1 - Ici est né René d’Anjou !
Le célèbre René d’Anjou, dit le bon roi René, naît au château d’Angers, « dans une des tours avoisinant le grand portail », vers 3 h du matin. On est le 16 janvier 1409.
Il est le second fils de Louis (duc d’Anjou, roi de Naples, comte de Provence) et de Yolande d’Aragon.
Le nom de René est tout à fait nouveau, dans la famille royale de France !
Le couple a une dévotion toute particulière pour un vieil évêque d’Angers, Maurille.
Celui-ci ressuscita un enfant, qui en mémoire du miracle, prit le nom de René. Qui vient du latin renatus, né deux fois... re-né !
Le petiot passe son enfance au château d’Angers avec ses 6 frères et sœurs. Dont Marie d’Anjou, future reine de France, après son mariage avec Charles VII !
La nourrice de René s’appelle Tiphaine La Magine.
C’est René, qui en mémoire de la brave femme qui sécha ses larmes, fait construire son tombeau dans l’église Notre-Dame-de-Nantilly de Saumur.
Elle y était représentée tenant dans chacun de ses bras un enfant emmailloté dans un linge, portant des fleurs de lys (Marie et René).
L’épitaphe, composée par les soins de René, disait :
« Ci-gît la nourrice Thiphaine La Magine, qui eu grand peine à nourrir de lait, en enfance, Marie d’Anjou reine de France, et après son frère René, qui a voulu en cette ville, pour grand amour de nourriture, faire faire la sépulture de la nourrice susdite, qui à Dieu rendit l’âme quiète... »
2 - Des tours... de deux couleurs
Louis IX, dit saint Louis, fait construire la forteresse à partir de 1230.
De cette époque date l’enceinte actuelle de 17 tours rondes de 12 mètres de diamètre, avec ses murs de plus de 800 mètres de long.
Avez-vous remarqué, ces deux couleurs ? On a du schiste en alternance avec du calcaire blanc.
Pourquoi ces deux teintes ?
Le guide du château d’Angers des Éditions du Patrimoine explique que c’est une volonté des architectes de créer ce contraste, afin de « renforcer l’apparence de puissance ».
Le guide ajoute qu’un côté de la forteresse n’a jamais été fortifié, celui dominant de 20 mètres le Maine, avec sa falaise.
Les architectes ont jugé que ce côté nord-est était naturellement défendu : le fortifier aurait été inutile et trop coûteux !
3 - Qui sont les ducs d’Anjou ?
Si saint Louis fait construire la forteresse actuelle, les ducs d’Anjou la transforment en élégante demeure résidentielle avec ses jardins, son logis royal, sa galerie et son châtelet.
Louis Ier, Louis II et René d'Anjou y rassemblent une cour brillante.
Eux, ce sont les puissants ducs d’Anjou ! Des proches du roi de France, si vous préférez.
En 1246, saint Louis donne ce qui est encore le comté d’Anjou à son frère Charles, qui devient Charles Ier d’Anjou.
La dernière héritière de la maison d’Anjou épouse Charles de Valois, le frère du roi de France Philippe le Bel.
Le fils de Charles monte sur le trône en 1328, sous le nom de Philippe VI.
Puis en 1356, Jean le Bon, fils de Philippe VI, donne en apanage l’Anjou à son fils et le fait duc.
4 - L'extraordinaire ménagerie du roi René d'Anjou
Allons dans les jardins reconstitués du roi René, pour évoquer sa ménagerie !
Dans ces jardins, il s’était constitué d’impressionnantes volières et une ménagerie de « bestes estranges », cadeaux de princes originaires de contrées éloignées.
Aux côtés des cerfs, sangliers, biches, on a des lions, des léopards, des singes, des dromadaires, des loups et renards, des grues, des perroquets, des faucons...
René prend grand soin de ses petits pensionnaires.
Il a passé un marché avec les bouchers d’Angers, pour réserver tous les jours, un certain nombre de moutons pour ses lions.
Chaque animal a un nom, et l’on consigne dans un carnet des détails sur leur état de santé et leur maladie.
À leur mort, leur gardien venait annoncer la triste nouvelle à la chambre des comptes.
Ce fut le cas pour les lions Martin, Dauphin et Marsault, qu’on enterre dans l’enceinte du château même.
Et ce ne sont pas les seuls ! Il faut dire que le climat angevin ne leur convient pas du tout, on s’en doute !
Détails touchants, les archives ont gardé les noms des gardiens :
- Yves Cadorat, garde des dromadaires et des chèvres sauvages ;
- le garde de la civette, Jean Bidet, est un tapissier chargé de la nourrir et de la chauffer été comme hiver ;
- Bertrand Gosmes, un des austrissiers, s’occupe des oiseaux, mais aussi des porcs-épics et des biches...
