l'histoire...
Pendant des siècles, Bellegarde fut habité par les plus grands seigneurs, et fréquenté par les rois eux-mêmes, qui venaient goûter aux plaisirs de la chasse, non loin d’Orléans...
Justement, laissez-moi vous présenter le plus connu : c’est par alliance que le château passe au duc d’Antin, en 1692, Louis Antoine Pardaillan de Gondrin.
Le fils légitime de la marquise de Montespan, la si célèbre favorite de Louis XIV ! C’est lui qui fait construire une grande partie du château actuel.
Les Pardaillan débarquent
Les Pardaillan de Gondrin entrent dans l’histoire de Bellegarde lorsque l’héritière Anne Marie de Saint-Lary apporte en dot le château à Jean Antoine de Pardaillan, marquis d’Antin et de Montespan.
Lui a dépassé la cinquantaine, elle a 20 ans à peine. Ils ne s’entendent... pas du tout ! La dame dit même avoir été séquestrée à Bellegarde par son mari. Un procès s’ouvre, s’éternise.
Lui meurt en 1687 à 95 ans. 5 ans plus tard, sa veuve, qui ne vivait plus à Bellegarde, donne le château à son neveu par alliance, Louis Antoine de Pardaillan. Le duc d’Antin qui nous intéresse ici !
Qui est le duc d'Antin ?
Réflexions... sur moi-même
Il a laissé son nom au quartier parisien de la Chaussée-d’Antin ! Il s’appelle Louis Antoine Pardaillan de Gondrin !
Ce militaire très apprécié de Louis XIV, lieutenant général des Armées, gouverneur de l’Orléanais, directeur des Bâtiments du roi, se voit démis de ses fonctions après 24 années de services, en 1707.
Il part s’enfermer à Bellegarde, où il entame la rédaction de ses mémoires, sobrement intitulées Réflexions sur l’Homme et en particulier sur moi-même.
Le zèle extrême du duc !
D’Antin brille par un zèle sans faille auprès de son roi ! Tenez, Voltaire raconte l’anecdote suivante : un jour, en route pour Fontainebleau, Louis XIV passe la nuit chez le duc, à Petit-Bourg. Le roi y critique une allée de vieux arbres « qui faisait mauvais effet. »
Crac ! D’Antin la fait abattre pendant la nuit. Le matin, le roi est étonné de ne plus voir les arbres dont la vue le gênait !
Le duc répond : « Sire ! Comment vouliez-vous qu’elle osât paraître encore devant vous ? Elle vous avait déplu. »
Bellegarde, Mme de Montespan et le duc d'Antin
Le domaine de Bellegarde aujourd’hui ? Un ensemble médiéval et Renaissance complètement transformé par le duc d’Antin ! Il fait construire tous les bâtiments en briques et pierres, entre 1717 et 1727.
Le donjon du 14e siècle est achevé par Braque, conseiller de Charles V : celui-ci y séjourne le 19 juillet 1376. Mais son extérieur et intérieur sont restaurés par Mme de Montespan, qui y aurait fait travailler Jules Hardouin-Mansart.
Un inventaire fait état, à Bellegarde, de 7 appartements, une dizaine de chambres, une soixantaine d’appartements, dans les annexes. Mais quid de la décoration ? On trouve :
- du « cuir doré », sur les murs d’une antichambre ;
- « une tapisserie de toile blanche à figures chinoises » ;
- un décor de porcelaines bleues et blanches et des tapisseries de Beauvais.
Quant aux tableaux, quelques-uns décorent aujourd’hui l’église Notre-Dame de Bellegarde !
Mme de Montespan... et son mari cornu !
Allez, je ne résiste pas au plaisir de vous dire deux mots sur les parents du duc d’Antin, notamment son père...
Des débuts heureux
Louis-Henri de Pardaillan de Gondrin, marquis de Montespan et d’Antin, épouse en 1663 la célèbre Françoise-Athénais de Rochechouart de Mortemart... Mme de Montespan !
Il n’a pas un sou, mais ils sont heureux, malgré le sang bouillant du Gascon, joueur de cartes invétéré et duelliste. Deux enfants naissent (dont le duc d’Antin).
Puis, Pardaillan part faire la guerre, laissant Françoise occuper la place de dame d’honneur de la reine.
Les cornes du marquis
À son retour, il trouve son épouse... enceinte. Du roi ! Le marquis tempête dans tout Paris. Personne ne comprend ! Quel ingrat !
Quand le roi prend votre femme comme maîtresse, vous devriez être flatté, non mais ! Non : lui se contente d’être jaloux !
Il ne supporte pas de partager sa moitié avec « Jupiter. » Il se promenait partout avec un chapeau, où les plumes avaient été remplacées par de hautes cornes. Il fait aussi orner son carrosse de gigantesques cornes de cerfs bien visibles…
Montespan va trop loin
Un jour de septembre 1668, le marquis menace le roi d’attraper la vérole en couchant avec des prostituées, pour ensuite contaminer sa femme, qui contaminera à son tour le roi ! Cerise sur le gâteau : il traite Louis XIV de canaille.
Le cocu est exilé sur ses terres en Gascogne. Il y organise l’enterrement symbolique de Françoise, avec sur sa tombe, une croix portant les dates 1663-1667…
À la fin de sa vie, le marquis, toujours aigri, écrira son testament, où il dit pouvoir révoquer le roi !
Le domaine du duc aujourd'hui
Le domaine de Bellegarde est vendu en 1757, à la mort du dernier duc d’Antin.
Aujourd'hui, les différents pavillons abritent entre autres les services municipaux de la ville.
Sources
- Encyclopédie Châteaux Passion. Éditions Atlas, 2001.
- Sophie Jugie. Le duc d'Antin et l'art : goût sincère, obligation professionnelle ou ostentation sociale ? In Cahiers Saint-Simon (n°37). 2009.
- Joëlle Chevé. Le marquis de Montespan, un cocu magnifique. Historia, historia.fr. Octobre 2014.
- Louis-Antoine de Pardaillan de Gondrin. Encyclopédie Wikipédia, wikipedia.org.
- Collectif. Loiret. Gallimard, 2012.