5 - La tour du Moulin
Henri III ordonne la destruction du château, au moment des guerres de Religion.
Mais seule la partie supérieure des tours est détruite, arasée, ratiboisée !
La tour du Moulin, haute de 40 mètres, est la seule qui n’a pas connu ce sort.
Elle a donc gardé sa hauteur d’origine !
Incroyable, vous ne trouvez pas ?
Elle porte ce nom, car tout à son sommet se trouvait un moulin à vent, jusqu’à la fin du 16e siècle.
6 - Une réplique du château d’Angers... en Italie !
Charles Ier, duc d’Anjou, vous vous souvenez de lui ?
Le frère de saint Louis, oui, qui a été le tout premier duc d’Anjou.
En 1279, figurez-vous qu’il fait construire la réplique du château d’Angers à Naples, nous dit Georges Bordonove dans son Saint Louis, roi éternel (2013) !
Il s'agit du Castel Nuovo, aussi connu sous le nom de maschio Angioino, donjon angevin.
Mais pourquoi ce sosie italien ?
Charles Ier d’Anjou a été couronné roi de Sicile et de Naples en 1266 !
7 - Nicolas Fouquet prisonnier du château
7 septembre 1661, au soir. Des mousquetaires pénètrent dans le château, d’Artagnan à leur tête.
Un prisonnier leur a été confié. Nicolas Fouquet !
L’ex-surintendant des finances de Louis XIV, à la carrière fulgurante. Trop. Beaucoup trop, au goût des jaloux, qui le font tomber après un procès douteux.
Il était devenu plus riche que le roi ! Imaginez, son château de Vaux-le-Vicomte a été le modèle de celui de Versailles… Bref !
Deux hommes l’accompagnent dans sa chute : son domestique, La Vallée ; son médecin, Pecquet.
Ils ont obtenu l’autorisation de partager le triste sort de Fouquet, alors malade de la « fièvre quarte ».
Et les conditions de détention, dans le logis du Gouverneur, sont rudes !
Le célèbre mousquetaire d’Artagnan, dépense vite l’argent mis à disposition pour loger décemment Fouquet, alors il demande à Colbert le versement de 1000 louis d’or :
« J’ai été obligé de lui acheter quelque vaisselle et je suis après lui chercher un lit, celui où il couche n’étant pas des plus honnêtes, et c’est un lit que j’ai loué. Dans mon ordre il est porté que j’achèterai les meubles qui lui seront nécessaires. »
Il faut dire qu’alors, le château d’Angers est à l’abandon, bien loin du quatre étoiles qu’il a été du temps de René d’Anjou !
L’ex-surintendant reste à Angers jusqu’au 1er décembre, malade, fiévreux.
Il « parut inquiet et abattu les premiers jours de sa détention », rapporte le greffier Foucault dans ses Mémoires.
Ensuite… hé bien, ensuite, Fouquet se fait transférer au château d’Amboise puis au fort de Pignerol, après son procès et sa condamnation.
8 - Tremblez ! Voici la tenture de l'Apocalypse
Commandée en 1373 par le duc d’Anjou Louis Ier, achevée vers 1382, elle porte le nom de tenture de l'Apocalypse.
On a là 70 superbes scènes conservées sur 103 mètres de long et 4,50 mètres de haut.
La tapisserie illustre le dernier livre de la Bible, écrit par saint Jean à la toute fin du Ier siècle.
En 1400, saviez-vous qu’on la tend à l’intérieur de l’archevêché d’Arles, à l’occasion du mariage de Louis Ier d’Anjou et de Yolande d’Aragon ?
Le roi René la lègue à la cathédrale d’Angers : elle y reste jusqu’au 18e siècle, moment où le chapitre la met au rebut (oui !).
Redécouverte en 1848, elle ré-intégre la cathédrale en 1870, avant d’être mise en valeur au château dans les années 1950.
Où elle se trouve toujours !
9 - La croix d’Anjou
Faisons un saut dans la chapelle construite en 1410, par Yolande d’Aragon !
Regardez : les clés de voûte sont ornées des armes de Louis II et Yolande, avec la croix à double traverse connue sous le nom de croix d’Anjou.
Cette croix devient ensuite le symbole de la Lorraine, sous le « règne » de René.
Pour ensuite devenir, bien plus tard, le symbole de la France libre et des forces françaises de l’intérieur, puis du gaullisme !
La relique de cette croix se trouvait dans la chapelle : il s’agit d’un assemblage de morceaux de la Vraie Croix, ramenés de Constantinople au 13e siècle, puis exposés dans une abbaye angevine.
Sources
- Albert Lecoy de La Marche. Le roi René, sa vie, son administration, ses travaux. 1875.
- Jean Mesqui. Le château d'Angers. Éditions du Patrimoine, 2007.
- Archives de la Bastille : 1659-1661.
- Pierre Adolphe Chéruel. Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet. 1862.